sœur (chère –) loc. nom. f.
〈Nord, Marne, Lorraine, Alsace〉 vieillissant "femme appartenant à un ordre ou à une congrégation chrétienne". Stand. religieuse, sœur, fam. ou pop. bonne sœur. – Les deux « chères sœurs » soignantes du village (H. Chepfer, préf. à J.-M. Cuny, La Cuisine lorraine, 1975, 9). J’allais à l’école chez la chère sœur Odile (Revue lorraine populaire, n° 27, avril 1979, 110). Le grand bureau sur l’estrade, où trônait la « Chér’ sœur » (M. Gable-Senné, Les Racines de l’exil, 1984, 155).
1. De temps en temps, la procession s’arrêtait pour donner à M. le Curé le temps de bénir
la campagne […]. Une chère sœur surveillait les opérations et prenait garde à ce que les surplis de dentelle ne fussent
pas déchirés par les branches. (J. L’Hôte, La Communale, 1966 [1957], 121-122.)
2. On avait d’abord pensé au village que la « Fanfouette » irait au couvent, se ferait « Chère Sœur » comme on disait alors. (G. Parent, La Fanfouette, 1986, 8.)
3. – Les chères sœurs, elles se baignent en maillot de bain ? (Fr. Martin, Le Temps des vacances, 1990, 93.)
4. Georges, et son frère Pierre, voyaient disparaître sous leurs yeux tous leurs souvenirs
et la plupart des meubles hérités de leur famille – sans compter les trésors d’Eglise
vendus à vil prix à Georges par les chères-sœurs qui l’avaient élevé. (J.-P. Colin, L’Acteur et le roi, 1994, 59.)
5. Sa mère avait été au couvent à Laon. Elle aussi orpheline de bonne heure, on l’avait
mise chez les « chères sœurs ». Elle avait connu les promenades en file indienne, deux par deux le dimanche, où
l’on tournait littéralement autour de la vieille cité pour finir au « Salut » de cinq heures à la cathédrale. (A. Collignon, Les Jonchères, 1997 [1995], 95.)
6. […] elle se consolait un peu en confiant aux « chères sœurs » ses petites et grandes misères. (R. Harrburger, Du pain avec du chocolat, 1995, 98.)
— En appos.
7. […] la nièce de la supérieure qui faisait sa pimbêche quand elle venait embrasser
sa tante-chère-sœur. (É. Fischer, Les Pommes seront fameuses cette année, 2000, 117.)
■ variantes. 〈Nord〉 ma-chère-sœur loc. nom. f. vieilli (comm. de F. Carton).
◆◆ commentaire. Propre au français du nord-est de la France, particulièrement de la Lorraine (où elle
est attestée dep. 1872 « Hélas ! […] je sais maintenant à quoi m’en tenir sur l’instruction que donnent les
chères sœurs […]. Tout est arrêté par l’ignorance des femmes qui sortent des écoles » Erckmann-Chatrian, Histoire d’un sous-maître, Blainville-sur-mer, L’Amitié par le livre, 1976, 75 ; 1913 « La pieuse et gentille idée qu’un enfant chrétien de village se fait des “chères sœurs” » Barrès, dans Frantext), cette substantivation délocutive est basée sur la formule d’adresse respectueuse,
elle générale et usuelle, « Ma chère sœur ! » employée notamment à l’égard d’une religieuse enseignante exerçant des responsabilités
de directiona. Cet emploi, qui est ignoré des dictionnaires généraux, sauf de TLF qui le donne
comme « fam. » et « vieilli » avec un exemple de Maupassant (1880) est aussi connu en Wallonie (« vieilli » comm. de M. Francard ; PohlBelg 1950).
a Ainsi : « La religieuse avait de bons yeux simples, bien à l’abri sous de solides arcades. […]
Elle me sourit […]. / – Et puis, il ne faut pas dire “non” tout court, comme ça. C’est bon pour les garçons. Il faut dire : “Non, ma sœur”, ou encore : “Non, ma chère sœur” » (A. Perry-Bouquet, Un petit cheval et une voiture, 1997 [1966],16) ; « […] il convenait de dire “mes compagnes” et “mademoiselle”, appeler la directrice “ma chère sœur” » (A. Ernaux, La Honte, 1997, 81).
◇◇ bibliographie. LanherLitLorr 1990 ; LesigneBassignyVôge 1999 ; aj. à FEW 12, 116b, soror (où cette lexie manque).
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Meurthe-et-Moselle, Vosges, 100 % ; Meuse, 80 % ; Moselle,
75 %.
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