rond adj.
〈Surtout Franche-Comté, Drôme, Ardèche, Haute-Loire (Velay)〉 Dans le syntagme pommes de terre (ou synon. fam.) rondes fam. "pommes de terre entières cuites à l’eau avec la peau". Stand. pommes de terre en robe des champs/en robe de chambre. Synon. région. à la pelure*. – Pommes de terre « rondes » cuites dans la marmite (GrandjeanFougerolles 1979). Un saucisson à cuire avec des pommes de terre rondes (SalmonLyon 1995). Patates rondes.
1. Il y avait aussi les pommes de terre rondes, toutes nouvelles, qu’on mangeait chaudes dans du lait froid. (R. Sabatier, Les Noisettes sauvages, 1983 [1974], 193.)
2. Dans beaucoup de familles autrefois, le repas du soir en hiver, « le souper* » était presque toujours composé uniquement de pommes de terre « rondes ». Une marmite était spécialement réservée à cet usage. […] L’espèce la plus appréciée
était la pomme de terre « noire » maintenant complètement disparue. (GrandMignovillard 1977, 37.)
3. Dans beaucoup de familles autrefois, le repas du soir en hiver, le « souper »*, était presque toujours composé uniquement de pommes de terre rondes. (R. Bichet, Célébration des gaudes, autrefois plat national comtois, 1983, 166.)
4. Et cependant, nous nous régalions de peu quelquefois, de ces pommes de terre « rondes », […] que l’on nomme pompeusement aujourd’hui pommes de terre « en robe des champs », cuites au « pot », cette marmite profonde, à trois pieds, avec anse et couvercle et dont la panse rebondie
et toute noircie de fumée pénétrait profondément dans le trou du fourneau. (J. Reyboz,
Douceur d’automne, 1984, 14.)
5. […] elle rejoignit Caroline dans la cuisine pour mettre les pommes de terre rondes du souper* sur le feu. (M.-Th. Boiteux, Le Secret de Louise, 1996, 153.)
— Par ellipse 〈Jura.〉 Faire cuire des rondes (RobezMorez 1995).
◆◆ commentaire. Lexie complexe – où rondes précise que les pommes de terre sont entières, non coupées en morceaux – bien établie
dans le français de deux aires orientales : l’une septentrionale, englobant la Franche-Comté
(dep. 1929, BoillotGrCombe) et qui se prolonge en Suisse romande (où cet emploi est
attesté dep. 1832 « Nous appelons […] les pommes de terre en robe de chambre, pommes de terre rondes » GuilleNeuchâtel, 173) ; l’autre méridionale, comprenant la Drôme, l’Ardèche et le
Velay (dep. 1992 seulement, MazaMariac). Cette configuration suggère qu’on a affaire
à une aire brisée anciennement centrée sur Lyon, avec évidement subséquent du centre
directeur et des zones intermédiaires. Cette interprétation est confirmée par l’unique
mais indéniable témoignage concernant Lyon (Salmon 1995, sans ex. écrit), qui indique
que l’effacement de la partie centrale de l’aire originelle n’est pas encore tout
à fait achevé. La quasi totalité des linguistes – sauf FréchetAnnonay – qui ont étudié
l’usage décrit ci-dessus ne l’ayant pas expliqué par le « substrat dialectal » (significativement, nombre de rubriques étymologiques sont inexistantes ou vides
de toute vue d’ordre historique ; v. bibl.), on croira d’autant plus fermement qu’on
a affaire à une innovation régionale purement française, relativement ancienne (sans
doute antérieure au 19e siècle), mais sans attache spéciale avec les parlers ruraux déclassés. On en conclura
que les patois – ceux de Giron (Ain) ou de La Louvesc (Ardèche) près d’Annonay, par
exemple (v. respectivement DuraffGloss, § 8264 et DufaudLLouvesc 1986, 291) – ont
calqué la lexie propre aux modalités régionales du français. Du coup, l’attestation
relevée par DuraffGloss dans l’Ain, dans la première moitié du 20e siècle, peut être utilisée comme un témoignage supplémentaire montrant que les deux
aires d’aujourd’hui n’en firent autrefois qu’une. Au Québec, où patates rondes "patates bouillies" est courant (v. DHFQ 1998, syntagme non daté), il s’agit d’une création indépendante.
◇◇ bibliographie. BoillotGrCombe 1929 ; GrandMignovillard 1977, 37 ; DromardDoubs 1991 et 1997 s.v. patates rondes ; TrouttetHDoubs 1991 les rondes et, s.v. reuchtis, les pommes de terre rondes ; ColinParlComt 1992 ; MazaMariac 1992 ; FréchetMartVelay 1993 « usuel » ; FréchetAnnonay 1995 « usuel » ; RobezMorez 1995 « employé partout par les personnes âgées » ; SalmonLyon 1995 ; DSR 1997 ; FréchetDrôme 1997 « globalement connu » ; ALJA 1176 (Isère) ; ALFC, t. 2, cxxxviii ; aj. à FEW 10, 520a, rotundus (la lexie est absente s.v. pirum, pomum et tuber).
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
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