mourre n. m.
1. 〈Doubs, Isère, Drôme, Hautes-Alpes, Provence, Gard, Hérault, Aude, Lozère, Ardèche,
Haute-Loire (Velay)〉 rural "museau du chien ; groin du porc ; mufle des bovins". Il caressait le moure de sa vache (MédélicePrivas 1981).
— fourrer son mourre loc. verb. fig. "se montrer indiscret". Stand. fouiner. – Il fourre son mourre partout (FréchetMartVelay 1993).
2. Par anal., fam. ou pop. 〈Isère, Drôme, Hautes-Alpes, Provence, Gard, Hérault, Aude, Haute-Garonne, Lozère,
Ardèche, Haute-Loire (Velay)〉 "partie antérieure de la tête de l’homme". Stand. figure, pop. gueule, visage. – Prendre un coup de poing sur le moure (CovèsSète 1995).
1. Du temps de leur école communale, Auguste l’avait pris [Adolphe] pour souffre-douleur,
le faisait punir à sa place, lui piquait son goûter et le remboursait à grandes taloches
sur le mourre. (Y. Audouard, La Clémence d’Auguste, 1986 [1985], 28.)
2. Et elle [Marie] repartit vers sa Bastide, après m’avoir copieusement léché le mourre. (J.-Cl. Libourel, Les Roses d’avril, 1998 [1997], 84.)
— En part. "visage barbouillé". Va te laver le mourre (TuaillonVourey 1983 ; GermiLucciGap 1985). Essuie ton moure, sinon les guêpes vont te poursuivre (MazaMariac 1992).
● faire le mourre loc. verb. rural "barbouiller de jus de raisin, par jeu, le visage d’une vendangeuse".
3. – […] Si tu restais en arrière [en vendangeant], on venait te chercher en t’écrasant
un raisin sur la figure. On appelait ça faire le moure, parce que tu n’avais pas travaillé assez vite. (Femme, née en 1912, dans A. Roche
et M.-Cl. Taranger, Celles qui n’ont pas écrit, 1995, 59.)
■ remarques. Le passage du sens 1 au sens 2 comporte une connotation « amusante » (TuaillonVourey), « plaisante » (GermiLucciGap 1985), ou de registre grossier (MoreuxRToulouse 2000) ; la même observation
a été faite dans divers parlers du Massif Central (« grossier ou péjoratif », ALMC 1249).
3. Dans des loc. fig. 〈Drôme, Provence, Gard, Hérault, Aude, Haute-Garonne, Lozère, Ardèche (Privas).〉
3.1. faire le mourre (à qqn) loc. verb. "montrer son mécontentement par un visage maussade, renfrogné". Stand. bouder, pop. faire la gueule. – Tu fais un drôle de moure ce matin (MédélicePrivas 1981).
4. Tu as fini de faire le moure [en note : faire la tête] ? Je vais t’envoyer une paire de calottes. Tu sauras au moins pourquoi.
(S. Pesquiès-Courbier, La Cendre et le feu, 1984, 127.)
5. Elle eut beau me vanter la Franqui avec ses pins magnifiques, la plage, le grau [= chenal
faisant communiquer un étang avec la mer], leur maison de la douane, je faisais le mourre. (G. J. Arnaud, Les Oranges de la mer, 1990, 30.)
6. – Ça ne t’intéresse pas, Yeyette, ce que je te raconte, que tu me fais le mourre ?
– Je ne fais pas le mourre. J’ai un peu mal à la tête, c’est tout. (H. Noullet, La Falourde, 1996, 101.) — Dans le syntagme développé faire le mourre de six pans*/pieds (de long) loc. verb.
● Par ellipse.
7. […] elle [la belle-mère] ne parlait jamais. […]. Toujours le mourre de six pieds de long. Tè*, on aurait dit qu’on y avait mangé la soupe. Au fond c’est peut-être ce que je mangeais
chez elle qui lui restait en travers. (R. Bouvier, Tresse d’aïet, ma mère, 1997 [av. 1992], 27.)
— faire un mourre de + subst. indiquant la comparaison.
8. – Sûr qu’une bête, ça tient compagnie.
– Une bête ? se récria-t-elle. Sartan n’a rien d’une bête ! Quand l’Insaisissable [= son maître] frôle le danger, il me fait un mourre de déterré, il mange plus, il bouge plus, il est comme mort. C’est un chat télépathe. (M. Courbou, Les Chapacans, 1994, 149.) ● Par ellipse.
9. Philibert lui-même […] se rendit compte que j’étais tracassée :
– Macarel, me dit-il, tu en fais un mourre… Une porte de prison, oui… (G. J. Arnaud, Les Oranges de la mer, 1990, 240.) 3.2. soupe de mourre loc. nom. f. "attitude maussade, boudeuse, exprimant la mauvaise humeur". Stand. fam. soupe à la grimace. – Arrête de faire ta soupe de moure, tu vas encore faire croire que tu es un enfant
battu ! (CovèsSète 1995). Si je rentre pas bientôt, j’aurai la soupe de mourre à la maison (MazodierAlès 1996).
— servir la soupe de mourre loc. verb. "montrer son mécontentement par un visage maussade, renfrogné" (LangloisSète 1991) ; manger la soupe de mourre loc. verb. "subir la mauvaise humeur de qqn" (Hérault, comm. de Chr. Camps).
■ graphie. Les diverses graphies (mourre, moure, mour) témoignent de l’absence de tradition du mot dans la lexicographie générale ; on
a retenu mourre comme étant la plus usuelle.
◆◆ commentaire. Type lexical largement représenté en occ. et frpr., attesté dep. le 13e siècle (Jaufré dans Lv), emprunté par le français au 16e s. (dep. Rabelais 1546 « une gresle de coups de poing sur le mourre », Tiers Livre ; Du Pinet 1566 ; Oudin 1640 donner sur le mourre "gifler" ; en Auvergne, Marquis 1609, v. Chambon RLiR 54, 420). Il n’est guère aujourd’hui
en usage que dans une aire compacte du Sud-Est, dans le Languedoc oriental et dans
la région toulousaine ; le terme est par ailleurs fréquent en toponymie pour désigner
des rochers proéminents ou affectant la forme d’une grosse tête. Non pris en compte
par les dictionnaires généraux contemporains.
◇◇ bibliographie. VillaGasc 1802 mour « style familier » ; MègeClermF 1861 ; BeauquierDoubs 1881 ; RostaingPagnol 1942, 123 ; SéguyToulouse
1950 mour ; GebhardtOkzLehngut 1974 ; BonnaudAuv 1976 moure ; NouvelAveyr 1978 ; RLiR 42 (1978), 178 ; BichetRougemont 1979 "muffle, museau des animaux" ; MédélicePrivas 1981 moure ; TuaillonVourey 1983 moure ; GermiLucciGap 1985 moure ; BouvierMars 1986 ; MartelProv 1988 ; BlanchetProv 1991 ; CampsLanguedOr 1991 ;
LangloisSète 1991 « très populaire » ; CouCévennes 1992 ; MazaMariac 1992 ; FréchetMartVelay 1993 « connotation dialectale » ; CovèsSète 1995 moure ; FréchetAnnonay 1995 ; GermiChampsaur 1996 moure ; MazodierAlès 1996 ; FréchetDrôme 1997 « peu attesté à Valence, globalement connu ailleurs » ; RoubaudMars 1998, 62 ; BouisMars 1999 ; MoreuxRToulouse 2000 mour ; FEW 6/3, 232a, *murr-.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (sens confondus) Hérault, 100 % ; Alpes-Maritimes, Aude,
85 % ; Gard, 80 % ; Lozère, 70 % ; Var, Vaucluse, 65 % ; Bouches-du-Rhône, 60 % ;
Hautes-Alpes, 50 % ; Alpes-de-Haute-Provence, 30 %.
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