montagnon n. m.
〈Franche-Comté〉 usuel "originaire des Monts du Jura ou qui y habite". Les rigueurs des longs hivers que subissent les « montagnons » du Jura (P. Antoine, La Malatière, 1951, 9).
1. Monsieur Movois était un jeune instituteur né dans la montagne. Sorti de l’Ecole Normale,
on l’avait envoyé faire ses débuts dans un petit village de la plaine, où il avait
été tout de suite en lutte avec le curé qui l’avait pris en grippe dès son arrivée
[…]. Il accueillit avec une joie sans bornes sa nomination au Plainet [Vosges saônoises]
et, quand après quelques semaines, il eut repris contact avec la montagne qui lui
rappelait celle de son enfance, il redevint vite le montagnon de ses jeunes années. (R. Begeot, Glanes saônoises, 1974, 175.)
2. Pour les montagnons des cantons voisins, les gens de Montbenoît et des environs passent pour plus lents,
plus méthodiques. (P. Claval, Atlas et Géographie de la Haute Bourgogne et de la Franche-Comté, 1978, 135.)
3. C’est pour pouvoir faire de plus gros fromages, et de meilleure conservation, que
les montagnons s’associèrent. (Pays et gens de France, n° 90, le Territoire-de-Belfort, 21 juillet 1983, 17.)
4. Dans les moments de bourre, par exemple pour les vendanges, on mobilisait tous les
journaliers disponibles mais comme souvent ce n’était pas suffisant, on faisait appel
aux montagnons. Certains, disponibles en octobre, venaient aider les vignerons et descendaient vendanger
notamment dans la région d’Arbois et de la Loue. (R. Bichet, La Cancoillotte, 1987, 20.)
5. Les anciens disent que la Louvière fut construite quelques décades [sic] après la conquête française […]. À ce moment, les montagnons cessèrent de se faire enterrer la face contre terre pour que leurs yeux éteints ne
fussent plus frappés par le soleil se levant sur leurs terres asservies. (R. Furriel,
Ceux de La Louvière, 1989, 4.)
6. Cette ferme traditionnelle du haut Jura est une unité traditionnelle qui permet à
une famille de montagnons de s’adapter aux conditions d’isolement et aux rigueurs du climat, tempêtes de neige
et orages d’été. (Géo, juillet 1990, 62.)
7. Aujourd’hui, vendredi saint : « On n’a pas fait de viande, on respecte les “montagnons” comme vous ! » (L. Semonin, La Madeleine Proust, 1990, 65-66.)
8. Mais il [le sentier de la Combe des Cives, dans le parc naturel du haut Jura] explique
aussi la vie des hommes, les maisons, le terroir, comment le « montagnon » jurassien a pu construire le cadre de sa vie dans un si rude pays, à 1100 m d’altitude.
(L’Est magazine, supplément à L’Est républicain, 26 décembre 1993, 22.)
9. Je suis né dans le haut Doubs, je suis donc ce qu’on appelle un vieux « montagnon ». C’est dire si votre reportage sur le Doubs m’a fait plaisir. (Courrier des lecteurs,
Pèlerin Magazine, 21 novembre 1997, 7.)
10. Le substitut du procureur de Besançon s’est rendu sur les lieux hier après-midi. La
justice devra en effet s’efforcer de déterminer les responsabilités de ce drame [une
avalanche à Métabief, dans le haut Doubs] que tous les « montagnons » interrogés sur place disent « imprévisible ». (Le Pays, 19 février 1999, 27.)
V. encore s.v. brési, ex. 2 ; grange, ex. 5.
— Parfois avec majuscule initiale (senti comme un nom propre).
11. […] même les genres de vie et la manière de concevoir l’existence n’étaient pas les
mêmes chez les « Montagnons » traditionalistes et patriarcaux, et chez les hommes de la plaine, plus individualistes
et supportant mal l’emprise d’un clergé tout puissant (J. Boichard, « L’environnement naturel », dans Roland Fiétier dir., Histoire de la Franche-Comté, Toulouse, 1977, 21.)
■ remarques. Le terme est aussi enregistré par MazaleyratMillevaches 1959 comme étant appliqué
aux éleveurs et aux troupeaux du Plateau de Millevaches par les habitants du pourtour
du Plateau (marchand montagnon 215 ; cheptel montagnon, 217).
◆◆ commentaire. Attesté dep. 1758 pour désigner les habitants des hautes vallées du Jura neuchâtelois
(J.-J. Rousseau, v. Brunot 6, 1244 = FEW) et dep. 1786 (Besançon) en France dans le
sens ici décrit, ce dérivé sur fr. montagne, avec le suffixe ‑on, n’est enregistré dans les dictionnaires généraux contemporains que par le seul TLF,
avec la marque « région. » (et des exemples concernant la Suisse romande).
◇◇ bibliographie. SchneiderRézDoubs 1786 ; ContejeanMontbéliard 1876 s.v. montaignon ; LittréSuppl (Jura neuchâtelois) ; BeauquierDoubs 1881 ; Charles Beauquier, Blason populaire de la Franche-Comté, Paris, 1897 (réimpr. Éd. Jean-Pierre Giss, 1985), 185 « Montagnons / C’est le nom qu’on donne aux habitants de la Montagne du Doubs » et 307 « La barbe au menton / la mule au talon / crève montagnon » (blason de Courvières, Doubs) ; BichetRougemont 1979 montagnon "habitant de la montagne du Doubs" « s’oppose à Pays-Bas, habitant des vallées de l’Ognon et de la Saône » ; DuraffHJura 1986 « usuel » ; DromardDoubs 1991 et 1997 ; ColinParlComt 1992 ; DuchSFrComt 1993 « couramment utilisé dans la presse » ; FEW 6/3, 102a, *montanea.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : 60 % pour l’ensemble de la Franche-Comté.
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