fier, fière adj.
1. 〈Champagne, Ardennes, Lorraine, Franche-Comté〉 fam., vieillissant "âpre au goût ; acide". Vin fier ; sauce fière.
1. Sauf chez quelques gourmands, il était d’usage d’attendre un certain temps avant de
consommer la piquette, surtout celle de fruits. […] Aussi attendait-on qu’elle « râpe » un peu et commence à piquer. […] La saveur de la boisson gagnait chaque semaine en
âpreté. Les tristes années de blé germé, elle était parfois si « fierte » qu’on se cramponnait à la table pour l’avaler. (Cl. Thouvenot, Le Pain d’autrefois, Chroniques alimentaires d’un monde qui s’en va, 1977, 80.)
2. La Véro, elle m’avait donné des pommes, mais fières, fières, j’ai eu beau y mett’ du sucre, elles seraient bien allées en tartes, j’ pense, ces
pommes ! (L. Semonin, La Madeleine Proust, 1990, 155.)
■ remarques. La variante fierte au féminin (v. ex. 1) est relevée dans TamineArdennes 1992 (« Le féminin de l’adjectif, dans son sens général, comme dans son acception régionale,
est parfois fierte ») et dans la lexicographie suisse romande (GPSR).
2. 〈Doubs (Montbéliard)〉 cuisine traditionnelle paipet fier loc. nom. m. "plat à base de pommes de terre, d’oignons, de saucisses au cumin et d’œufs durs, accommodé
habituellement avec une sauce au vinaigre". Paipet fier (Les Recettes franc-comtoises de Grand’Maman, 1985, 35).
3. Chaque province a inventé une façon particulière d’accommoder les pommes de terre.
La nôtre n’y a pas failli, et il est à peu près certain que le « paipet fier » est la seule recette originale et qui vaille la peine d’être connue de notre cuisine.
C’est un ragoût de pommes de terre agrémenté de saucisses et d’œufs durs, relevé d’ail,
de thym, de laurier, de girofle et d’une pointe de vinaigre. (G. Becker, « La cuisine du Pays de Montbéliard, Essai historique et sociologique », Bulletin et mémoires de la Société d’émulation de Montbéliard, 1976, 31.)
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
4. […] le « paipet fier », ce plat composé d’une superposition de couches de pommes de terre cuites au four,
auxquelles le vin blanc ajoute sa touche acide. (Cuisine du terroir, n° 7, la Franche-Comté, janvier-février 1996, 28.)
5. L’association des amis des temples de Bethoncourt [Doubs], Bussurel et Vyans-le-Val
[Haute-Saône] propose une soirée montbéliardaise […]. Au menu, une salade composée,
un Paipet fier (le Paipet Fier est une recette typique composée avec des pommes de terre et de la
saucisse de Montbéliard), comté, cancoillotte*, gâteau* de fête et salade de fruits. (Le Pays, 1er avril 2000, 32.)
■ prononciation. Souvent prononcé [papefje].
■ dérivés. 〈Doubs (Pays de Montbéliard)〉 fiérot, ‑ot(t)e adj. "aigrelet, acide", surtout dans pommes de terre fiérot(t)es loc. nom. f. pl. "pommes de terre mijotées, avec lardons et oignons, assaisonnées d’un filet de vinaigre
(version simplifiée du paipet fier)" (P. Fischer, Toute la Gastronomie franc-comtoise, 1981, t. 1, 135, qui atteste la lexie dep. 1923 ; mais déjà ContejeanMontbéliard
1876 relève « On appelle poumes-de-têrre fierottes, des pommes-de-terre assaisonnées au vinaigre »). Recette de « Pommes de terre fiérotes » dans C. Guillemard, Les Carnets des cuisinières de Bourgogne, de Bresse et de Franche-Comté, 1983, 68.
◆◆ commentaire. 1. Enregistré de façon sporadique dans la lexicographie générale dep. Trév 1752 (fier "acide"), ce sens a été très tôt dénoncé en Lorraine (DuboisLorr 1775 ; PutonRemiremont 1901
"acide, se dit d’un fruit sur, d’un vin acerbe, etc." ; RobRemiremont 1911 "acidulé" ; BlochVosgesMérFr 1921, 129 « “fier” garde le sens d’amer […], en parlant des fruits qui ne sont pas mûrs, d’après l’usage
du patois, dans le français de Remiremont ») et Franche-Comté (SchneiderRézDoubs 1786). Caractéristique aujourd’hui du français
de la Champagne (déjà RaillietReims 1930) et des Ardennes et de la Champagne (TamineArdennes
1992 ; TamineChampagne 1993), de la Lorraine (LanherLitLorr 1990 « partout » ; MichelNancy 1994 « connu »), de Franche-Comté (ContejeanMontbéliard 1876 ; BeauquierDoubs 1881 ; CollinetPontarlier
1925 ; BoillotGrCombe 1929 ; BichetRougemont 1979 un vin fier ; DuraffHJura 1986 « très usuel » ; DromardDoubs 1991 et 1997 ; ColinParlComt 1992 ; DuchetSFrComt 1993 ; JacquotChampagney
1998), il est aussi attesté en Suisse romande (GPSR 7, 409, sens n° 5) ; Rob 1985
« régional » ; TLF « région. Est, Franche-Comté, Suisse » ; FEW 3, 479b, ferus. 2. Si le type paipet est bien attesté en Franche-Comté (ContejeanMontbéliard 1876 ; CorbisBelfort 1879 ;
BeauquierDoubs 1881 ; DoillonComtois [1926-1936] ; DuraffHJura 1986 ; DromardDoubs
1991), la locution nominale n’est relevée que par ColinParlComt 1992, qui l’a recueillie
auprès d’un couple de témoins bisontins en juin 1991 ; à aj. à FEW 7, 584b, pappare.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Meuse (nord), Haute-Saône, Territoire-de-Belfort, 100 % ; Marne, 90 % ; Haute-Marne,
75 % ; Ardennes, Aube, 70 % ; Doubs, 65 % ; Jura, 0 %.
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