migaine n. f.
1. 〈Meuse, Meurthe-et-Moselle, Vosges〉 usuel "préparation, principalement à base d’œufs et de crème fraîche battus ensemble, qu’on
verse sur l’abaisse d’une quiche, d’une tourte ou d’une tarte aux fruits". Synon. région. goumeau*, meurotte*. – Des quiches à la migaine (J. Desgênes, La Grange du Hazard, 1949, 140). Tourte à la succulente migaine (R. Fery, Les Racontotes des mamiches, 1980, 89). Migaine onctueuse ; tarte avec migaine.
1. La quiche tient lieu de repas,
Avec un vin blanc et limpide. […] La migaine et ses fins lardons, Larirette Laridondon, Arrosés d’un vin clair et blond, Enchantent filles et garçons. (G. Chepfer, « La quiche au lard », 1942, dans Georges Chepfer. Textes et chansons, 1983, 313.) 2. […] admirables quiches aux tons de peaux de léopards ; une pâte friable, délicate,
une épaisse migaine piquetée de lardons parfumés […]. (H. Chepfer, dans J.-M. Cuny, La Cuisine lorraine, 1975, 8.)
3. Préparer une migaine en battant ensemble en terrine les œufs, la crème, l’huile, sel, poivre, muscade.
Ajouter l’oignon amolli et battre de nouveau le mélange quelques minutes. (L’Encyclopédie de la cuisine régionale. La Cuisine lorraine, 1979, 23.)
4. Au fouet ou au batteur, mélanger les œufs, la crème, le lait et le sucre : il est
possible de parfumer cette migaine de vanille ou de cannelle. La verser sur les pommes. (L’Encyclopédie de la cuisine régionale. La Cuisine lorraine, 1979, 132.)
5. Au dessert, décontenancée dans un restaurant nancéien par la tarte à la rhubarbe « avec migaine », elle [une personne étrangère à la région] en laisse dans l’assiette : « moi, je la fais avec un peu de sucre, et c’est tout ». (L’Est républicain, éd. Nancy, 23 mai 1996, 605.)
□ Dans un commentaire métalinguistique incident.
6. Quant à la garniture [de la quiche lorraine], elle est sujette à variation d’un village
à l’autre, mais se doit tout de même de comporter impérativement du lard maigre fumé
et, bien entendu, un mélange d’œufs et de crème localement baptisé « migaine ». (L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Lorraine, 1998, 235.)
2. moins usuel
2.1. 〈Meurthe-et-Moselle〉 "pâte délayée à base notamment de farine et d’œufs avec laquelle on fait des crêpes
ou des gaufres ; pâte à frire". Synon. région. goumeau* (sens 1).
7. La mère, c’était aussi les soirées gaufres. Elle sortait de l’armoire creusée dans
le mur un vieux gaufrier en fonte. Une pièce unique qu’elle posait sur le feu vif
de la grosse cuisinière. Auparavant, elle avait pendant de longues minutes préparé
la migaine, une pâte presque liquide, jaune et onctueuse, qu’elle nous faisait goûter au bout
de son doigt ou de la grosse cuillère en bois. (G.-J. Feller, Libre enfant de Favières, 1998, 75.)
2.2. 〈Haute-Marne, Vosges〉 péj. "pâte molle et collante" (LesigneBassignyVôge 1999). Ma pâte à tarte a tourné à la migaine.
8. Un homme sortit alors du moulin avec un sac sur le dos, suivi par le meunier qui lui
disait :
– Tes grains sont trop humides ! Laisse ton sac ici. Je les ferai sécher au soleil avant de les moudre. Sinon ils ne donneront que de la farine molle, une espèce de migaine qui va empâter mes meules. (Fr. Martaine, Les Pommes noires, 1987, 282.) — Par métaph. être dans la migaine loc. verb. "être dans une situation pleine d’ennuis". Stand. être dans la mélasse.
◆◆ commentaire. Attesté dep. 1842 à Saint-Nabord (Vosges) comme terme patois (migaine "pâte délayée", v. FEW), migaine figure dans la plupart des glossaires dialectaux lorrains des 19e et 20e siècles (FEW), mais n’est explicitement documenté comme terme français que dep. 1930
(« C’étaient des petits pâtés […]. On n’en fait plus de pareils, allez, comme pâte feuilletée
et cuite à point, et dorée avec des jaunes d’œufs, ni comme “migaine” à l’intérieur » É. Badel, Souvenirs d’enfance au pays lorrain, Nancy, Georges Thomas, 114). D’origine obscure, le terme n’est pas pris en compte
par la lexicographie générale contemporaine (y compris par le TLF, dont les rédacteurs,
en majorité Lorrains, l’entendaient ou l’utilisaient pourtant couramment)a et la lexicographie régionale a tardé à l’enregistrer.
a Le mot apparaissant dans un exemple s.v. quiche Rem., il y est glosé pour pallier son absence à la nomenclature.
◇◇ bibliographie. RoquesNancy 1979 ; LanherLit Lorr 1990 ; MichelNancy 1994 ; LesigneBassignyVôge 1999
(sens 2.2.) ; FEW 21, 480b ‘pâté’.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Vosges, 70 % ; Meurthe-et-Moselle, 60 % ; Meuse, 50 % ;
Moselle, 0 %.
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