rhabilleur, ‑euse n.
〈Surtout Jura, Haute-Savoie, Savoie, Ain, Rhône, Loire, Isère, Drôme, Hautes-Alpes, Alpes-de-Haute-Provence
(vx), Ardèche, Haute-Loire, Puy-de-Dôme〉 Surtout rural, usuel "personne qui réduit une fracture ou qui remet un membre démis". Stand. fam. rebouteux. – Le rhabilleur de membres (R. Sabatier, Les Noisettes sauvages, 1983 [1974], 110). Une célèbre rhabilleuse (J. Anglade, Le Tour du doigt, 1977, 354). On n'a plus de rhabilleur à Poncins, mais il y en a un bon à Montverdun ! (GononPoncins 1984).
1. Mon poids a porté tout sur le même pied et je me suis fait une entorse. […] mon père
m'a grondé, puis il a été chercher un soi-disant rhabilleur qui habitait au pays. C'était un vieux paysan. Il m'a fait des massages et j'ai pris
des bains d'eau salée. ([L. Fénix], Histoire passionnante de la vie d'un petit ramoneur savoyard, 1978 [av. 1958], 33.)
2. […] de Montélimar à Saint-Etienne, de Marseille à Lyon, qui ne connaît pas le fameux
« rhabilleur » du Béage ! / Depuis soixante-dix ans il vous remet les épaules et les chevilles,
vous rafistole les cassures. (J. Durand, Les Contes de la Burle, 1993 [passage écrit en 1974], 155.)
3. Les médecins de l'époque ne s'intéressaient pas plus aux dents qu'aux nerfs déplacés.
Pour ces derniers, heureusement existaient par-ci par-là, cachés dans la cambrousse,
de vieux paysans incultes qu'on appelait des « rhabilleurs » et qui, en deux coups de pouce, vous remettaient vite et bien membre ou nerf démis.
(M. Scipion, Le Clos du roi, 1980 [1978], 87.)
4. Ces rhabilleurs se transmettaient leur don de père en fils. À Vallorcine [Haute-Savoie], tiens, il
y a chez les Vouilloz un rhabilleur par génération. Celui qui pratique encore aujourd'hui est très efficace, à ce que
l'on dit. (L. Tournier, Il était une fois la montagne, 1979, 64.)
5. […] la rhabilleuse la plus fameuse et la plus habile du canton et peut-être même du département. (Th. Bresson,
Le Vent feuillaret. Une enfance ardéchoise, 1980, 211-212.)
6. La naissance elle-même a lieu à la maison. On se débrouillait en famille, avec l'aide
parfois de quelques voisines, de la « rhabilleuse » nommée aussi « femme sage » dans les villages. (L. Saugues, Fêtes et traditions populaires du Puy-de-Dôme, 1994, 99.)
7. Plus tard, des villageois feront appel à ses soins. Pas en qualité de rhabilleuse mais d'« infirmière », certes non diplômée, mais adroite pour faire les piqûres […]. (M. Bénézit, La Voix des chaumières, 1999, 140.)
◆◆ commentaire. Attesté dep. 1575 en ce sens (Paré, TLF), par restriction de fr. rhabilleur "celui qui remet en état" (Est 1549, TLF). Relevé par Féraud 1788 (« plusieurs disent rhabilleur de celui qui rhabille »), le terme figure dans quelques dictionnaires contemporains (Ø Rob 1985, NPR 1993-2000,
Lar 2000), qui le donnent comme « pop. » (GLLF), « vieilli et fam. » (TLF, citant Claudel). Mais il semble que le mot se soit assez bien conservé dans
une aire compacte – correspondant à l'aire orientale de rhabiller*, mais, de plus, cimentée par Lyon –, qui s'étend principalement du Jura à la Haute-Loire et à la Drôme.
◇◇ bibliographie. DuPineauV [ca 1750] ; MolardLyon 1792-1810 ; BéronieTulle 1823, 346 ; SaugerPrLim 1825 ; PomierHLoire
1835 ; JaubertCentre 1864 rhabilleux ; PuitspeluLyon 1894 ; GuilleLouhans 1894-1902 ; VachetLyon 1907 s.v. rhabiller ; VerrOnillAnjou 1908 ; DuprazSaxel 1975 ; JamotChaponost 1975, 57 s.v. rabilyœr ; GononPoncins 1984 ; MeunierForez 1984 ; ColinParlComt 1992 (ex. de 1854) ; VurpasMichelBeauj
1992 « usuel au-dessus de 20 ans » ; BlancVilleneuveM 1993 « usuel » ; FréchetMartVelay 1993 « usuel » ; VurpasLyonnais 1993 ; FréchetAnnonay 1995 « usuel » ; RobezMorez 1995 « employé partout » ; FréchetDrôme 1997 « globalement connu » ; FréchetMartAin 1998 ; MichelRoanne 1998 « bien connu au-dessus de 40 ans » ; PlaineEpGaga 1998 « encore utilisé » ; ALLy 1029 ; FEW 1, 367b, *bilia.
△△ enquêtes. EnqDSR 1994-96. Taux de reconnaissance : Ain, Ardèche, Drôme, Isère, Loire, Haute-Loire (Velay),
Savoie, Haute-Savoie, 100 % ; Haute-Loire (nord-ouest), Puy-de-Dôme, 80 % ; Hautes-Alpes,
75 % ; Jura, 65 % ; Alpes-de-Haute-Provence, Rhône, 30 % ; Var, 15 % ; Alpes-Maritimes,
5 % ; Bouches-du-Rhône, Cantal, Doubs, Haute-Saône, Territoire-de-Belfort, Vaucluse,
0 %.
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