périr v. intr.
1. 〈Centre-Ouest, Gard, Hérault, Aude, Ariège, Haute-Garonne, Tarn, Tarn-et-Garonne, Lot,
Aveyron, Lozère, Pyrénées-Atlantiques〉 fam. Emploi intr. ou pron. [Le sujet désigne notamment une plante, un fruit] "se gâter, s’altérer ; péricliter". Synon. région. débiter*, déprofiter*. – Avec toute cette pluie, la salade périt sur place (RézeauOuest 1984). On voyait ces fruits périr sur l’arbre (J.-Cl. Carrière, Le Vin bourru, 2000, 154). Ces poires-là vont bientôt (se) périr, c’était pas la peine de s’escagasser* à les ramasser (MoreuxRToulouse 2000).
1. […] le boudin ne se conserve pas […] et il faudrait en consommer tous les jours pour
qu’une famille moyenne l’achève avant qu’il ne « périsse » […]. (A. Merlin et A.-Y. Beaujour, Les Mangeurs de Rouergue, 1978, 95.)
2. Plus rien n’existe autour de lui. Il laisse périr ses vignes, méprise ses anciens amis. Ne comptent plus que les cafés de Nîmes et
la bouteille. (R.-A. Rey, Frosine, 1980, 55.)
3. C’est ainsi que je la [la fraise] préfère : installée dans un compotier de porcelaine
blanche à petits trous, pour qu’elle ne périsse pas, et volée au compotier à tous moments du jour, quand on passe et qu’elle rappelle
sa présence rondelette et brillante par l’odeur dont elle remplit la pièce. (M. Rouanet,
Petit Traité romanesque de cuisine, 1997 [1990], 139.)
2. 〈Centre-Ouest, Allier, Gard, Hérault, Aude, Ariège, Haute-Garonne, Tarn, Tarn-et-Garonne,
Lot, Aveyron, Lozère, Creuse (nord ; rural), Pyrénées-Atlantiques〉 fam. En constr. factitive faire périr.
2.1. [L’obj. désigne un inanimé concret, notamment un bien de consommation] "user inconsidérément, mettre hors de service". Stand. abîmer. Anton. ménager. – Tu vas me la faire périr, cette chaise, laisse-la ! (NouvelAveyr 1978).
4. Cependant, la Mamantine, elle, ne veut pas de machine à laver.
– Ça ne peut qu’user le linge, dit-elle. Je ne veux pas faire périr le mien. (J. Jaussely, Deux saisons en paradis, 1979, 186.) 5. […] les « beaux habits », que l’on changeait dès le retour de la messe pour ne pas les faire périr […]. (M. Rouanet, H. Jurquet, Apollonie, 1984, 99.)
6. Toujours à courir !… Qu’est-ce qu’elle peut faire périr comme souliers ! (M. Rouanet, Je ne dois pas toucher les choses du jardin, 1993, 23.)
2.2. [L’obj. désigne un animé] "faire mourir". Stand. tuer. – Le renard m’a fait périr trois poules (NouvelAveyr 1978).
7. Il y avait aussi ce professeur de Montluçon qui tenait [à un paysan] un autre langage.
Il était le seul à dire que les tirs de mine, le bruit et la poussière dégagée « stresseraient » ses cochons qui perdraient du poids et les feraient peut-être même périr. Il employait le verbe « périr », le professeur, comme pour un homme perdu en mer ; c’est ce même verbe qu’emploient
les paysans pour le bétail. (A. Aucouturier, L’Arthritique de la raison dure, 1999, 49.)
□ En emploi métalinguistique. V. ici ex. 7.
— Au fig. "accabler, faire souffrir de façon insupportable".
8. Il arrive que l’on traite les enfants avec humanité, mais souvent on est dur avec
eux, on les fait « périr » de travail. (M. Rouanet, H. Jurquet, Apollonie, 1984, 115-116.)
3. 〈Seine-Maritime, Eure, Calvados, Orne, Centre-Ouest, Rhône〉 vieilli Emploi pron. réfl. "se donner volontairement la mort". Stand. se suicider.
9. – Ça m’étonne pas qu’elle se soit périe…
Surpris, Méjean s’enquit : – Pourquoi ? – Parce qu’elle a pas pu supporter la disparition de son fiancé. (Ch. Exbrayat, Félicité de la Croix-Rousse, 1988 [1968], 162-163.) 10. Je me rappelle le désespoir sans limite de notre servante, Bernadette, qui attendait
que son fiancé fût libéré par l’armée pour se marier et qui faillit « se périr » en apprenant que le service militaire était porté à trois ans. (Ch. Exbrayat, Des parfums regrettés, 2000, 90.)
◆◆ commentaire. Attesté dep. l’afr. périr ("mourir de mort violente ou prématurée" ca 1050 Alexis, v. TLF ; "être anéanti (en parlant d’une chose quelconque)", 1re moit. 12e s. Psautier d’Oxford, v. TLF) a développé des emplois qui sont aujourd’hui le plus souvent très spécifiques
(périr en mer) ou littéraires. Dès le 18e siècle, certains emplois sont dénoncés (« beaucoup de Gascons font périr actif. […] j’ai tout péri mes habits. J’ai péri mes bas en traversant les ronces. Ces gens, en
jouant au mail, ont péri ces ormeaux » DesgrToulouse 1766 ; « péri sali, gâté » VillaGasc 1802) ou décrits (« peri, pour gaté » LagueunièreAgde [ca 1770]) comme régionalement marqués ; FEW 8, 247a, perire ; TuaillonRézRégion 1983. 1. est donné sans marque dans Rob 1985, mais est absent de GLLF et TLF. 2.1 id. 2.2 est considéré comme « littéraire » (GLLF et TLF). 3 attesté dep. ca 1165 (Roman de Troie, v. TLF), n’est pas pris en compte (GLLF et Rob 1985) ou marqué
« vieilli ou pop. » (TLF, avec un exemple de La Varende 1934) ; cet archaïsme s’est conservé dans le
français de diverses aires diffuses, notamment dans l’Ouest, le Centre et la région
lyonnaise.
◇◇ bibliographie. DesgrToulouse 1766 ; ReynierMars 1829 ; GabrielliProv 1836 (2) ; ConnyBourbR 1852
(3) ; JaubertCentre 1864 (3) ; BrunMars 1931 emploi tr. et (3) ; SéguyToulouse 1950
périr qqn ou qqc., sans définition ; NouvelAveyr 1978 ; RézeauOuest 1984 et 1990 ; BoisgontierMidiPyr
1992 (1 et 2) « très usuel un peu partout » ; LepelleyNormandie 1993 (3) ; Hanse 1994 « se faire périr est populaire » ; MoreuxRToulouse 2000 (1) « régionalisme inconscient ».
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (divers sens confondus) Aude, Aveyron, Charente, Charente-Maritime,
Haute-Garonne, Hérault, Lozère, Vendée, 100 % ; Gard, 90 % ; Vienne, 80 % ; Deux-Sèvres,
Tarn, Tarn-et-Garonne, 75 % ; Ariège, 50 %.
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