achaler v. tr.
〈Calvados (centre), Orne (ouest et est), Manche, Loire-Atlantique, Sarthe, Maine-et-Loire,
Eure-et-Loir (nord)〉 fam. "fatiguer par des questions, des requêtes, des taquineries, etc. ; gêner par une présence
ou un comportement lassant". Stand. ennuyer, importuner. Synon. région. escagasser*, faire flique*.
1. Ecoute, Pierre, t’es le toisième [sic] depuis pas 5 minutes qu’est à m’achaler avec cette affaire-là ! (H. Bouyer, L’Éclair, 7 janvier 1961, dans BrasseurNantes 1993).
2. Mais vite ça [les gosses] l’achale, elle se met à pester, à crier après. Une fois elle m’en avait attrapé un et vas-y
que je te pince le gras du bras, en tournant. Je ne dis pas, le gamin l’avait traitée
de vieille bique. Mais c’était à moi de le talocher. (H. Bazin, Le Cri de la chouette, 1987 [1972], 74-75.)
3. Moi, je ne juge point les gens, mais je trouve que ces messieurs-là qui vont à la
messe et qui se disent des gens bien, ils doivent rudement achaler le bon Dieu avec leurs orémus : ils auraient un peu plus de cœur pour les malheureux
que ça vaudrait mieux. (J. Boutin, Louis Rougé, le braconnier d’Anjou, 1979, 29.)
4. La jeune fille était lasse de ce jour de fête, comme d’une longue déception. Elle
en rejetait la faute sur son frère :
– Nous a-t-i’ achalées [en note : accablées d’ennui] avec ses disputes !… (H. Revault, Marie Courlavoine, la jument et le poulain, 1980, 67.) 5. Arrivée à la ferme et tandis que le maître dételait, la patronne se hâta vers la cuisine
afin de prévenir la fille, le commis et les enfants que ce soir, moins que jamais,
il ne faudrait se risquer à achaller [sic] le père. (É. Jacqueneaux, L’Histoére du potit gâs Louis et autres diries de la maîtresse d’école, 1993, 87.)a
a La nouvelle dont est extraite cette citation s’intitule : « Monsieur le Ministre (Parlons français) » (85-94) et elle est effectivement écrite en français à la différence des autres qui
le sont en patois sarthois.
6. – Si tu continues à m’achaler [en note : ennuyer], avait prévenu un jour la Maîtresse Besnard, je te confie au Polyte lors
de son prochain passage. Il saura bien te tanner la peau. (J.-Cl. Boulard, Le Charretier de la Ravissante, 1996, 77.)
7. – Elle nous achale tous les jours à venir raconter le même boniment à la bonne Vierge, il va falloir
lui jouer un tour en lui donnant la réplique. (J.-Cl. Boulard, Le Charretier de la Ravissante, 1996, 151.)
8. Ah, et pis arrête de nous « achaler » [en note : fatiguer, agacer, échauffer] avec cette affaire… (Y. Brochet, Le Braco, 1997, 108.)
■ dérivés.
1. 〈Loire-Atlantique, Sarthe, Maine-et-Loire〉 achalant, ‑ante adj. fam. "qui importune, qui lasse par sa présence ou son comportement". Stand. ennuyeux, importun. « Le souffre-douleur [un “mari dominé” par sa femme] avait vu grand. Il avait largement desserré les cordons de la bourse
de son épouse. Les uns et les autres ne pouvaient se retenir de penser : “Peut-être ben qu’elle est achâlante, la p’tite dame, mais elle est pas regardante !” » (Y. Brochet, « Allez, tôpette ! », 1998, 49). – Attesté dans le français de l’Anjou dep. le milieu du 18e s. (Du Pineau), le terme est aussi en usage dans le français d’Amérique du Nord,
au Québec (Clapin 1894 ; v. TLF « Can. » ; TLFQ, vol. de présentation ; DFPlus 1988 ; DQA 1992) et en Louisiane (DaigleCajun
1984) ; DuPineauR 1746-48 ; FEW 2, 83a calere.
2. 〈Maine-et-Loire〉 achalé, ée, adj. fam. "importuné, fatigué par une présence ou un comportement lassant". □ En emploi métalinguistique. « Ennuyé, oui ! C’est un mot qui a gardé chez nous son vieux sens, violent, haineux
(achalé suffit pour le reste) » (H. Bazin, L’Huile sur le feu, 1954, 220).
◆◆ commentaire. Mot du Nord-Ouest et de l’Ouest de la France, dér. sur afr. chaloir "chauffer", achaler a survécu dans divers sens concrets dans le français de l’Ouest au 20e s. (ClouzotNiort 1907-1923 ; BrasseurNantes 1993 achalé "accablé de chaleur" ; PénardCharentes 1993). Son emploi figuré est attesté dep. le milieu du 18e s. dans le français de l’Anjou (« Vous m’achalez par vos contes » Du Pineau). Accueilli dans quelques dictionnaires du 19e s., mais avec des mentions indiquant un usage restreint (ainsi Landais 1834 « vieux terme de province encore usité dans l’ouest, et qui signifie ennuyer »), il est absent des dictionnaires généraux contemporains, sauf de TLF qui le marque
seulement comme « Can. » ; il n’est aujourd’hui usuel en France qu’en Normandie, Haute Bretagne, Maine et
Anjou. Dans ses différents sens, achaler est passé dans le français d’Amérique du Nord où achalé "allumé, embrasé (d’un feu)" est attesté dep. 1746 (« Quand le feu sera bien achalé » PotierHalford, 89 ; v. TLFQ, vol. de présentation ; DaigleCajun 1984 ; DFPlus 1988 ;
DQA 1992 ; CormierAcad 1999).
◇◇ bibliographie. DuPineauR 1746-48 ; VerrOnillAnjou 1908 ; RougéTouraine 1931 ; LepelleyBasseNorm 1989 ;
BrasseurNantes 1993 ; LepelleyNormandie 1993 ; FEW 2, 82b, calere (y rattacher les données égarées ibid., 17, 82b, sous *skala).
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Sarthe, 100 % ; Loire-Atlantique, 40 % ; Maine-et-Loire,
30 % ; Ille-et-Vilaine, 0 %.
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