lancer v. tr. indir. ou dir.
〈Surtout Nord, Marne, Ardennes, Lorraine, Haute-Saône, Doubs, Ain, Loire, Drôme, Bouches-du-Rhône,
Gard, Hérault, Aude, Pyrénées-Orientales, Ariège, Haute-Garonne, Tarn, Tarn-et-Garonne,
Lot, Aveyron, Lozère, Corrèze, Gers, Pyrénées-Atlantiques〉 usuel [À l’inf. ou à la 3e pers.] "causer des élancements à qqn". Je me suis démis le genou l’an dernier. Depuis ça, il me lance, surtout quand le temps
veut* changer (DromardDoubs 1991). Le doigt me lance (MoreuxRToulouse 2000). Stand. élancer.
1. – Le temps veut* changer […]. Quand mes cors me lancent, c’est recta. (San-Antonio, J’ suis comme ça, 1994 [1960], 89.)
2. Et quand je croyais qu’on me les avait toutes ôtées les épines, y en restait toujours
une, bien enfoncée, qui revenait me lancer dès que je touchais. (Y. Gibeau, Mourir idiot, 1988, 70.)
3. Elle était en chaussons, pour ses pieds qui la lançaient. (Y. Gibeau, Mourir idiot, 1988, 84.)
◆◆ commentaire. Attesté dep. ca 1210 dans la région parisienne (FEW), ce sens est passé aussi dans le français acadien
(PoirierAcadG). Absent de GLLF et de TLF, il est considéré par les autres dictionnaires
généraux contemporains comme « régional (Belgique) ou fam. » (Rob 1985), « région. (Belgique, Nord) » (NPR 1993-2000) et « Antilles, Belgique » (Lar 2000). Il semble qu’il ait été encore en usage aux 18e et 19e siècles dans bien des régions (et à Paris même, v. Platt 1835) où les recueils de
cacologies l’ont relevé, Littré 1867 le considérant pour sa part comme une « faute assez commune » (donnant toutefois lancée "élancement" comme seulement le fait de « quelques médecins »). La situation actuelle semble en recul par rapport à ces relevés régionaux (mais
Hanse 1994 indique encore « employé à tort »), ce qui peut s’interpréter de deux façons : ou bien, malgré les dictionnaires contemporains,
lancer fait encore partie du français général (et dès lors, la plupart des recueils différentiels
ne jugent pas utile de le mentionner)a, ou bien son usage est devenu désuet dans un certain nombre de régions (comme le
mentionne explicitement le DSR 1997 pour la Suisse romande), constituant dès lors
a contrario les aires où on peut le recueillir comme des refuges où il revêt donc un caractère
régional. Dans l’état actuel de la documentation et faute d’enquêtes systématiques,
on considère que ce sens de lancer est marqué diatopiquement : en France, surtout à l’est d’une ligne qui va de Toulouse
aux Ardennes et se poursuit en Belgique (PohlBelg 1950).
a Cf. l’analyse de MoreuxRToulouse 2000 : « L’évolution de la fréquence du mot semble exclure qu’il s’agisse d’un mot régional :
évalué comme assez rare par Séguy en 1950, il était connu de tous les informateurs
d’Espallac et Bernis en 1979, unanimité confirmée par l’enquête de Boisgontier et
par la nôtre ; aucun régionalisme n’a suivi une évolution de ce genre. Si malgré tout,
c’était un régionalisme, il serait inconscient. » Par ailleurs, B. Moreux a relevé ce sens à Paris, à Dôle (Jura), dans le Béarn, le
Gers et l’est du Morhihan.
◇◇ bibliographie. SchneiderRézDoubs 1786 ; AnonymeHippolyteF ca 1800 « le doigt m’élance et non me lance » ; MolardLyon 1803-1810 ; MichelLorr 1807 ; JBLGironde 1823 ; PomierHLoire 1835 ;
ReynierMars 1878 ; BoillotGrCombe 1929 ; BrunMars 1931 ; SéguyToulouse 1950 ; MeunierForez
1984 ; BouvierMars 1986 ; CampsLanguedOr 1991 ; DromardDoubs 1991 et 1997 ; BoisgontierMidiPyr
1992 ; MazodierAlès 1996 ; FréchetDrôme 1997 ; FréchetMartAin 1998 ; MichelRoanne
1998 « usuel » ; PlaineEpGaga 1998 « encore utilisé » ; BouisMars 1999 ; MoreuxRToulouse 2000 ; Haute-Saône (témoignage de J. D. et J.-P. Chambon) ;
Corrèze (témoignage de C. V.) ; Nord (témoignage de F. Carton) ; FEW 5, 156b, lanceare.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Ariège, Aveyron, Haute-Garonne, Lot, Tarn-et-Garonne, 100 % ;
Gard, Tarn, 90 % ; Lozère, 85 % ; Aude, Hérault, 75 %.
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