racoin n. m.
〈Nord, Somme, Aisne, Oise, Normandie, Ille-et-Vilaine, Loire-Atlantique, Mayenne, Sarthe,
Maine-et-Loire, Champagne, Ardennes, Lorraine〉 fam. "coin caché, retiré". Stand. recoin. – À quatre pattes en train de fouiner sous les tables et dans tous les racoins (H. Bouyer, 1976, dans BrasseurNantes 1993).
1. […] il s’en va vite se cacher dans le petit racoin du mur […]. (R. Dubos, Histoires normandes, 1978, 146.)
2. […] entre la poutre frontale de la cheminée et son pilier de gauche, une fente… dans
un racoin naturel… (B. Alexandre, Le Horsain, 1988, 353.)
— En renforcement de coin.
3. Il [un soldat allemand pendant la guerre de 1914-1918] feugnait [= furetait] dans
les écuries, dans les granges, dans les greniers, dans les caves, dans les coins,
racoins […] et jusque sous not’ lit […]. (G. L’Hôte, dans Revue lorraine populaire 49, décembre 1982, 6.)
● Dans le syntagme tous les coins et (les) racoins.
4. […] un pays où qu’il savait tous les coins et les racoins […]. (J. Boutin, Louis Rougé, le braconnier d’Anjou, 1979, 219.)
5. Tous les tiroirs, coins et racoins du bureau furent explorés. Sans résultat aucun. La bille restait introuvable. (G. L’Hôte,
dans Revue lorraine populaire, n° 59, août 1984, 219.)
● 〈Champagne, Ardennes〉 dans tous les coins et les racoins loc. adv. "partout".
◆◆ commentaire. Cette variante de fr. recoin, attestée en français dep. 1819 (« racoin s. m. Par abus pour recoin “petit coin caché”. […] Il est populaire » Le Gonidec ; 1832 « eustache grivet. – C’est là tout ce que vous offrez, conscrit ?… (Lui frappant sur le gousset.) Voyons donc, cherche un peu dans les coins et racoins de ce gilet… » Carmouche et de Courcy, Les Deux Grivet, 1832, 10 ; comm. de P. Enckell), a été abondamment relevée dans la moitié septentrionale
de la France (et au Canada, à Saint-Pierre-et-Miquelon et en Louisiane) et en Wallonie
(dep. DasnoyNeufchâteau 1856 ; surtout dans la loc. tous les coins et racoins, comm. de M. Francard). Le mot est aujourd’hui attesté dans des zones qui dessinent
une large couronne autour de Paris. Cette disposition dénonce l’extension ancienne
(antérieurement au début du 19e siècle où le mot a déjà atteint l’extrémité occidentale de son aire et a été exporté
aux Amériques) d’un fait du français populaire de la capitale (Desgranges 1821), dénoncé
par les puristesa, avec évidement subséquent (milieu et fin 19e s. et 20e s.) du centre de l’aire lorsque le mot a disparu de l’usage du centre directeur.
La base Frantext n’offre que deux occurrences de racoin (Huysmans 1891 et Genevoix 1925), attesté aussi chez Moselly 1904 (base Région). Seul des dictionnaires généraux contemporains, TLF atteste le mot, avec la marque
« région. » et l’exemple de Huysmans.
a « Gardez-vous de dire racoin » (F. Biscarrat, Nouveau manuel de la pureté du langage, revu et augmenté par A. Boniface, 1835, 351 ; comm. de P. Enckell).
◇◇ bibliographie. LeGonidecBret 1819 ; Desgranges 1821 (FEW) ; JaubertCentre 1864 ; MoisyNormand 1887 ;
ThibaultBlois 1892 tous les coins et racoins ; FertiaultVerdChal 1896 ; BarbeLouviers 1907 ; ClouzotNiort 1907-1923 ; VerrOnillAnjou
1908 ; Mâcon 1926 ; GPFC 1930 ; MaugBagneuxHSeine 1936 dans les coins et racoins ; MussetAunSaint 1938 ; DéribleSPM 1986 ; BrassChauvSPM 1990 ; DQA 1992 ; TamineArdennes
1992 ; BrasseurNantes 1993 ; TamineChampagne 1993 ; MichelNancy 1994 « connu » ; BlanWalHBret 1999 « très fréquent, Loire-Atlantique » ; FEW 2, 1537a-b, cuneus.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Aisne, Ardennes, Aube, Meuse (nord), Sarthe, 100 % ; Marne,
90 % ; Loire-Atlantique, Oise, 80 % ; Haute-Marne, Nord, 75 % ; Somme, 65 % ; Ille-et-Vilaine,
60 % ; Maine-et-Loire, 50 % ; Pas-de-Calais, 0 %.
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