mucre adj. et n. m.
〈Surtout Normandie.〉
I. Adj.
1. [En parlant de l’air, de l’atmosphère] "humide, moisi".
1. On a ouvert les fenêtres afin de chasser l’odeur mucre […]. (J. de La Varende, Tourville, 1943, 124.)
2. C’était l’automne, on buvait du café au lait dans la cuisine […], et le premier client
disait en poussant la porte, le fond de l’air est mucre. (A. Ernaux, Les Armoires vides, 1989 [1974], 181.)
2. [En parlant d’un produit de consommation] "ramolli, moisi".
3. […] les drôles de mots de la campagne que mes parents traînent, qui font rire les
filles[,] chez elles, il n’y a que la bonne qui parle ainsi, les chaussettes en « carcaillot » [= en accordéon], le pain tout « mucre ». (A. Ernaux, Les Armoires vides, 1989 [1974], 158.)
II. N. m. "humidité, moisissure". Ça sent le mucre (LepelleyBasseNorm 1989 ; CartonPouletNord 1991).
■ remarques. 〈Normandie〉 mucreux n. m. "humidité, moisissure". « […] l’odeur insidieuse de mucreux – d’humidité – qui a pénétré, durant l’hiver, jusque dans les plus infimes recoins » (B. Alexandre, Le Horsain, 1988, 261).
◆◆ commentaire. Attesté dep. ca 1204 en anglo-normand (Évangile de Nicodème, v. TL), mucre s’est répandu de la Normandie dans les provinces voisines et il est passé au Québec
(Dunn 1880 ; Clapin 1894 ; Dionne 1909 ; GPFC 1930 ; ALEC 822 ; il est sorti de l’usage
des jeunes générations, v. DulongCanad 1989), en Acadie (PoirierAcadG ; MassignonAcad
1962, § 73) et en Louisiane (DitchyLouisiane 1932). En France, sa tradition lexicographique
est intermittente : accueilli par Ménage 1694 (« mucre. Le petit peuple de Basse-Normandie se sert de ce mot pour dire humide, relan »), il est absent de Littré, de Rob 1985, de NPR 1993-2000 et de Lar 2000, mais pris
en compte par GLLF (« dialect. ») et TLF (« région. (Ouest, Normandie et Canada) », avec un exemple de J. de La Varende, ici ex. 1). La loc. verb. sentir le mucre est attestée au 17e siècle chez un auteur originaire de Caena.
a « Maint esprit de ce temps (dont l’humeur sent le mucre) Pour tromper le public cet
artifice prend […] » (Robert Angot L’Eperonnière, Les Nouveaux satires, 1637, éd. P. Blanchemain, Lemerre, 1877, 36 ; l’éd. originale est publée à Caen).
Comm. de P. Enckell.
◇◇ bibliographie. DuPineauC [ca 1750] ; ButlerMaupassant, 86 temps mucre ; StMleuxStMalo 1923 (I) ; RLiR 42 (1978), 178 ; LepelleyBasseNorm 1989 (I et II) ;
CartonPouletNord 1991 (II) ; LepelleyNormandie 1993 (I et II) ; ChauveauLexOuest 1995
(carte, 90 et commentaire, 91) ; SchortzSenneville 1998 (I) ; FEW 16, 590b-591a, MYGLA.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (I et II) Basse-Normandie, 50 %.
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