noberte n. f.
〈Nord, Aisne, Champagne, Ardennes, Meuse (nord)〉 rural "variété de petite prune bleue ou violette, dont la chair adhère fortement au noyau,
surtout utilisée pour des confitures et des tartes".
1. Le pot de peinture et le pinceau ayant déjà servi […], le bleu était devenu bleuâtre
sans pour autant tirer sur la quetsche ou la noberte. (Y. Hureaux, Bille de chêne, 1976, 42.)
2. On remplissait des bocaux de « Balosses » [= variété de prune], « Nobertes » et cerises… (L. Bésème Pia, Mon Enfance à Sécheval, 1989, 69.)
□ En emploi métalinguistique.
3. Les « Nobertes » ce sont les « prunes de St Norbert », variété locale bien avesnoise mais qui tend à disparaître ! […] Ces « Nobertes » sont de petits fruits violacés, recouverts d’une pruine blanchâtre et qui conservent,
même mûrs, une légère acidité. Dans ma jeunesse, presque toutes les familles en faisaient
de gros pots de confiture bien sucrée […]. (R. Leclercq, En Avesnois au fil des saisons, 1919-1939, 1985, 130.)
— En appos.
4. La prune noberte, en dépit de la forte adhérence de la chair au noyau, fut autrefois très prisée dans
la confection de l’eau-de-vie de prune, des confitures et des tartes […]. (L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Champagne-Ardenne, 2000, 111.)
— Sur le modèle de fr. fam. n ans aux prunes.
5. Oui, mon Loulou, il y aura soixante-quatre saisons aux nobertes [en note : petites prunes d’un bleu sombre qu’on récolte en octobre] que ton grand a largué
les voiles. Seize ans, ça compte dans une vie ! (Th. Malicet, Debout, frères de misère, 1962, 99.)
■ encyclopédie. V. « Prune noberte » dans L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Champagne-Ardenne, 2000, 110-112 (« De nos jours, cette variété fait l’objet de ventes très confidentielles. Toutefois,
cette prune réputée et appréciée est replantée par des amateurs en Argonne et en zone
limitrophe de la Marne », 110).
◆◆ commentaire. Attesté dep. 1668 dans le français de Reims (« une revendeuse ayant achepté d’une femme de vilage un panier de noberte, la vendeuse
fait assigner a l’extraordinaire la vendeuse, disant que les nobertes estoient plus
petittes dedans » et 1670 « Le 9 [octobre] on a coeuillie les nobertes à Cormontreuille », Mémoires de Jean Taillefer, 8 et 2e partie, 142, sic pour la graphie)a, le terme ne s’est maintenu que dans sa région d’origine et les régions bordurières
(FEW). Enregistré sous diverses formes dans les dictionnaires du français dep. Fur
1690 (nobert) jusqu’à Lar 1874 (prune de norberte), il n’est plus pris en compte aujourd’hui par les dictionnaires généraux. Sans doute
noberte est-il un déonomastique sur saint Norbert (fondateur de l’ordre des Prémontrés), mais il n’y a pas de relation, comme cela
arrive pour d’autres noms de fruits, entre l’époque de maturité de ces prunes et la
date à laquelle est traditionnellement célébrée la Saint-Norbert (le 6 juin) et pas
davantage à celle privilégiée par l’ancien ordo prémontré (11 juillet).
a V. aussi La Framboisière [né à Guise (Aisne), dans la 2e moitié du 16e s.] : « Les pruneaux de Reims sont exquis, plus pour leur beauté que pour leur bonté. Car
leur couleur bleue est plus delectable a la veue que est leur goust agreable au palais.
Ils ont tant soit peu d’aigreur et d’astriction. On les appelle au pais nobertes » (éd. 1669, dans GdfC).
◇◇ bibliographie. SaubinetReims 1845 ; ALB 685 « les nobertes (partout) » ; CrouvChampagne 1975 ; CartonPouletNord 1991 ; TamineArdennes 1992 ; TamineChampagne
1993 ; FEW 7, 190b, Norbert.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Meuse (nord), 100 % ; Ardennes, 85 % ; Marne, 75 % ; Aisne,
65 % ; Haute-Marne, 50 % ; Aube, 30 % ; Nord, 25 % ; Oise, Pas-de-Calais, Somme, 0 %.
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