abonder v.
1. 〈Allier, Saône-et-Loire (Monceau-les-Mines), Loire, Isère, Provence, Creuse (est)〉 Emploi intr. [Le sujet désigne un inanimé concret] "être en quantité plus que suffisante ; faire du profit". Ça n’a pas abondé (Témoin de Chazelles-sur-Lyon, Loire, dans Vie et Langage 1962, 336). Prenez cette laine, elle abonde (Témoignage sur le Quercy, ibid., 391). La vendange abonde (BridotSioule 1977 s.v. abonde). Il faut que ça abonde (ValMonceau 1997).
1. Il fabrique alors le bouchon avec deux plumes de canards qui abondent autour de lui. La tige de l’une et deux tronçons de l’autre où passe le fil [pour
faire une ligne de pêche]. (A. Aucouturier, La Mère-Nuit, 1998, 28.)
2. 〈Allier, Ain, Rhône, Loire, Isère, Drôme, Velay, Pilat〉 fam. Emploi tr. indir. abonder à qqc.
2.1. [Le sujet désigne une personne] "venir à bout de (la tâche dont on est chargé), suffire (à une tâche) ; avancer dans
son travail ; avoir une activité débordante". On n’abonde pas ! (Serveuse de restaurant, Bourbon-l’Archambault, Allier, ne parvenant pas à servir
des glaces aux clients un jour de grande chaleur, 27 juillet 1994). Il abonde à tout (LaloyIsère 1995).
2. Dès sept heures, les premiers dîneurs arrivaient. On mangeait tôt à l’époque. / Margot
prenait les commandes, servait, encaissait. / Cela jusqu’à dix heures, où elle se
retirait. / Je ne voulais plus qu’elle se coltine avec la clientèle de nuit. À partir
de ce moment, je devais abonder à tout, cuisine et service […]. (Cl. Bourgendre, Le Tablier de sapeur, 1979, 201.)
— En part. [Le sujet désigne un enfant] "être turbulent". Il faut le surveiller comme le lait sur le feu, il abonde à tout ! (FréchetDrôme 1997).
— Le plus souvent dans des formules négatives (ne) pas/plus abonder à/de + prop. inf. "ne pas arriver à, ne pas venir à bout de, ne pas suffire à". J’abonde plus à tout faire (MartinPilat 1989 ; VurpasMichelBeauj 1992 ; VurpasLyonnais 1993). Depuis qu’elle est veuve, elle abonde plus à faire tout le travail (FréchetMartAin 1998).
3. Ces braves gens avaient des problèmes avec les souris : ils n’abondaient pas de boucher les trous dans les murs. (S. Lavisse, Retour au pays de Tronçais, 1990, 180.)
4. […] un atelier de couture, où y a une tripotée de minettes qui abondent pas de piquer des robes pour dames bourgeoises. (J. Rouchouse, « Panassa » de mon enfance, 1999, 109.)
— Emploi abs. Je ne peux pas abonder (DornaLyotGaga 1953). J’abonde plus ! (GononPoncins 1984).
5. Moi, depuis ma retraite, avec le jardin, la pêche et les parties de boules, j’abonde pas. (MeunierForez 1984, 18.)
6. Ils avaient, en général, la sagesse de couper le vin avec l’eau de Saint-Pardoux.
J’étais chargée de fournir les boissons, je n’abondais pas. (S. Lavisse, Retour au pays de Tronçais, 1990, 50.)
V. encore s.v. bigot, ex. 12.
2.2 [Le sujet désigne un inanimé concret] "suffire". Sa paye n’abonde plus (MichelRoanne 1998).
7. Une vache consomme une trentaine de litres d’eau… Il fallait aussi prévoir les besoins
domestiques, à ce rythme-là, le puits n’abondait plus ! (S. Lavisse, Retour au pays de Tronçais, 1990, 105.)
◆◆ commentaire. Documenté depuis le 12e s. en afr. comme en aocc. (FEW), ce verbe est aujourd’hui réservé à des emplois plutôt
recherchés dans les sens reçus par la lexicographie française générale – "affluer, être en quantité plus que suffisante" et "avoir quelque chose en grande quantité" – (Ø marque Lar 1928, Lar 1960, GLLF, Rob 1985, NPR 1993-2000 et Lar 2000, mais « langue cultivée, littéraire » TLF et « région. » Rob 1989). 1. est un particularisme de fréquence, notamment dans le Bourbonnais (où coexistent
1. et 2.) et en Provence. 2. est attesté au 13e s. en afr. (D. S. Blondheim, Romania 39 [1910], 140) et dans ses emplois figurés dep. le 17e s. dans l’aire lyonnaise et stéphanoise (1688 « Il a parié qu’il abonderait à boire 6 verres, et il a abondé. Il n’abondait pas à
boire ce qu’on lui servait » Jean Chapelon, Lettre à M. Fr. de Chalus, VeÿStÉtienne ; ca 1750, abonder à l’ouvrage DuPineauV ; 1806, Gonon, RLiR 1962). Ce sémantisme, signalé très tardivement par
la lexicographie générale (Ø Rob 1951 ; ne pas abonder à « région. » Rob 1985 ; TLF signale, dans sa documentation étymol., le sens "suffire" pour la région lyonnaisea), y est encore remarquablement vivant. L’aocc. fournissant la plus large diversification
des sens dès le 12e s. (v. abondar DOM 41a ; Rn ; Lv), on peut faire l’hypothèse d’une origine occitane de ce particularisme
lyonnais et stéphanois.
a Je n’abonde pas à la besogne (Pezard, Romania 73, 521) rectifier dans TLF la référence de la page.
◇◇ bibliographie. FEW 24, 59b, abundare ; VeÿStÉtienne ; DuPineauV [1750] ; GononPouilly, 90 (texte de 1806) ; JaubertCentre
1864 ; GrasForez 1863 « à Lyon » ; PuitspeluLyon 1894 ; VachetLyon 1907 ; LarocheMontceau 1924 ; Mâcon 1926 ; BrunetFranchesse
1937 ; DuraffVaux 1941 ; DornaLyotGaga 1953 ; GononPouilly, 97 « courant en fr. local » ; Vie et Langage 1962, 336 et 391 ; BrunetFrBourbonn 1964 ; GagnonBourbonn 1972 ; RLiR 42 (1978),
155 (Lyon) ; LagardeCérilly 1984 ; GononPoncins 1984 « usuel, tous âges » ; MeunierForez 1984 ; MartinPilat 1989 « usuel » ; DuPineauV « [aujourd’hui] vivant dans toute la région lyonnaise » ; VurpasMichelBeauj 1992 ; FréchetMartVelay 1993 « globalement attesté, usuel à Valprivas » ; VurpasLyonnais 1993 « bien connu » ; LaloyIsère 1995 ; SalmonLyon 1995 (avec exemple de 1944) ; FréchetDrôme 1997 « globalement connu » ; ValMontceau 1997 ; FréchetMartAin 1998 « globalement usuel » ; MichelRoanne 1998 « usuel » ; PlaineEpGaga 1998 « encore utilisé » ; ChambonÉtudes 1999, 174 et 209 ; TLF, § étymol.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance 1. Var 83 % ; Hautes-Alpes 75 % ; Vaucluse 50 % ; Bouches-du-Rhône 40 % ; Alpes-de-Haute-Provence
33 % ; Alpes-Maritimes 36 %. 2. Ain, Loire 100 % ; Haute-Loire 66 % ; Isère 60 % ; Ardèche, Drôme, Rhône, 33 %.
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