les citations
bigos ou bigot n. m.
rural, vieilli
1. Charentes, Allier, Franche-Comté, Loire (Saint-Étienne, Pilat), Isère, Auvergne, Limousin, Languedoc oriental, Pyrénées-Orientales, Dordogne, Lot-et-Garonne, Gironde "houe dont le fer est de formes diverses, à deux (parfois trois ou même quatre) pointes recourbées, utilisée surtout pour le travail de la vigne et l’arrachage des pommes de terre". Synon. région. crochet*.
1.1. Surtout Sud-Ouest bigos. Le « bigos » pour piocher (M. Rouanet, H. Jurquet, Apollonie, 1984, 110).
1. […] Sébastien et l’oncle déterraient au bigos, les pommes de terre, et fermaient le sillon. (M.-A. Laurent, « Plaisir d’automne », Lou Païs 148, 1968, 174 [sic pour la ponctuation].)
2. Dans le cadre que découpe la fenêtre un homme, au loin, travaille sa vigne au bigos, lentement, d’un geste inépuisable. (M. Rouanet, Bréviaire, 1994 [1987], 46.)
3. Marcelle […] partait avec le « bigos », piochait, piochait avec la rage au ventre […]. (G. J. Arnaud, Les Moulins à nuages, 1988, 376.)
4. En quelques années, il avait réussi à faire de ce lieu un paradis terrestre, défonçant au bigos [en note : bêche à deux pointes], transportant tout le fumier qu’il pouvait récupérer, allégeant le sol avec du sable pris à la rivière, bêchant, suant, plantant. Et, au fil des années, il avait accompli un miracle. D’un terrain embroussaillé et sans grande valeur, il avait fait un vrai jardin […]. (J.-L. Magnon, Les Larmes de la vigne, 1996 [1991], 43.)
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
5. Il forgeait des tranches – sorte de houe caractéristique de la région –, des « bigos », autre espèce de houe à deux branches recourbées avec lesquels on arrachait les pommes de terre, des fourches, toutes sortes de fourches. (F. Dupuy, L’Albine, 1978, 228.)
□ En emploi autonymique.
6. Il semble que le bigos soit resté le bigos et l’ayssade [= houe] l’ayssade, mais qui se sert de ces instruments aratoires ? (Y. Rouquette, « Histoires de parler », dans Toulouse, 1991, 143.)
graphie et prononciation. À la graphie bigos correspond habituellement, en Languedoc (sauf dans le Gard), une prononciation [bigɔs].
1.2 bigot. « Bigot » trident (MazaleyratMillevaches 1959, 193). Pour gratter la terre : bêche, bigot (H. Vincenot, La Billebaude, 1978, 196). Bigot sur l’épaule (P. Arnoux, Afin que rien ne se perde, 1984, 13). Rien ne vaut le bigot pour gratter dans la caillasse (LaloyIsère 1995). Un bigot à trois dents (G. Ginoux, Gens de la campagne au Mas des Pialons, 1997, 91).
7. Dans mon enfance, le métayer Louis Bernard était mon ami : il me redisait de si beaux contes tout en travaillant la vigne. […] Il contait, appuyé sur son bigot, moitié courbé, relevant parfois la tête. (Ch. Forot, M. Carlat, Le Feu sous la cendre, t. 2, 1979, 725.)
8. J’aperçus une vieille femme en train de ratisser les taupinières dans un pré, avec un bigot. (M. Jeury, Une odeur d’herbe folle, 1989, 283.)
9. À Issoire et aux environs où les souches sont tenues très basses, on les déchausse après vendanges ou avant la taille avec un piochon ou un bigot […]. (L. Levadoux, « Un tour aux vignes : la vigne, le vigneron, les vignobles du Puy-de-Dôme », Bïza Neira 62, 1989, 33.)
10. On ouvre à la pioche, à la tranche [= houe] ou au bigot, la galerie de la bestiole [taupe] de chaque côté d’une taupinière fraîche et on installe à fond de fouille le mécanisme écarté par une branchette. (A. Aucouturier, La Tourte aux bleuets, 1997, 24.)
11. Armé d’une binette, d’un bigot et d’une bêche, j’ai attaqué pendant des heures la petite parcelle de terre qui m’avait été confiée pour la défricher. (G. Ginoux, Gens de la campagne au Mas des Pialons, 1997, 167.)
12. Le Joseph avait arraché les tubercules à la charrue au lieu du bigot, pour parer au plus pressé. Il n’abondait* pas ! (S. Lavisse-Serre, Les Locatiers de Beauvoir, 1998, 109.)
□ Avec ou dans un commentaire métalinguistique incident. Hoyau bident dit « bigot » (MazaleyratMillevaches 1959, 179).
13. Le travail n’est pas bien compliqué : il consiste à suivre les raies* entre les planches et à piocher la terre avec le « bigaud » [sic], outil à quatre crocs qui brisent la croûte superficielle de la terre. (P. Louty, Léonard, le dernier coupeur de ronces, 1995, 15.)
2. bigot. Côte-d’Or, Isère (Meyrieu, Villeneuve-de-Marc), Dordogne, Lot-et-Garonne, Gironde "fourche dont les dents (le plus souvent au nombre de trois ou quatre) forment un angle droit par rapport au manche de l’outil, surtout utilisée pour la paille ou le fumier". Stand. croc. Synon. région. crochet*. – Avec le bigot on fait tomber le fumier qui est dans le tombereau (MartinPellMeyrieu 1987).
14. […] une fois au champ, on la [la charretée de fumier] décharge en faisant basculer le tombereau […] et en tirant le fumier avec un « bigot » pour achever de le faire tomber (MazaleyratMillevaches 1959, 121.)
15. Puis après avoir « raclé », c’est-à-dire tiré dans la rigole, avec le « bigot », le fumier se trouvant sur le plancher des animaux, il y répandait la paille fraîche. (G. Bayssat, Et l’Auvergnat vint au monde en dansant, 1998, 75.)
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
16. Et quand, à force d’en [la piquette] tirer, il ne voulait plus rien couler du tonneau, avec un bigot, fourche de fer aux dents courbes, on retirait dans des seaux toutes les grappes asséchées qui prennent alors le nom de « raque ». Celle-ci, par une autre opération, allait vous donner quelques bouteilles d’excellente eau-de-vie […]. (M. Scipion, Le Clos du roi, 1980 [1978], 142.)
□ Dans un énoncé définitoire ordinaire.
17. – […] un bigot, c’est une fourche à deux piochons pour tirer la paille ou arracher les pommes’ terre [sic] […]. (A. Aucouturier, La Tourte aux bleuets, 1997, 119.)

remarques. Les définitions des dictionnaires et des glossaires sont souvent vagues et ne donnent pas toujours d’indications sur la destination de l’outil. Pourtant, le bigot destiné aux travaux de la terre (c’était l’un des outils traditionnels du vigneron) possède des dents plus ou moins larges, tandis que le bigot utilisé pour le fumier est souvent plus léger, avec des dents plus fines et un manche plus long : il s’agit de deux outils différents, qui semblent nécessiter chacun une définition (v. par ex. les illustrations de LagardeCérilly 1984, 41). Mais la situation est sans doute parfois moins tranchée, car il arrive que les deux sens soient mêlés (cf. ALJA 284 ‘la pioche à dents’ ou ALMC 901 ‘la houe fourchue’ : « Cet outil est surtout employé pour arracher les pommes de terre, extirper le chiendent, et il sert aussi de croc à fumier »). V. aussi la rem. s.v. crochet.
encyclopédie. V. J.-R. Trochet, « Le “bigot”, un outil, un mot », Ethnologie française 21, 1991, 90-102.
◆◆ commentaire. L’aire de dispersion du mot invite à voir dans ce type lexical un archaïsme qui s’est conservé d’une part de manière sporadique de la Franche-Comté à la Méditerranée et, d’autre part, dans le Sud-Ouest. Attesté dep. le mfr. en Bourgogne (1366, v. TLF), bigot ne semble pas avoir pénétré le français standard, malgré l’absence de marque diatopique dans Rob 1985 et TLF (le mot manque dans GLLF). Quand le sens des textes anciens est décidable, bigot y est synon. de pelle (1474) et/ou désigne un outil servant à nettoyer une étable (même date), tous les deux dans Gdf. D’origine obscure, le terme est bien attesté dans les patois d’oïl et d’oc (FEW ; ALFC 227 ‘croc’, ‘crochet’, ‘bigot’ ; ALJA 256* ‘croc à fumier’ et 284 ‘la pioche à dents’ ; ALP 301 ‘la pioche à dents’ ; ALLOr 726 et 727 ‘houe fourchue’ ; ALLOc 617 ‘houe fourchue’ ; ALMC 910 ‘la houe fourchue’ ; ALAL 1375 ‘houe à dents’).
◇◇ bibliographie. VillaGasc 1802 (1 et 2) ; PyotJura 1838, 396 (1) ; MonnierDoubs 1857 (1) ; MègeClermF 1861 (2) ; GasconDole 1870 bigot (à deux dents) ; BeauquierDoubs 1881 ; FertiaultVerdChal 1896 (2) ; MussetAunSaint 1929 bigot (1) ; MazaleyratMillevaches 1959 (1 et 2) ; PierdonPérigord 1971 bigot (2) ; BridotSioule 1977 (1) ; NouvelAveyr 1978 (1) ; RLiR 42 (1978), 192 bigot (1) ; GagnonBourbonn 1981 ; SabourinAubusson 1983 et 1998 bigot (1) ; DuraffHJura 1986 bigo « vallée de la Bienne » ; MartinPellMeyrieu 1987 bigot (2) ; RobezVincenot 1988 bigot (1) « très vivant » ; MartinPilat 1989 bigot (1) ; BoisgontierAquit 1991 bigos, bigot (1) (2) ; CampsLanguedOr 1991 bigos ou (Gard) bigot « partout, sauf dans les Cévennes » (1) ; CampsRoussillon 1991 bigos (1) ; LangloisSète 1991 bigos ; TavBourg 1991 bigot (2) ; BoisgontierMidiPyr 1992 bigos, bigot (1) (2) ; ChaumardMontcaret 1992 bigo "bêche" ; ColinParlComt 1992 bigo(t) (1) ; CouCévennes 1992 (1) « Le bigot cévenol est encore employé pour les travaux de la terre » ; BlancVilleneuveM 1993 (2) « en évoquant le passé » ; DuchetSFrComt 1993 bigot (1) ; PénardCharentes 1993 bigot (1 et 2) ; PotteAuvThiers 1993 bigot (1) ; LaloyIsère 1995 bigot "pioche à deux dents" ; RobezMorez 1995 bigot (1) ; DromardDoubs 1997 ; SuireBordeaux 2000 bigot (1) ; FEW 1, 310a-b, beccus, transféré à bon droit FEW 22/2, 78-79 ‘pioche, houe’ et 33a.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Corrèze, 90 % ; Haute-Vienne, 85 % ; Dordogne, 75 % ; Creuse, 55 %.