gouttière n. f.
1. 〈Centre-Ouest, Allier, Saône-et-Loire, Ardennes, Lorraine, Haute-Saône, Ain, Rhône,
Loire, Isère, Drôme, Hautes-Alpes, Provence, Gard, Hérault, Aude, Pyrénées-Orientales,
Ariège, Haute-Garonne, Tarn, Tarn-et-Garonne, Lot, Aveyron, Lozère, Ardèche, Haute-Loire,
Puy-de-Dôme, Corrèze, Haute-Vienne, Dordogne, Lot-et-Garonne, Gers, Hautes-Pyrénées,
Pyrénées-Atlantiques, Landes, Gironde〉 usuel "voie d’eau dans une toiture". – Des bâtiments branlants, avec des gouttières partout (Cl. et J. Jeury, Le Crêt de Fonbelle, 1981, 246).
1. – Heureusement qu’elle est charpentée de chêne, comme l’église de Monein – commentait Oncle Jem, regardant la maison natale avec tendresse –, sans quoi elle serait déjà tombée sur ta tête de mule de père […]. Il ne veut même
pas que je m’occupe des gouttières, et il pleut au grenier comme il pleut dans la vigne. (J. Peyré, Le Puits et la Maison, 1997 [1955], 12.)
2. « Il y a une gouttière dans le grenier, dit-elle. Vas-y voir et mets-y une casserole. » / Juste au-dessus de sa tête s’entendait effectivement l’égrènement monotone de gouttes
d’eau sur le plancher ; cela risquait de gâter le plafond. (L. Bourliaguet, La Dette d’Henri, 1958, 45.)
3. Un jour de pluie, elle remarqua des gouttières dans la toiture […]. (J. Anglade, Jean Anglade raconte, 1975, 47.)
4. Y a bien deux autres pièces à côté, mais […] il pleut dedans, voyez-vous. […] J’ai
mis du plastique aux gouttières. (A. Geaudrolet, Amours paysannes, 1980, 272.)
5. Quand il pleuvait, des gouttières laissaient passer l’eau, et il ne fallait pas moins de trois ou quatre cuvettes disséminées
un peu partout dans la maison ! (J. de Bougues-Montès, Chez Auguste. Histoires truculentes et vraies du Bassin d’Arcachon, 1982, 55.)
6. En quinze jours, il n’y avait plus une seule gouttière à travers les toits de la Rivoire : le Lalou avait récupéré les tuiles du hangar
des Rigaud dont le toit était passé au travers. (Cl. Vincent, Les Roses de l’hiver, 1982, 175.)
7. – Vous savez, Laurence, ces travaux sont indispensables. Les devantures sont pourries,
le bord de la toiture a besoin d’être refait, il y a une gouttière au grenier. (É. Méallet, Les Quatre chemins, 1988, 188.)
8. – J’aimerais, leur dit-il [le pasteur], avoir votre avis sur des sujets qui me tiennent
à cœur. Si vous le voulez bien, nous ne nous occuperons pas ce soir de ce bon vieux
poêle du temple qui ne chauffe pas suffisamment […], ni des gouttières, ni des finances qui me causent pourtant tant de soucis. (M. Donadille, Pasteur en Cévennes, 1989, 80.)
9. Un local où Zénaïde était montée plusieurs fois, rempli de poussière et de secrets.
De parapluies en train de sécher depuis quinze ans. De bassines disposées çà et là
pour recevoir les gouttières. (J. Anglade, La Soupe à la Fourchette, 1996 [1994], 211.)
10. La pluie, de grosses gouttes éparses d’abord, tambourina bientôt sur les tuiles du
toit.
– Il faudra monter des cuvettes sous les gouttières du grenier. (H. Noullet, La Destalounade, 1998, 12.) □ En emploi métalinguistique ou dans un énoncé définitoire ordinaire.
11. On désignait sous ce terme [larmes] ce que de nos jours nous dénommons « gouttières »… solution de continuité dans une toiture laissant traverser les eaux de pluie… (CaylaLanguedoc
1964, 415.)
12. La gouttière est le trou qui se produit dans la couverture (surtout en lauzes*) et par où pénètre l’eau de pluie. (ALJA, 1974, t. 2, 1076*.)
— Par méton. "eau qui passe à travers cette ouverture ; traces de ce passage".
13. Aujourd’hui, il y avait autour de lui une séquelle de bruits. C’était d’abord, le
plus proche, un son régulier comme une horloge au-dessus de sa tête, dans le grenier.
Et tantôt cristallin et tantôt mat. Il comprit que c’était une gouttière. Il devait même y avoir un récipient sous elle pour la recevoir, mais, capricieuse
comme toutes les gouttières, elle jouait et folâtrait autour, s’amusant tantôt à le manquer, tantôt à sauter en
plein dedans. (P. Magnan, L’Aube insolite, 1998 [1946], 308-309.)
14. L’auréole de la veilleuse décelait au plafond les vagues continents des gouttières. (Fr. Mauriac, L’Agneau, 1954, 216.)
15. Bel orage du Languedoc, eau lustrale, cadeau du ciel et de l’été. […] On entendait
le bruit des gouttières tombant dans les bassines séculaires du grenier. (Fr. Hébrard, Un mari c’est un mari, 1986 [1976], 68.)
■ remarques. Dans les régions où gouttière est usuel en ce sens, le fr. stand. gouttière est concurrencé soit par chéneau/cheneau* soit par dalle*.
2. Par métaph. 〈Sarthe, Vienne, Charente-Maritime, Charente, Gironde〉 être à/sous la gouttière loc. verb. (jeux de cartes, notamment belote) fam. "être le premier à parler".
16. – Coupe ! Pierrot, ensuite, ramasse les deux tas et commence à distribuer… Carreau !…
Le neuf ! Gégé est sous la gouttière, il passe quand même, Nanar aussi, Claude prend. (J. de Bougues-Montès, Chez Auguste. Histoires truculentes et vraies du Bassin d’Arcachon, 1982, 161.)
◆◆ commentaire. 1. Attesté dep. le 15e siècle dans le français de Suisse romande (1458 gotyere, v. Pierreh), dep. 1588 chez Montaigne, en contexte métaphorique (« les bastimens de mon aage ont naturellement à souffrir quelque goutiere », éd. Villey, rééd. V.-L. Saulnier, Paris, 1978, t. 2, 1090), ce sens, par analogie
de fr. gouttière "conduit sur le bord des toits qui recueille les eaux de pluie et les conduit au tuyau
de descente ; ce tuyau lui-même" (dep. ca 1170, DEAF G 1051), est faiblement documenté dans Frantext (Amiel 1866, Pesquidoux 1925, Pourrat 1930). Il ne semble pas avoir été accueilli
par la lexicographie générale avant Rob 1955 (sans mention diatopique, mais avec un
ex. de Loti) ; absent de GLLF et de NPR 1993-2000, il est donné sans marque dans TLF
(mais avec des exemples de Loti 1886 et Pesquidoux 1925), tandis que Rob 1985 le qualifie
de « vx ou régional (Suisse) », avec des exemples de Loti 1886 et de Clavien 1976. Il est massivement en usage dans
la partie méridionale de la France et en Suisse romande (régions dont sont issus les
auteurs cités ici dans Frantext et TLF), avec des îlots dans l’Est (Ardennesa, Haute-Saône) attestant d’une aire autrefois plus vaste (cf. les attestations dialectales
en Haute-Marne, dans les Vosges, le Bas-Rhin, le Doubs, le Jura, v. FEW). 2. Cette locution, bien localisée dans une aire compacte, est absente de la lexicographie
générale ; elle n’a été prise en compte que par RézeauOuest. Elle semble formée à
partir de fr. stand. gouttière.
a « Bien connu aussi dans la partie méridionale de la Wallonie (Ardenne-Gaume) » (M. Francard).
◇◇ bibliographie. (1.) Sauvages 1756, 239b il y a dix gouttières ; SchneiderRézDoubs 1786 ; VillaGasc 1802 ; RollandGap 1810 ; PomierHLoire 1834,
226 ; PomierHLoire 1835 ; MègeClermF 1861 ; ChambonVayssier 1879 ; PuitspeluLyon 1894 ;
ConstDésSav 1902 ; BoillotGrCombe 1929 ; MussetAunSaint 1932 ; ParizotJarez [1930-40] ;
VincenzCombeL 1974, 28 ; Mauriac dans Wiedemann MélJeune 1990, 378 ; TuaillonRézRégion
1983 ; RézeauOuest 1984 et 1990 ; MartinPellMeyrieu 1987 ; MartinPilat 1989 « usuel » ; BoisgontierAquit 1991 ; FréchetMartHelv 1991 ; BoisgontierMidiPyr 1992 ; TamineArdennes
1992 ; VurpasMichelBeauj 1992 « usuel » ; FaraçaVans 1992 (pour traduire occ. goteiròla) ; BlancVilleneuveM 1993 ; FréchetMartVelay 1993 « usuel » ; PotteAuvThiers 1993 ; VurpasLyonnais 1993 « usuel » ; Lengert 1994 ; FréchetAnnonay 1995 « usuel » ; SalmonLyon 1995 ; GermiChampsaur 1996 ; QuesnelPuy 1996 ; DSR 1997 (avec bibliographie) ;
FréchetDrôme 1997 « usuel » ; ValMontceau 1997 ; DufaudLLouvesc 1998 ; FréchetAin 1998 « usuel » ; LengertAmiel ; MichelRoanne 1998 « usuel » ; MoreuxRToulouse 2000 « régionalisme inconscient, d’usage presque général » ; FEW 4, 345b-346a, gutta. – (2.) RézeauOuest 1984 et 1990 ; aj. à FEW, loc. cit.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (I) Ain, Hautes-Alpes, Ardèche, Ariège, Aveyron, Charente, Deux-Sèvres, Drôme, Haute-Garonne,
Gers, Gironde, Isère, Landes, Loire, Lot, Haute-Loire, Pyrénées-Atlantiques, Hautes-Pyrénées,
Tarn, Tarn-et-Garonne, 100 % ; Vienne, 80 % ; Charente-Maritime, 75 % ; Rhône, Var,
Vaucluse, 65 % ; Bouches-du-Rhône, 60 % ; Alpes-de-Haute-Provence, 50 % ; Alpes-Maritimes,
45 % ; Lot-et-Garonne, 40 % ; Vendée, 25 %. (II) Charente, 75 % ; Vienne, 40 % ; Charente-Maritime, 25 % ; Deux-Sèvres, Vendée, 0 %.
|