rosette n. f.
〈Côte-d'Or, Jura, Haute-Savoie, Savoie, Ain, Rhône, Loire, Isère, Drôme, Ardèche (nord),
Haute-Loire (Velay), Hautes-Alpes〉 usuel "gros saucisson sec, fusiforme, de 70 cm à 1 m de long et d'un diamètre de 5 à 9 cm.".
1. Chez les Balochard, on mangeait bien… Il y avait eu une « rosette », des quenelles, une volaille demi-deuil […]. (M.-É. Grancher, Tout pour la tripe !, 1965, 20.)
2. Les autres mots ou expressions [figurant sur l'ALLy 329] sont des désignations du
rectum, ils servent aussi à désigner la rosette. (ALLy, t. 5, 1976, 243.)
3. La rosette avait été offerte par la Boucherie Fraysse de Sablons [Isère]. La ficelle rouge qui
l'entourait mesurait 14,40 mètres. (Le Réveil du Vivarais et de la Vallée du Rhône, 14 mars 1997, 15.)
V. encore s.v. judru, ex. 4.
□ Dans un commentaire métalinguistique incident.
4. La plus grosse saucisse, celle que l'on fait avec le boyau gras, la « rosette », s'appelait aussi « la fin du monde ». (Ch. Forot, Odeurs de forêt et fumets de table, 1987, 210.)
— En emploi non-comptable. Des tranches […] de rosette (Modes & Travaux, octobre 1991, 136).
— Au sing. en emploi générique.
5. Pour faire la rosette, on utilise comme enveloppe le biau cuolard ou rectum de porc, boyau gras que l'on peut dédoubler. (DufaudLLouvesc 1986, 262,
s.v. roseta.)
■ encyclopédie. V. L'Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Rhône-Alpes, 1995, 209-211.
◆◆ commentaire. Innovation sémantique de la région lyonnaise, attestée dep. 1935 (« “rosettes” odorantes et exquises » Curnonsky et M.-É. Grancher, Lyon, capitale mondiale de la gastronomie, 81), par métonymie sur frm. région. rosette "gros intestin des animaux" (dep. 1926, Mâcon) > "boyau dans lequel on embosse le saucisson" (dep. 1928 « Le saucisson de Lyon est embossé dans un boyau gras, nommé Rosette, pour sa tendre couleur » Mathieu Varille, La Cuisine lyonnaise, Lyon, 79, d'après L'Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Rhône-Alpes, 1995, 210), sens eux-mêmes innovés régionalement sur frm. arg. et pop. rosette "anus" (dep. 1861, GuiraudDictÉr ; 1864, EsnaultArg). S'inscrivant de la sorte dans le paradigme
sémantique des dénominations régionales traditionnelles de la préparation en cause
(v. la remarque de Gardette/Durdilly citée en ex. 2 ; pour la chose, v. ex. 4-5 et
ALLy 329 : « On appelle “rosette”, en Lyonnais, le saucisson qu'on fait dans le rectum »), rosette se distingue néanmoins des synonymes dialectaux plus directs ⌈ boyau culier ⌉ ou ⌈ culard ⌉, ⌈ boyau du cul ⌉, ⌈ boyau gras ⌉ (cf. aussi ci-dessus dans les ex. 4 et 5 ou ⌈ boyau crottier ⌉ (ALLy 5, 243) et offrait de riches possibilités de remotivation positives (cf. le
texte de 1928 supra) pouvant le faire passer pour un mot distingué : ces qualités euphémistiques (cf. encore
TLF 8, 199a pour la connotation du suffixe) sont la raison de son succès. Comme l'ont
indiqué à juste titre Gardette/Durdilly (ALLy 5, 243), les dénominations dialectales
correspondantes, relevées dans la Saône-et-Loire, les Dombes, le Rhône, la Loire (v. FEW
et ALLy 329 ; aussi nord de la Haute-Loire, v. ALMC 541* pt 10 et FéliceChambonL.
1983, et nord-est du Puy-de-Dôme, v. ALLy 329 pt 35 [finale française]) sont empruntées
au français régional. Enregistré sans marque diatopique dans les dictionnaires généraux
contemporains, le mot, dans le sens décrit ici, est largement en cours de dérégionalisation,
rosette étant même utilisé pour désigner des saucissons non lyonnais (cf. « rosette du Morvan » dans L'Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Bourgogne, 1993, 139 ; « rosette du Cantal », Le Monde, 16-17 juillet 2000, 8).
◇◇ bibliographie. Mâcon 1926 "gros intestin (chez les animaux)" ; LarGastr 1938 ; JamotChaponost 1975, 54 ; GononPoncins 1984 « connu et employé par tous (y compris des restaurateurs) » ; MartinPilat 1989 ; VurpasMichelBeauj 1992 « usuel » ; BlancVilleneuveM 1993 ; FréchetMartVelay 1993 ; VurpasLyonnais 1993 « usuel » ; FréchetAnnonay 1995 « usuel » ; SalmonLyon 1995 ; FréchetDrôme 1997 ; HöflerRézArtCulin ; FréchetMartAin 1998 ;
MichelRoanne 1998 « usuel » ; HöflerRézArtCulin ; FEW 10, 478b, rosa.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Ain, Ardèche, Drôme, Loire, Haute-Loire (Velay), Rhône,
Savoie, Haute-Savoie, 100 % ; Isère, 80 %.
|