regret (faire –) loc. verb.
usuel
1. 〈Jura, Rhône, Loire, Isère, Drôme, Puy-de-Dôme (Thiers), Haute-Loire (Saugues, Velay),
Ardèche, Creuse〉 En constr. impers. cela/ça fait regret à qqn (de + prop. infinitive) "causer du déplaisir, du remords, du chagrin ; contrarier, fâcher". Synon. région. ça me fait deuil*. – Ça me fait regret de voir toutes ces prairies qui tournent en buisson (DucMure 1990).
1. – […] Et quand je vois toute cette folie, ça ne me fait pas tellement regret de m’en aller. (B. Clavel, Les Fruits de l’hiver, 1990 [1968], 420.)
2. Ce Fedou était malin comme une horloge. « Allez, Laurent, paye-le ce canon ! » Mais Fedou refusa d’un geste large, affirmant qu’après coup cela lui ferait regret et commanda de la pelure d’oignon. (R. Sabatier, Les Noisettes sauvages, 1983 [1974], 63.)
V. encore s.v. déprofiter, ex. 5.
2. 〈Allier (Ébreuil), Ain, Rhône, Loire, Drôme, Haute-Loire (Velay), Auvergne.〉
2.1. "inspirer du dégoût, de la répugnance". Stand. dégoûter, écœurer, répugner. – Plat mal présenté qui fait regret (VurpasMichelBeauj 1992).
— En constr. impers.
3. – Moi, la mayonnaise, ça me fait regret.
– Pas moi, ça serait plutôt le gras de mouton. (A. Burtin et al., Petites histoires en franc-parler. C’est pas Dieu poss !, 1988, 58.) 2.2. "faire mauvais effet, être sale".
4. Pas question d’avoir des chaussures qui font regret, des ongles en deuil […]. (M.-J. Faure, Le Pépé au grenier, 1985, 58.)
2.3. 〈Surtout Isère, Drôme, Ardèche〉 "faire pitié". Elle est tellement misérable qu’elle fait regret (MartinPellMeyrieu 1987).
3. 〈Auvergne〉 avoir regret de qqc. loc. verb. "être dégoûté de".
□ Dans un énoncé définitoire ordinaire.
5. Dans la région, avoir regret d’une chose, c’est la prendre avec répugnance. Le regrettif* est celui qui ne boit pas sur les chantiers ou dans les champs au même gobelet que
les autres, il éprouve le besoin de le rincer d’abord avec quelques goutes de vin.
(J. Anglade, Un lit d’aubépine, 1997 [1995], 251).
■ remarques. 〈Puy-de-Dôme〉 fam. vieillissant regrettif, ‑ive adj. [En parlant d’une personne] "difficile sur la nourriture". Synon. région. nareux*. « Pourtant ces précautions vexaient un peu la mère : “Elle craint que ma vaisselle soit pas assez nette pour elle ! C’est une personne regrettive.” » (J. Anglade, Un lit d’aubépine, 1997 [1995], 251) ; « La chaleur était intenable. Le seau d’eau fraîche avait été vidé. Il restait dans
l’autre un liquide souillé, mêlé de terre et de sang. Il en but sans respirer. Il
ne pouvait se montrer regrettif » (J. Anglade, Un lit d’aubépine, 1997 [1995], 312) . – En emploi subst. Voir s.v. regret, ex. 5.
◆◆ Attesté dep. 1861 (Mège), ce terme ne semble de quelque usage que dans le français du Puy-de-Dôme. ◇◇ MègeClermF 1861 ; MittonClermF 1937, 44 ; BigayThiers 1941 regretif ; ManryClermF 1956, 402 regretif ; BonnaudAuv 1976 regretif ; PotteAuvThiers 1993 ; FEW 16, 53b, grata. △△ EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Puy-de-Dôme, 55 % ; Cantal, Haute-Loire (nord-ouest), 0 %. ◆◆ commentaire. Typique du français de Lyon et de sa zone d’influence, la locution faire regret de "être choqué de, être importuné par" y est attestée dep. 1496 (« […] le dit seigneur roy [Charles VIII] prend plaisir a soy esbattre de là le Rosne, et ne peut passer devant le dit hospital,
où il fait regret des dits infects qui y sont » Procès verbal de la séance consulaire du 24 février, cité dans PuitspeluLyon 1894).
L’emploi 2.1. est attesté dep. 1803 (« Ne dites pas, cela fait regret […]. Par cette dernière expression, on veut faire entendre que cela répugne, que cela fait mal au cœur » Molard). L’emploi 2.2. est attesté au 19e siècle (« Les rideaux de mes fenêtres […] faisaient regret » E. Jouy, L’Hermite en province, 1825 et « Je fais regret veut dire : je suis bien négligé aujourd’hui » Boitel, Lyon vu de Fourvières, 1833, tous les deux dans SalmonLyon). L’emploi 2.3. est attesté dep. 1835 (« Cela fait regret à voir, cela fait pitié à voir » Pomier). La locution 3. semble une innovation du français de l’Auvergne, attestée dep. 1861 à Clermont-Ferrand
(Mège). Ces faits sont ignorés de la lexicographie générale.
◇◇ bibliographie. MolardLyon 1803-1810 (2.1.) ; RollandLyon 1813 (2 .1.) ; JBLGironde 1823, 124 (1) ;
BreghotLyon 1828, 275 ; PomierHLoire 1835 (2.3.) ; SievracToulouse 1836 (1) ; MègeClermF
1861 "répugnance, dégoût, répulsion" faire regret, avoir regret ; OffnerGrenoble 1894 faire regret "causer du regret" ; PuitspeluLyon 1894 (2.1.) « à Nyons […], au sens de faire pitié » ; FertiaultVerdChal 1896 ; Mâcon 1903-1926 faire regret "exciter le déplaisir, la répugnance, la pitié" ; VachetLyon 1907 ; ParizotJarez [1930-40] faire regret "répugner ; plus rarement, faire pitié" ; BrunMars 1931 ça me fait regret "ça m’ennuie" ; PrajouxRoanne 1934 ça fait regret (de) ; MittonClermF 1937, 44 (3) ; BigayThiers 1941 faire regret "inspirer de la répugnance, dégoûter, être très sale" ; DornaLyotGaga 1953 faire regret "dégoûter" (sens atténué) ; ManryClermF 1956, 402 ; LouradourCreusois 1968 (1) ; EscoffStéph
1972 et 1976 (2.1.) ; BonnaudAuv 1976 et 1980 avoir/faire regret ; BridotSioule 1977 (2.1.) ; TuaillonVourey 1983 (1. et 2.3.) « usuel » ; GononPoncins 1984 (2.1.) « très courant » ; MeunierForez 1984 faire regret "dégoûter" (sens atténué) ; MartinPellMeyrieu 1987 (2.3.) ; QuestThiers 1987 (2.1.) ; MartinPilat
1989 (2.1) « usuel à partir de 20 ans » ; DucMure 1990 (1) ; VurpasMichelBeauj 1992 (2.1.) « bien connu au-dessus de 20 ans » ; BlancVilleneuveM 1993 (1. et 2.3) ; FréchetMartVelay 1993 (2.1) « usuel à partir de 60 ans, bien connu au-dessous » ; PotteAuvThiers 1993 (1. et 2.1.) ; VurpasLyonnais 1993 (2.1.) « bien connu » ; FréchetAnnonay 1995 (2.3.) « globalement bien connu » ; SalmonLyon 1995 (1 et 2) ; FréchetDrôme 1997 (2.3.) « usuel » ; FréchetMartAin 1998 (2.1.) « globalement attesté » ; MichelRoanne 1998 (2.2.) « usuel » ; PlaineEpGaga 1998 (2.1.) « encore utilisé » ; SabourinAubusson 1998 (1) ; FEW 16, 53a, grata.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (sens mêlés) Allier, Ardèche, Loire, Haute-Loire (Velay),
100 % ; Haute-Loire (nord-ouest), Puy-de-Dôme, 80 % ; Drôme, 65 % ; Cher, Isère, 60 % ;
Indre, 50 % ; Cantal, 45 % ; Loir-et-Cher (sud), Rhône, 30 %.
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