rentourner v.
〈Centre-Ouest, Saône-et-Loire, Haute-Savoie, Ain, Rhône, Loire, Isère, Drôme, Ardèche,
Haute-Loire (Velay), Limousin, Gironde〉 fam., vieillissant.
1. Emploi tr. "faire revenir (un animé en l’accompagnant) au lieu qu’il avait quitté". Stand. ramener.
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
1. J’étais encore à l’âge des tartines, lorsque vers mes dix ans, je devins « rentourneur ». Les rentourneurs étaient des enfants de douze à quinze ans environ, qui accompagnaient
les guides lorsque ceux-ci emmenaient des touristes en excursion. On montait par exemple
au Brévent, et là, les messieurs et les dames abandonnaient les mulets pour redescendre
à pied […] jusqu’à Chamonix. Nous, alors, les jeunes rentourneurs, on rentournait les mulets, c’est-à-dire qu’on les ramenait, attachés les uns derrière les autres,
jusqu’à Chamonix. (L. Tournier, Il était une fois la montagne, 1979, 123.)
2. 〈Aussi Allier〉 Emploi pron. réfl. "revenir en un lieu qu’on avait quitté".
2. – […] quel retour ?… j’ai point l’intention de m’ rentourner, moi !… (R. Semet, Les Argyronètes, 1976, 18.)
3. – Y faut que j’y aille, on sait jamais […]. Je me rentourne à Lyon […]. (A. Burtin et al., Petites histoires en franc-parler. C’est pas Dieu poss !, 1988, 71.)
V. encore s.v. gone, ex. 3.
■ remarques. Comme l’indiquent la plupart des exemples, le verbe appartient surtout au code oral ;
le dérivé rentourneur, qu’on lit dans l’ex. 1, appartient au fr. local où il est vx (aj. à FEW 13/2, 67a, tornare).
◆◆ commentaire. Ce dérivé sur afr. et mfr. s’en tourner (FEW), a surtout été relevé dans deux aires, l’une de l’Ouest et l’autre de l’Est
(et Suisse romande), qui sont celles où il est toujours de quelque usage. Attesté
dep. 1852 dans le Bourbonnais (Conny) se rentourner est probablement plus ancien, dans la mesure où on l’a relevé aussi au Québec (Dunn
1880 ; Dionne 1909 ; GPFC 1930), en Acadie (MassignonAcad 1962, § 1078) et en Louisiane
(DitchyLouisiane 1932 ; GrioletLouisiane 1986). Il est ignoré des dictionnaires généraux
du français.
◇◇ bibliographie. ConnyBourbR 1852 ; JaubertCentre 1864 ; OffnerGrenoble 1894 ; PuitspeluLyon 1894 ;
VerrOnillAnjou 1908 ; DuraffVaux 1919-1940 ; Mâcon 1926 se rentourner ; ParizotJarez [1930-40] ; MarMontceau 1938 ; MussetAunSaint 1938 ; EscoffStéph 1976
se rentourner ; DuclouxBordeaux 1980 ; BoninLangy 1981 se rentourner ; MédélicePrivas 1981 « terme courant, peut-être un peu moins utilisé que partir, mais sûrement plus que s’en retourner, qui ne sonne pas naturel » ; SabourinAubusson 1983 et 1998 ; TuaillonRézRégion 1983 (Privas) ; TuaillonVourey
1983 se ou s’en rentourner « usuel chez beaucoup » ; ArnouxUpie 1984, 24 ; GononPoncins 1984 « courant, tous » ; MeunierForez 1984 ; RézeauOuest 1984 et 1990 ; MartinPellMeyrieu 1987 ; MartinPilat
1989 « usuel » ; DucMure 1990 ; VurpasMichelBeauj 1992 « usuel » ; BlancVilleneuveM 1993 « usuel » ; FréchetMartVelay 1993 « globalement attesté » ; GrevisseGoosse 1993, § 656 b R « fr. pop. de plusieurs provinces de France et du Canada », citant le Savoyard Frison-Roche ; VurpasLyonnais 1993 « bien connu » ; FréchetAnnonay 1995 « globalement connu » ; RobezMorez 1995 ; SalmonLyon 1995 se rentourner ; ValMontceau 1997 ; FréchetMartAin 1998 ; MichelRoanne 1998 « usuel » ; PlaineEpGaga 1998 s’en rentourner « encore utilisé » ; FEW 13/2, 74b-75a, tornare.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Drôme, Isère, 100 % ; Ardèche, 65 % ; Loire, 60 %. (se rentourner) Creuse, 80 % ; Dordogne, 50 % ; Haute-Vienne, 40 % ; Corrèze, 30 %.
|