prime adj.
1. [En parlant d’une personne] moins usuel
— 〈Charente-Maritime, Charente〉 avoir l’œil prime loc. verb. "avoir l’œil vif", avoir le nez prime/l’oreille prime loc. verb. "avoir le nez fin, l’oreille fine" (RézeauOuest 1984).
— 〈Finistère〉 "qui a l’esprit rapide, agile, vif". J’ai pas été assez prime pour répondre tout de suite (PichavantDouarnenez 1978). Un garçon prime (GallenBÎle 1997).
2. [En parlant d’un inanimé concret] 〈Bretagne, Maine-et-Loire, Vendée, Deux-Sèvres, Vienne (nord), Charente-Maritime, Charente,
Indre-et-Loire〉 usuel
— [En parlant d’un légume, d’un fruit] "qui arrive à maturité avant les autres variétés de son espèce". Stand. hâtif, précoce.
1. Les laitues primes, ou celles venues plus tard, à force d’une eau rare et ménagée, étaient portées de
préférence au marché, où elles se vendaient cher […]. (J. Philippe-Levatois, Cuisine traditionnelle de Poitou et de Vendée, 1979 [1976], 3.)
2. […] l’autre jardin était en réalité un champ à demi clos, bien aménagé. C’était le
domaine des haricots, « pois » de toutes couleurs et formes, des pommes de terre et surtout des asperges, un très
long rang que mon père avait créé et qui était son orgueil (avec les petits pois « primes » et les Williams). (P. Goubert, Un Parcours d’historien, 1996, 31.)
□ Dans un commentaire métalinguistique incident.
3. […] pommes de terre nouvelles (que l’on appelle dans l’île [de Ré] les « primes »). (J.-E Progneaux, Les Spécialités et recettes gastronomiques charentaises, 1980, 145.)
— [En parlant d’une fleur ; par méton. d’un arbuste ou d’un arbre]. Rosier prime (H. Bouyer, L’Éclair, 4 mai 1974, cité dans BrasseurNantes 1993).
— [En parlant d’un terrain] "qui, en raison de son exposition, donne des fruits ou des légumes précoces". Jardin prime (RézeauOuest 1984).
◆◆ commentaire. Le type ci-dessus est attesté dep. les 15e et 16e siècles en français, époque où, sous les formes prin et prime et avec diverses valeurs, il apparaît comme surtout cantonné dans deux aires latérales :
le Centre-Est (dès 1420, ChiquartCuisS, prob. Savoie, MélBurger 176 ; Le Puy 1544,
MélBurger 176 ; sermon joyeux probablement d’origine lyonnaise, impr. ca 1545, MélBurger 176 et 175-181 ; Mâconnais 1587, Cholières, Huguet, sur l’origine
de l’auteur, v. Chambon MélVarFr I, 55-66 ; Vivarais 1605, O. de Serres, Huguet),
mais aussi l’Ouest (impr. ca 1508, Andrieu de la Vigne, né à La Rochelle ; Ronsard)a, seule zone où prime est aujourd’hui continué. Les emplois rangés sous 1 sont attestés dep. 1587 (aureille prime, Cholières, Huguet) dans le centre-Est, et dep. 1869 ("fin, spirituel" JônainSaintonge, v. FEW), dans l’Ouest. Le sens 2, attesté dep. le 16e siècle (Des Périers, Ronsard, v. FEW) est caractéristique de l’Ouest de la France
(de la Normandie à la Saintonge et au Centre). Dans les deux sens, le mot est passé
dans les français d’Amérique : Québecb (Dunn 1880, Dionne 1909, GPFC 1930), Acadie (PoirierAcadG ; NaudMadeleine 1999) et
Louisiane (DitchyLouisiane 1932). Il est absent des dictionnaires généraux du français
contemporain.
a Rien n’oblige (malgré Chambon MélBurger 176-177) à considérer pryn comme un orientalisme chez Andrieu de la Vigne.
b Où avoir la vue prime est attesté dep. 1744 (PotierHalford, 49). Le français du Québec connaît aussi prime "qui se fâche facilement" (comm. de Cl. Poirier et A. Thibault).
◇◇ bibliographie. ClouzotNiort 1907-1923 (2) ; VerrOnillAnjou 1908 (2) ; StMleuxStMalo 1923 (2) ; MussetAunSaint
1938 (1 et 2) ; PichavantDouarnenez 1978 et 1996 ; Horiot ColloqueLoches 1980, 118 ;
RézeauOuest 1984 et 1990 (1 et 2) ; BrasseurNantes 1993 (2) ; SimonSimTour 1995 (2) ;
GallenBÎle 1997, 17 garçon prime et 31 pommes de terre primes ; ALO 278 ; FEW 9, 384a et 386a, primus.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (1) Charente, Charente-Maritime, 50 % ; Deux-Sèvres, Vendée, Vienne, 0 %. (2) Charente-Maritime, Deux-Sèvres, Vendée, 100 % ; Loire-Atlantique, Maine-et-Loire,
Vienne, 80 % ; Charente, 50 % ; Indre-et-Loire, Ille-et-Vilaine, 40 % ; Sarthe, 0 %.
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