toquer v. tr. indir.
〈Surtout Bretagne, Nièvre, Yonne, Champagne, Ardennes, Lorraine, Alsace, Franche-Comté, Haute-Savoie,
Savoie, Ain, Loire, Isère, Puy-de-Dôme, Corrèze, Landes〉 usuel
1. "frapper, heurter légèrement".
1. Une heure après, comme mes parents ne rentrent pas, je vais rejoindre quelques-uns
de mes petits camarades qui jouent à toquer des billes contre la porte pleine de la maison de Jean Kerdouz. (P.-J. Hélias, Le Cheval d’orgueil, 1975, 190.)
2. Michel prit les œufs, il les toqua l’un après l’autre sur le bord du comptoir et les goba […]. (L. Guilloux, L’Herbe d’oubli, 1984 [av. 1980], 260.)
3. Le silence étant difficile à obtenir, le Président toqua un peu trop vivement avec une cuillère sur son verre qui se brisa en morceaux. (J.-M. Cuny, dans Revue Lorraine Populaire, n° 62, février 1985, 86.)
— Emploi pron. "se heurter, se cogner". Il s’est toqué la tête après le mur (TamineChampagne 1993).
2. En part. "frapper pour s’annoncer, pour se faire ouvrir". Synon. région. buquer*.
2.1. Dans des syntagmes verbaux.
— toquer à la porte. Je toque à la porte du Vieux (San-Antonio, Viva Bertaga !, 1996 [1968], 30). On toqua doucement à la porte (Ch. Exbrayat, Pourquoi tuer le Pépé ?, 1985 [1972], 158). Il monta l’escalier. Il toqua à la porte (Chr. Delval, La Vieille Trompe, 1982, 112). On avait toqué à la porte (R. Millet, Lauve le pur, 2000, 99). J’avais bien entendu toquer à la porte (Homme 30 ans, originaire de Remiremont, Vosges, Nancy, 5 juin 2000).
4. Ils arrivaient pourtant à la dernière maison, celle d’une amie de tante Claudine,
devant laquelle Denise ne passait jamais sans « toquer » à la porte. (P. Antoine, La Malatière, 1951, 65.)
5. Il avait fait signe à sa mère de s’avancer pour toquer à la porte. (P.-J. Hélias, L’Herbe d’or, 1982, 182.)
6. J’ai le cœur comme ça, le cœur et tout le restant, en toquant à la porte de chez* Heurtebise, qui est une porte à deux vantaux superposés, comme la nôtre. (G. Mercier,
Le Pré à Bourdelle, 1982, 122.)
7. François […] a ses petites entrées chez nous. Jamais il ne toque à la porte de devant […]. Mais il pousse la porte de derrière (jamais fermée à clef) […]. (G. Laporte-Castède,
Pain de seigle et vin de grives, 1989, 191.)
— toquer à la fenêtre/ à la vitre. Merci de ne pas toquer à la vitre (Affichette sur la vitrine des lémuriens, Zoo d’Amnéville, Moselle, septembre 2000).
8. Derrière les carreaux je voyais ma mère et ma sœur aînée qui tricotaient ou lisaient
au coin de la table. Je griffais la vitre, y toquais. (G. Bierne, Le Silence de la ferme, 1986, 196-197.)
9. Une grosse mouche bleue bourdonna au carreau de la fenêtre, toquant à la vitre une fois, deux fois, dix fois, cherchant obstinément à sortir. (J. Failler, La Mort au bord de l’étang, 1996 [1993], 207.)
10. On le vit toquer à la vitre de la voiture, penché comme un héron. (J.-P. Demure, Fin de chasse, 1998, 176.)
11. Elle a toqué à ma fenêtre. Je passais l’aspirateur. Je lui ai dit en riant : « On n’est plus chez soi ». Elle l’a mal pris. (Femme originaire de Montbéliard, 28 ans, Belfort, 1er septembre 2000.)
— [Par méton. du compl.]
12. Tous les gens du pays savent très bien que si l’on va « chez la Constance », il faut faire le tour de la maison et « toquer à la cuisine ». (R. Harrburger, Du pain avec du chocolat, 1995, 86.)
13. – Je voudrais voir Monsieur X.
– Toquez au bureau, il est là. (Vandœuvre-lès-Nancy [Meurthe-et-Moselle], 18 novembre 1997.) 2.2. Emploi abs. Il est arrivé une fille, qui a toqué doucement, timide (Y. Gibeau, Mourir idiot, 1988, 34). On toque, on ouvre la porte (H. Lesigne, Un garçon d’Est, 1995, 23).
◆◆ commentaire. Attesté dep. 1536 dans le français de Neuchâtel (tocquer à la porte, Pierreh), par restriction de mfr. toquer "toucher, frapper" (dep. ca 1500, Villon, FEW), ce sens est caractéristique d’une vaste zone orientale (Belgique,
est de la France, Suisse romande, région lyonnaise sauf Lyon, avec prolongements en
Auvergne et Limousin). Connu et utilisé parfois en dehors de cette aire, notamment
dans la loc. verb. toquer à la porte (ainsi Mauriac 1923, Queneau 1944 et 1959, Vian 1950, dans Frantext ; v. encore ici ex. 5 et 6 ; v. aussi GPFC 1930a), il s’y inscrit cependant de façon privilégiée, constituant sans doute un régionalisme
de fréquence. La prise en compte des dictionnaires est récente (Lar 1904 qui relève
« toquer à la porte (vx) ») et les dictionnaires généraux contemporains notent diversement cet aspect diatopique :
« dialect. ou fam. » (GLLF, citant Duhamel et Queneau) ; « fam. » (TLF, citant Erckmann-Chatrian 1870, Pourrat 1922 et Mauriac 1923 ; mais le même
TLF indique toquer "sonner (en parlant de l’heure)" comme « région. (Centre, Doubs) »… avec un ex. de Hugo 1832) ; « dial. ou fam. » (Rob 1985) ; « région. ou fam. » (NPR 1993-2000) ; Ø Lar 2000.
a Le mot est bien connu au Québec, où l’emploi pron. se toquer (en parlant d’une personne) est attesté dep. 1866 (FichierTLFQ).
◇◇ bibliographie. GrosleyTroyes 1761 « Toquer, heurter légèrement » ; MichelLorr 1807 ; MoisyNormand 1887 ; CunissetDijon 1889 ; FertiaultVerdChal 1896 ;
ConstDésSav 1902 ; Pierreh ; BoillotGrCombe 1929 ; RaillietReims 1930 se toquer ; MussetAunSaint 1948 ; PohlBelg 1950 ; DuraffHJura 1986 « très usuel » ; LanherLitLorr 1990 ; DromardDoubs 1991 et 1997 ; TavBourg 1991 toquer à la porte (Morvan, Nièvre, Yonne) ; ColinParlComt 1992 ; TamineArdennes 1992 ; BlancVilleneuveM
1993 « mot-souvenir » ; DuchetSFrComt 1993 ; TamineChampagne 1993 ; Hanse 1994 « dialectal ou familier » ; MichelNancy 1994 « usuel » ; FréchetMartAin 1998 « globalement bien connu » ; JacquotChampagney 1998 ; LeboucBelg 1998 ; LengertAmiel ; FEW 13/2, 12a, tokk.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Ardennes, Haute-Marne, Meuse (nord), Moselle (est), Bas-Rhin,
Haut-Rhin, 100 % ; Marne, 90 % ; Aube, 80 %.
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