meilleur adj.
I. avoir meilleur compte/temps loc. verb. usuel
1. 〈Jura, Lyonnais〉 avoir meilleur compte de + proposition à l’inf. "avoir avantage à, avoir intérêt à, être plus avisé de".
1. Ça se voyait […] que ma voiture était groggy. J’aurais eu meilleur compte d’essayer de me déplacer avec la table à repasser de Félicie […]. (San-Antonio, De « A » jusqu’à « Z », 1967 [1961], 19.)
2. – […] Tout bien regardé, on a meilleur compte d’amener ton copain ici. (B. Clavel, Le Cœur des vivants, 1996 [1964], 207.)
2. 〈Maine, Saône-et-Loire, Franche-Comté, Haute-Savoie, Savoie, Rhône, Isère, Hautes-Alpes〉 avoir (bien) meilleur temps de + proposition à l’inf. "id.". On a bien meilleur temps d’aller à pied (GuichSavoy 1986). Quand je pense que maintenant, les traiteurs, ils vendent des carottes râpées ! On
a quand même meilleur temps de les râper soi-même (DucMure 1990). Vous aurez meilleur temps de passer par la grand’route (CottetLyon 1996, 212).
3. Le Tintin. Il ne faut pas oublier de déboucher le larmier [= soupirail] de la cave,
on a bien « meilleur temps » de passer les betteraves par le trou, que de les porter avec un panier. (P. Jeune, « La Félicie cause au Milo », Barbizier. Bulletin de liaison de folklore comtois, n.s., n° 19, 1992, 253.)
4. Toujours aussi maigre ! Son caraco échancré laisse deviner des épaules grêles et sa
jupe froncée flotte autour de sa taille… « Patronne, vous auriez meilleur temps de relinger [= habiller de neuf] votre manche à balai ! » bougonnait Jean, quand Louise renouvelait la garde-robe de sa servante. (M.-Th. Boiteux,
Le Secret de Louise, 1996, 145.)
5. Si vous voulez manger de la bonne saucisse vous avez bien meilleur temps d’acheter un cochon pi de la faire vous-même. (L. Semonin, « Saucisse de Morteau… La Madeleine Proust mène l’enquête », dans Le Pays Comtois Magazine, n° 9, novembre-décembre 1996, 35.)
6. Un professeur de français de la région [comtoise] écrivait dans la marge d’une copie
d’élève : « Vous auriez meilleur temps de… » Il ne savait pas qu’il parlait… comtois. (L’Est républicain, 15 juillet 1997.)
7. – Vu le prix de l’eau quand tu arroses, tes légumes tu as meilleur temps de les acheter au marché, ronchonne Alphonse […]. (D. Van Cauwelaert, La Vie interdite, 1999 [1997], 266.)
— Avec ellipse.
8. Un bon coup de herse par dessus et puis tu peux semer, tu auras bien meilleur temps qu’à la pioche ! (P. Jeune, « La Félicie cause au Milo », Barbizier. Bulletin de liaison de folklore comtois, n.s., n° 19, 1992, 359.)
— moins usuel avoir meilleur temps à + proposition à l’inf. Tu as meilleur temps à changer la voiture, tu es toujours chez le garagiste (GermiChampsaur 1996).
— Var. avoir aussi bon temps. On a presque aussi bon temps de les laver à la main (R. T., 2 novembre 1991, Ronchamp).
II. 〈Provence, Hérault〉 parle-moi meilleur ! loc. phrast. pop. "(pour inviter fermement, sur le ton de la menace, l’interlocuteur à changer de ton,
à parler avec plus d’égards)".
9. – […] Oh Néné ! M’engatse* pas Néné ! Tu me parles pas comme ça à moi, tu me parles meilleur ! (Ph. Carrese, Trois jours d’engatse, 1995, 23.)
◆◆ commentaire.
I.1. La locution avoir meilleur compte (cf. fr. en être quitte/s’en tirer à bon compte), qui semble d’aire plus restreinte que la suivante, n’est pas prise en charge par
la lexicographie et est absente de FEW 2, 996b-997a, computus.
2. Particulièrement usitée aujourd’hui dans une vaste zone orientale du sud des Vosges
aux Alpes et en Suisse romande (où elle est attestée dep. le début du 18e siècle, v. DSR 1997), la locution avoir meilleur temps est attestée dep. le milieu du 15e sièclea ; elle est formée sur avoir bon temps "être dans une situation agréable", bien attestée en français central jusqu’au 18e s. (FEW). Si elle connaît dans cette aire une fréquence particulière, elle n’est
pas inconnue ailleurs, même si les exemples qu’on peut en rassembler sont assez sporadiques
(v. DSR) ; elle est accueillie dans TLF s.v. temps I A 2 c « région. (Suisse romande, Franche-Comté) », avec un exemple de J.-R. Bloch [d’origine alsacienne] en porte-à-faux par rapport
à ces indications géographiques.
II. Absente des dictionnaires généraux du français contemporain, cette locution où meilleur a le sens de "mieux" (FEW 6/1, 666b in fine, qui renvoie à ALF 854) est probablement un calque d’un tour de l’occitan.
a « À tous les deables vous commande, tant j’ay de paine à vous ouvrir ! J’eusse meilleur
temps de couvrir Ou reparer veilles maisons, Ou d’aller servir les massons, Qu’estre
subgit a ceste office » (Mystère de la résurrection, Angers, ca 1456, éd. P. Servet, 109 ; comm. P. Enckell).
◇◇ bibliographie. (I.1.) ContejeanMontbéliard 1876, 239a ; PuitspeluLyon 1894 ; avoir meilleur temps à/de 1899 (Tr. Bernard [né à Besançon], Mémoires, 55) ; BoillotGrCombe 1929 dans la définition de kòpi et 218 (avec et sans ellipse de temps) ; RouffiangeAymé avoir meilleur de + inf. (dans Gustalin, 1937) ; DondaineAuth 1976, 58 ; GuichSavoy 1986 « très employé » ; DucMure 1990 s.v. temps ; DondaineMadProust 1991, 71 ; DuchSFrComt 1993 s.v. meilleur ; GagnySavoie 1993 « très courant » ; Lengert 1994 ; SalmonLyon 1995 ; DSR 1997 s.v. meilleur ; ValMontceau 1997 « très fréquent » ; LesigneBassignyVôge 1999 ; FEW 6/1, 666b, melior (avoir meilleur temps) et 13/1, 186a, tempus (avoir bon temps). – (II) BouvierMars 1986 ; CovèsSète 1995 ; ArmKasMars 1998 ; BouisMars 1999 ; FEW, loc. cit.
a Dans la traduction d’un texte patois. Contejean, qui met la traduction littérale en
italique, a mis en italiques veulent avoir, mais point « meilleur temps ». On lit « j’aime mieux que le chemin soit plus long et plus plain [= égal, sans accidents de
terrain] ; mes chevaux veulent avoir meilleur temps » (cf. J.-P. Chambon, RLiR 50, 179).
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
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