faïsse [fajs(ə)] n. f.
〈Alpes-de-Haute-Provence, Alpes-Maritimes, Var, Gard, Aude, Aveyron, Lozère, Ardèche〉 Surtout rural Le plus souvent au pl.
1. "muret de pierres sèches destiné à retenir la terre des terrasses de culture étagées
sur les pentes des collines". Synon. région. restanque*. – Les faïsses de schiste (R.-A. Rey, La Passerelle, 1976, 165).
1. […] l’univers où évoluent les derniers bâtisseurs de faïsses [en note : murs de soutènement permettant la culture à flanc de montagne ; espace entre ces
murs], réduits à d’obscures empoignades avec les fatalités qu’une terre misérable
peut susciter à l’état pur, presque divin, n’est certainement pas éclairé par un soleil
ordinaire, ni leurs nuits ensemencées de banales constellations. (J. Carrière, L’Épervier de Maheux, 1972, 23.)
2. « Mais il y a les faïsses qui tombent, les maisons qui s’écroulent, la jeunesse qui s’en va. L’hiver, tu passes
dans le pays, tu ne vois que des gens vêtus de noir, comme s’ils venaient d’enterrer
quelqu’un […]. » (Témoignage d’un « jeune Cévenol », dans J.-P. Chabrol, La Cévenne par ses gens, 1976, 36.)
2. Par méton. "terrasse de culture". Synon. région. restanque*. – Bientôt on travaillera plus aucune faysse (NouvelAveyr 1978). Une « faïsse » de blé (M. Stèque, La Tour de Siagne, 1981, 130).
3. « Il faut venir dans les Cévennes pour l’honneur de la terre. On […] vient ici pour
cultiver les faïsses [en note : terrasses de cultures à flanc de coteau, soutenues en général par des murettes
de pierres sèches], pour les remonter, pour tailler les châtaigniers, les greffer,
les soigner […]. » (Témoignage d’un « jeune Cévenol », dans J.-P. Chabrol, La Cévenne par ses gens, 1976, 32.)
4. […] il possédait une maison et des parcelles un peu partout, un pré par-ci, une « faïsse » par-là, ou bien même une oseraie. (L. Chaleil, La Mémoire du village, 1989 [1977], 79.)
5. […] un mur de pierres sèches servant à maintenir une faïsse […]. (P. Roux, Le Caganis, 1983 [1978], 118-119.)
6. Le mulet au pied sûr connaissait chaque faïsse, chaque sentier, chaque brousse [= touffe de bruyère], chaque caillou. (R.-A. Rey,
Frosine, 1980, 146.)
7. Nous décidâmes que le meurtre [d’une chèvre] aurait lieu à la Coste, dans les faïsses que cultivait Tiercy Mouton, parce que c’était un endroit caché et que les murs des
restanques* y étaient très hauts. (M. Stèque, La Tour de Siagne, 1981, 74.)
8. Les cultures pratiquées sur les terrasses ont évolué au cours des siècles. En Ardèche,
la plupart des « faïsses » ont été édifiées pour recevoir des céréales, du seigle essentiellement. À partir
du xviiie siècle la pomme de terre prenait le relais de cette céréaliculture sur bien des terrasses.
(J.-Fr. Blanc, Paysages et paysans des terrasses de l’Ardèche, 1984, 250.)
9. cévennes méridionales, cadre verdoyant, magnifique mas […] 1 ha ½ en « faïsses ». (Le Nouvel Observateur, 18 décembre 1987, 131 [Annonce émanant de l’Agence Ginoux, Quissac, Gard].)
10. Toute la famille ou presque est [au travail] dans les faïsses au-dessus du mas. (M. Jeury, « Chez soi », dans A. Roustan, dir., Nouvelles des Cévennes, 1996 [1994], 82.)
□ Avec un commentaire métalinguistique incident. Les faysses, terrasses laborieusement érigées par nos aïeux (M. Faure, dans M. Carlat, L’Ardèche, 1985, 34).
11. C’était un tailleur de pierre très réputé et spécialiste des murs en pierres sèches.
Ces murs délimitent des « faïsses » (petites bandes de sol cultivées en terrasses qui permettent aux arbres plantés dessus
de sucer la chaleur du soleil par leurs racines). (M. Scipion, Le Clos du roi, 1980 [1978], 64.)
12. Sur une faïsse (bande de terre bordée par deux murs de pierres sèches), un tout petit sentier, pas
plus large que deux mains ouvertes […] nous mena en cinq minutes au cabanon*. (M. Scipion, L’Arbre du mensonge, 1980, 122.)
□ Dans un commentaire métalinguistique incident.
13. Au-dessus de lui : des bandes de terre étagées… c’était le domaine des « faïsses » : beaucoup n’avaient guère plus d’un mètre de large. Nous parlons d’elles au passé
car, si des générations se sont usées à les cultiver, personne aujourd’hui ne continue
ce travail de fourmis persévérantes et efficaces. (Mme Barbaray-Assenat, « Entre Langogne et Villefort… Le Roure, les gorges du Chassezac, La Garde-Guérin, le
Rachas », Lou Païs 201, 1974, 102.)
□ Dans une série synonymique.
14. […] retenue par une murette de pierres sèches, la terre apportée ainsi, panier par
panier au jour le jour, finissait par constituer un petit champ artificiel, vigne
ou jardin suspendu, l’une de ces merveilleuses terrasses de culture que l’on nomme
« traversiers » ici, « barres » à Chamborigaud, « accols » vers l’Ardèche, « bancels » ailleurs et « faïsses » un peu partout dans la Cévenne. (J.-P. Chabrol, Le Crève-Cévenne, 1993 [1972], 1045.)
15. Presque partout, le terroir a été aménagé à main d’homme. Une infinité de murettes
en pierres sèches retiennent le sol, constituant ainsi des terrasses dénommées bancels,
faïsses ou accols, plus ou moins larges […]. (C. Gaillard, « Villefort et son canton », Lou Païs 253, 1980, 83.)
16. Enfin, plus bas, le tiers inférieur est occupé par les « accols » (appelés ailleurs faïsses, bancels ou traversiers) sur lesquels les oliviers, devenus bien rares, se partageaient
la terre avec le « jacquez » et le « clinton »* au jus noir et fruité. (A. Thomas, La Vallée de la Ganière et Gagnières, 1981, 8.)
17. […] ces terrasses qu’on nomme ici « bancels » ou « faïsses ». (F. Buffière, « Ce tant rude » Gévaudan, 1985, 150.)
■ graphie. La graphie habituelle est faïsse ; la forme faysse, donnée par deux lexiques régionaux, est beaucoup moins fréquente.
■ remarques. Autres synon. région. accol, bancel, barre, traversier (v. ci-dessus, ex. 14-17), étagère (« Dans le Biterrois, ces terrasses sont appelées “étagères” en français régional » ALLOr, carte 118*).
◆◆ commentaire. Attesté en afr. dep. le 13e s. en Champagne (Gdf), faisse "bande de terre, terre de forme allongée" n’a guère eu de postérité dans le Nord-Est. Mais dans le domaine occitan, en arouerg.
et apr., ce type est attesté dep. la fin du 12e s. (MeyerDoc), 18e s. en Languedoc faisso "terrasse de vigne" (Sauvages 1785), 19e s. en Dauphiné et dans les Alpes-Maritimes "bande étroite entre deux escarpements" (FEW) ; dans ces mêmes régions, il est attesté à date ancienne comme microtoponyme
(La Fayssa, 1464, auj. à Malarce-sur-la-Thines, Ardèche ; v. J.-Fr. Blanc, Paysages et paysans des terrasses de l’Ardèche, 1984, 147). Entre temps, on le relève dans le français du Rouergue en 1539 (« draye de bestail […] pour aller abreuver le bestail […] et pour mener paistre dans
les faisses que led. monastere a à Brenas » v. BambeckBoden, 97-98) et, probablement au sens ici considéré, dans le français
du Var en 1581 « 7 faïsses de terre pour les reduire en vigne » (Arch. départ. du Var, E 1026, dans J.-Fr. Blanc, loc. cit.). Parmi de nombreux synonymes, surtout dialectaux ou d’aire restreinte en fr. région.,
faïsse est en usage dans quelques aires du quart Sud-Est. Le terme est absent des dictionnaires
généraux contemporains.
◇◇ bibliographie. ALLOr 118 (« La plupart de ces champs en terrasses, très étroites, et qui le plus souvent ne pouvaient
être travaillés qu’à la main, sont aujourd’hui abandonnés ») ; NouvelAveyr 1978 faysse ; BlanchetProv 1991 « Haute-Provence » ; CampsLanguedOr 1991 « Aude, Cévennes » ; CouCévennes 1992 ; PolverelLozère 1994 pl. ; MazodierAlès 1996 faysse ; aj. à FEW 3, 425b, fascia.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø. EnqCompl. 1999 : Taux de reconnaissance : Gard, 100 % ; Var, 15 % ; Hérault, 5 %.
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