guetter v. tr.
〈Surtout Yvelines, Nord, Pas-de-Calais, Picardie, Seine-Maritime, Calvados, Orne, Manche, Haute-Bretagne,
Indre-et-Loire, Loiret, Eure-et-Loir.〉
1. usuel "s’appliquer à voir". Stand. regarder.
1. – […] Guettez ces pauv’ bêtes [vaches malades] ! C’est une pitié. (L. Costel, Bonnes Gens de mon pays, 1994, 54.)
— En part. "observer avec une attention soutenue pour contrôler, pour vérifier". Stand. surveiller. – Guetter les vaches (SimoniAurIledeFr 1991). Non, pas le samedi matin, parce que je guette le musée (Gardienne de l’Écomusée du Perche, Orne, au téléphone, 1992). Dis, tu me guettes mon sac (Fillette, 6 ans, à Descartes, dans SimonSimTour 1995). Guette les enfants ! (BlanWalHBret 1999).
2. Au début, Nine Blanchier a veillé sur la Pitchoune* comme sur la fleur des petits pois. Elle la guettait sans cesse. (H. Abert, Le Saut-du-diable, 1993, 31.)
3. La grand-mère a sursauté, comme si on l’avait piquée jusqu’au sang. Le médecin, l’hôpital !
Quelle idée ! Ces somptuosités sont réservées aux riches. D’ailleurs, « ces gens en blouse blanche qui vous guettent du haut de leurs lunettes cerclées d’or » s’y entendent beaucoup moins bien que nos rebouteux, c’est bien connu, et, par-dessus
le marché, ils vous ruinent la bourse le temps de le dire. (H. Gancel, Le Bâton de dignité, 1995, 132.)
2. Emploi pron. réfl. "prendre garde, se méfier". Guette-toi, mon vieux ! (SimoniAurIledeFr 1991).
4. « Ah ben ça ! J’en veux point de ça [des champignons] ! J’ai peur de m’empoisonner.
C’est plutôt pour se guetter. » (Témoin, de Rémalard [Orne], dans A. Morin, M.-R. Simoni-Aurembou, Le Perche à table, 1992, 171.)
◆◆ commentaire. Attesté en français depuis le début du 12e siècle aux sens de "veiller (un mort) ; garder, surveiller (des personnes pour les protéger) ; épier,
observer qqn (avec de mauvaises intentions)", guetter n’offre plus le même éventail sémantique dans le français standard contemporain.
Toutefois, le français d’une partie du quart Nord-Ouest a conservé certaines acceptions
archaïques (guetter "surveiller" est encore relevé par Bauche 1920-1951 dans le français populaire parisiena ; signalé vers la même époque à Mâcon, ce sens n’y a pas été relevé dans la seconde
moitié du 20e siècle), observées aussi dans le créole de La Réunion (ChaudRéun 1974, 773) ou dans
les français d’Amérique du Nord : Québec (Dionne 1909, sens 2 ; GPFC ; guetter "surveiller" est « tout à fait courant en français québécois » A. Thibault), Acadie (CormierAcad 1999 "attendre") et Louisiane (DaigleCajun 1984). Mais si le Nord-Ouest semble avoir particulièrement
bien conservé certains de ces traits, il n’en a pas l’exclusive comme le montre l’ex. 2
qui concerne le français du Haut Var.
a V. aussi, pour les Yvelines, LelongLuroué 1911, 37 et Les Contes de La Gobine, 1923, 35 et 93.
◇◇ bibliographie. (1.) JaubertCentre 1864 ; Mâcon 1926 ; LepelleyBasseNorm 1989 ; SimoniAurIledeFr 1991
« très vivant dans la Beauce et le Perche » ; SimonSimTour 1995 ; SchortzSenneville 1998 « surtout à l’impératif » ; BlanWalHBret 1999 « surtout Ille-et-Vilaine (nord) et Côtes-d’Armor ». – (2.) LittréSuppl, avec ex. de Malherbe ; TuaillonRézRégion 1983 (Perche, Beauce) ; SimoniAurIledeFr
1991 « très vivant dans la Beauce et le Perche » ; FEW 17, 452a-b, wahta ; DEAF G 61-64.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (1) Aisne, Nord, Oise, Pas-de-Calais, Somme, Île-de-France, 100 % ; Indre-et-Loire,
90 % ; Basse-Normandie, 65 %. (2) Essonne (1/1 témoin), Eure-et-Loir (3/6 témoins).
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