voir2 v.
I. 〈Saône-et-Loire, Franche-Comté, Haute-Savoie, Savoie, Rhône, Loire, Isère, Hérault,
Aude, Pyrénées-Orientales, Haute-Garonne (Toulouse), Ardèche, Auvergne, Dordogne,
Lot-et-Garonne, Gers, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques, Landes, Gironde〉 fam. s’en voir loc. verb. pron. "avoir de la difficulté, des ennuis ; subir des épreuves ; connaître la misère". Stand. en voir, fam. en baver. Synon. région. misérer*.
1. […] le dimanche matin, c’était une rude corvée pour moi : quand j’avais rentré les
moutons, les filles m’apportaient une dizaine de paires de souliers à nettoyer et
à cirer, et bien souvent ils étaient mouillés, et je m’en voyais pour les faire briller. ([L. Fénix], Histoire passionnante de la vie d’un petit ramoneur savoyard, 1978 [av. 1958], 46.)
2. Seule à la maison avec les trois enfants, je m’en suis vu. (M. Chaix, Juliette chemin des cerisiers, 1985, 127.)
3. – […] En plus, c’était un hiver de neige et de froid. Ah ! On s’en est vu ! (M.-Th. Boiteux, Le Secret de Louise, 1996, 70.)
4. Si quelqu’un te demande où je suis, tu lui dis que tu n’en sais rien. Même chose au
père : je préfère « m’en voir » tout seul ! (R. Limouzin, D’une toussaint… à l’autre, 1998, 190.)
II. 〈Rhône, Loire, Isère (La Mure, Mariac), Drôme, Ardèche, Haute-Loire (Velay)〉 vois-tu le/les ! vois-tu moi le/les loc. phrast. fam.
1. "(pour marquer l’étonnement, la réprobation)". Stand. regarde-le(s). – Vois-tu le ! D’où tu sors ? On te croyait mort (DucMure 1990).
5. Je n’aurais pas deviné ce qu’ils [des clochards] faisaient, ces misérables, si ma
mère n’avait fulminé avec indignation :
– Vois-tu moi les, ces feignasses… Ils se débarrassent de leurs totos [= poux] ; ils vont en semer dans tout le quartier. (M. Bailly, Le Piosou, 1980, 26.) 2. "(pour marquer l’incrédulité)".
6. – […] Je suis né à Saint-Étienne, rue Robert.
– Vois-tu moi le ! Avec cet accent ! Tu parles presque comme un Parigot ! (M. Bailly, Le Piosou, 1980, 99.) ■ remarques. Ces tours appartiennent principalement à l’usage oral.
III. j’ai vu l’heure* où/que.
◆◆ commentaire.
I. Cet emploi pronominal correspondant à fr. en voir, de même sens (GLLF, Rob 1985, TLF ; aj. à FEW 14, 421b, videre), est caractéristique du français de plusieurs aires : de la Franche-Comté à l’Ardèche,
Sud et Sud-Ouest. Il est attesté dep. 1897 dans le français de Lyon (« s’en voir, avoir bien de misères » Puitspelu).
II. En usage dans une petite aire lyonnaise, la locution est attestée dep. 1939 dans le
français de Rive-de-Gier (Loire) (« vois-tu-le, pour regarde-le »).
◇◇ bibliographie. (I) PuitspeluLyonSuppl 1897 ; LambertBayonne 1902-1928 ce que je m’en suis vu ! ; DuraffVaux 1941 ; SéguyToulouse 1950 « courant » ; DondaineAuth 1976, 54 ; ManteIseron 1980 ; TuaillonVourey 1983 « usuel » ; ArmanetVienne 1984 ; GononPoncins 1984 « courant, tous » ; GuichSavoy 1986 ; SallesLBéarn 1986 ; MartinPellMeyrieu 1987 ; DucMure 1990 ; BoisgontierAquit
1991 « syntaxe […] gasconne » ; DromardDoubs 1991 et 1997 ; MazaMariac 1992 ; BlancVilleneuveM 1993 « usuel » ; PotteAuvThiers 1993 ; RobezMorez 1995 ; SalmonLyon 1995 (avec ex. de 1927) ; ValMontceau
1997 ; ChambonÉtudes 1999, 241 ; MoreuxRToulouse 2000 s.v. pierres ; aj. à FEW, loc. cit. – (II) BaronRiveGier 1939 ; DornaLyotGaga 1953 ; MeunierForez 1984 ; MartinPilat 1989 « usuel à partir de 60 ans, bien connu au-dessous » ; DucMure 1990 ; MazaMariac 1992 ; FréchetMartVelay 1993 « usuel » ; FréchetAnnonay 1995 « globalement usuel » ; SalmonLyon 1995 ; MichelRoanne 1998 « bien connu » ; PlaineEpGaga 1998 « encore utilisé ».
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Cantal, Gers, Gironde, Landes, Haute-Loire (nord-ouest),
Puy-de-Dôme, Hautes-Pyrénées, 100 % ; Pyrénées-Orientales, 90 % ; Pyrénées-Atlantiques,
50 % ; Lot-et-Garonne, 40 %.
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