longère n. f.
〈Surtout Bretagne〉 usuel "ensemble de bâtiments ruraux contigus disposés en rangée ou bâtiment de ferme traditionnel,
de forme basse et allongée". Campagne Nord Loire superbe longère pierre apparente (Vendée matin/Presse Océan, 14 août 1999, 21). Vente longère / St-Quay-Portrieux […] très beau corps de ferme indépendant à rénover (Ouest-France, éd. Saint-Brieuc, 15 septembre 1999, 22N21). Longère de caractère […] / Longère en cours de rénovation (Ouest-France, éd. Rennes, 18-19 septembre 1999, 35E87).
1. Les alignements. Hors du village, la longère est principalement le fait de la Haute-Bretagne, dans sa moitié sud. […] La chaumière
vannetaise en fournit plusieurs exemples, du sud du Morbihan au Pays de Guérande.
[…] Ces alignements s’appellent dans le dialecte de la région qui nous occupe ar steuet tier (litt. : la rangée de maisons) ou bien al longeriou. Ce dernier terme, au demeurant plus rare que le précédent, est bien connu dans toute
la Bretagne bretonnante ; mais hors du Vannetais, il désigne simplement une habitation
« bloc-à-terre » développée en longueur, par opposition au pen ti* (bout de maison) du journalier agricole dont le module de base ne dépasse jamais
le nombre de deux. (Fr. Pacqueteau, Architecture et Vie traditionnelle en Bretagne, 1979, 22 et 24.)
2. La longère est plus rare dans la baie de Saint-Brieuc où la maison d’habitation est entourée
de petites dépendances, accolées ou perpendiculaires. (Fr. Pacqueteau, Architecture et Vie traditionnelle en Bretagne, 1979, 50.)
3. L’auberge des Kersaudy était une longère en pierre de taille dont la partie la plus ancienne datait de loin. (P.-J. Hélias,
L’Herbe d’or, 1982, 96.)
4. Les Britanniques succombent à présent au charme de la Bretagne profonde. / L’engouement
est récent. Depuis un an, à peu près, les longères, ces vieilles bâtisses de ferme, abandonnées par les agriculteurs qui « veulent du neuf », dédaignées par les Parisiens en mal de week-ends, trouvent à nouveau acquéreurs.
(Le Monde, 4 avril 1990, 8.)
5. Vue sur îles des Glénans – Bretagne sud / Longère du xixe siècle magnifiquement restaurée […]. (Le Nouvel Observateur, 16 février 1995, 109.)
6. Une maison a été détruite en quasi totalité par le feu, dans la nuit de vendredi à
samedi, à Sucé-sur-Erdre (Loire-Atlantique), près de Nantes, à la suite des violents
orages qui se sont abattus sur la région. Touchée par la foudre, vers 22 h 30, la
maison, une ancienne « longère », divisée en plusieurs appartements, s’est immédiatement embrasée. (La Nouvelle République du Centre-Ouest, 7 août 1995, K.)
7. Comme pour mieux préserver son intimité, la maison n’est pas visible de la petite
route qui relie Gouesnach à Pors-Keraing. C’est au détour d’un chemin qu’on découvre
les 47 mètres de cette longère au toit de chaume achetée en 1978 à plus de 100 kilomètres de là, dans le Morbihan,
puis démolie pierre par pierre pour être reconstruite au bord de l’Odet. (Le Monde, 18 avril 1996, 11.)
8. La Chapelle-Montligeon [Orne], en lisière de forêt […], longère comprenant : 6 pièces principales […]. (Le Perche, 25 avril 1996, 49 [Petites annonces].)
9. C’était une petite maison de plain-pied, à l’étable contiguë, comme il s’en rencontre
des milliers dans la campagne au nord de la Loire, longère au toit d’ardoise, percée de deux fenêtres encadrant une porte d’entrée à double
vantail – la partie inférieure pouvant demeurer seule fermée, empêchant ainsi les
animaux de s’inviter dans la cuisine. (J. Rouaud, Le Monde à peu près, 1996, 233.)
10. Un fusil de chasse à la main, il se rend chez sa maîtresse […]. Celle-ci, enseignante
à Fougères, demeure à quelques pas du château [du Val, à Saint-Didier, Ille-et-Vilaine],
dans un des appartements aménagés dans l’une des longères récemment restaurées. (Ouest-France, éd. Vendée-Ouest, 7 août 1997, 2.)
11. Après s’être enquis de la longère où il allait résider [à Belle-Ile, Morbihan], une maison aux volets bleus typiquement
belle-îloise, le ministre s’est montré philosophe […]. (L’Union, éd. Chalons-sur-Marne, 27 octobre 1998, 10.)
12. Vente […] en la commune de Plabennec (Finistère) […] / Un ancien corps de ferme comprenant :
une maison d’habitation […] / anciens bâtiments d’exploitation consistant principalement
en un hangar et une longère constituée de grange, étable, écurie. (Le Télégramme de Brest et de l’Ouest, 15 mai 1999, éd. Brest, 24-3.)
□ En emploi métalinguistique.
13. Dans les publications sur l’architecture rurale des provinces de l’ouest, le mot longère s’applique généralement à des ensembles de bâtiments contigus sans qu’il soit présumé
de leur éventuel lien organique. Il désigne alors parfois un hameau-rangée, une seule
et même unité d’exploitation ou encore une maison longue. L’examen de l’origine vernaculaire
du mot, et surtout de son passage dans le vocabulaire des publications spécialisées
laissent [sic] davantage encore perplexe, car s’il est indéniable que depuis quelques années il
peut être relevé chez le plus grand nombre, il semble bien qu’il s’agisse d’un succès
du vocabulaire pseudo-scientifique plus que d’une résurgence d’un parler local. Il
en va d’ailleurs de même pour l’expression penn ti*, autrefois circonscrite pour ce qu’elle nommait et pour l’aire géographique de son
emploi, et qui aujourd’hui désigne uniformément toute maison modeste. En fait la seule
mention véritablement ancienne du mot longère a été relevée dans un acte notarié de Haute Cornouaille : il s’appliquait à l’ensemble
des bâtiments d’exploitation hormis la maison d’habitation./ Devant la diversité des
acceptions du mot et la difficulté à en unifier l’usage, il paraît plus judicieux
de parler d’organisation en longère […]. (D. Le Couëdic et J.-R. Trochet, L’Architecture rurale française. Corpus des genres, des types et des variantes. Bretagne, 1985, 70-71.)
■ remarques. Souvent destinées autrefois à entreposer des récoltes ou du matériel agricole ou encore
à loger des animaux, les longères sont souvent aujourd’hui réhabilitées pour l’habitation
humaine.
◆◆ commentaire. Terme toujours restreint dep. le mfr. à une petite aire occidentale du français de
France, où il est d’abord attesté en Anjou avec divers sens techniques dans le domaine
de la construction (dér. sur long, avec suffixe ‑ère "mur long ; revêtement de mur" dep. 1466 ; 1531 ; 1592, Gdf) et, par métonymie, au sens moderne dep. le 18e siècle (1729 « En cette année, j’ay fait construire une longère de bâtiment et toits à porcs » A. D. de Maine-et-Loire, cité dans VerrOnillAnjou 1908 ; 1746-48 « Une grande longère de bâtimens, enfilade, une suitte de bâtimens » DuPineauR). Au 18e s., longère pénètre en Morbihan celtique par le français des géomètres experts et notaires de
l’époquea et au milieu du 19e siècle dans le français de la Haute Bretagne ("façade d’une maison" BizeulBlain ca 1850) ; il est passé en breton vannetais (« lonjérieu pl. murs longitudinaux d’un bâtiment », A. Guillevic et P. Le Goff, Vocabulaire breton-français et français-breton du dialecte de Vannes, 2e éd., Vannes, 1924). C’est par cette voie que le mot s’est répandu, mais c’est son
surgissement assez récent dans le discours des professionnels de l’immobilier – v. ici
notamment ex. 4-5 et 12 ; l’ex. 8 témoignant de la diffusion du mot en dehors de la
Bretagne (il est courant, dans le Perche de l’Orne, dans les annonces immobilières)
– ou des ethnographes qui a assuré la fortune du mot, qui fonctionne souvent en opposition
avec penn-ti*.
a Ainsi « […] au village de Quenihoet en la paroisse de Plaudren […] ce jour treizième février
mil sept cent quatre-vingt-six […]. Un cour [sic] de logement construite de massonne et couverte de paille contenant de long à deux
longères cinquante-trois pieds, de franc par le dedans à trois pignons dix-sept pieds
et de hauteur de longères dix pieds […]. Une loge à charette accolée à la longère
du nord de ladite maison contenant de long à une longère dix-huit pieds, de franc
par le dedans à une arras sept pieds et demi et de hauteur de la dite longère quatre
pieds […] » (Extrait d’un mesurage et prisage d’une tenue située au village de Quenihoet en Plaudren,
éd. par T.J.A. Le Goff, Vannes et sa région. Ville et campagne dans la France du xviiie siècle, 1989, 332).
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
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