altata (aussi haltata) adj.
〈Meuse, Meurthe-et-Moselle, Vosges〉 péj. [En parlant d’une personne ou d’un aspect de son attitude] "qui parle beaucoup en se vantant, qui tient des propos irréfléchis (stand. hâbleur), ou dont le comportement manque de mesure (stand. bizarre, fantasque, hurluberlu)". Le curé de Fraimbois était un peu haltata (Les Contes de Fraimbois, trad. par J. Lanher, 1983, n° 18).
1. – […] Il a l’air complètement « haltata » [en note : fou]… […] I’ gesticulait comme jamais… I’ parlait tout seul et […] il a crié des
menaces… (J. Desgênes, La Grange du Hazard, 1949, 133.)
2. – Regardez-moi ça, ce grand altata-là [en note : hâbleur lorrain] ! dit-elle. […] ça pleure comme une gamine ! (J. L’Hôte, Le Mécréant ou les preuves de l’existence de Dieu, 1981, 47.)
3. Elle était un peu haltata [en note : fofolle, m’as-tu-vu] ; elle avait épousé (qui se ressemble s’assemble) un hurluberlu
de Vesoul […]. (J. Chaudron, Autour de la Bessotte. Souvenirs d’un enfant de Lorraine, 1994, 25.)
V. encore s.v. peut, ex. 19.
— Emploi subst.
4. – Tu refuses toujours de t’arrêter à Bordeaux ? lui dit-il.
– Ça dépend ! répondit mon père… Si tu ne nous obliges pas à y rester quinze jours et si tes amis de là-bas ne sont pas des altatas [en note : terme lorrain synonyme de « grande gueule »] ! (J. L’Hôte, La Communale, 1988 [1985], 183.) 5. Des discussions, parfois, secouaient les hommes […] à propos des terres. Les uns voulaient
conserver cultures et élevages en l’état, les autres, surtout lorsqu’ils rentraient
des usines, disaient qu’ils ne pouvaient ni convenir ni suffire aux besoins du moment
[…]. Les uns s’enflammaient, traitaient les autres d’altatas [en note : irresponsables] ou d’insensés de vouloir bouleverser un fonctionnement qui remontait
à la nuit des temps ! (A.-M. Blanc, Pays-Haut, 1988, 29.)
6. L’an 2000 arrive, cela ne changera rien. Il y aura toujours […] des altatas […] ! (G. B., Neuves-Maisons, Meurthe-et-Moselle, dans L’Est républicain, 8 novembre 1999, 115.)
■ graphie et prononciation. La forme haltata [haltata] est la plus courante dans la première moitié du siècle (ainsi dans George Chepfer. Textes et chansons, 1983, 189, 202, 272). On constate aujourd’hui que « les Nancéiens, du moins ceux de la jeune génération et d’âge moyen, abandonnent le
h, naguère très typique de leur français régional » (G. Straka MélHubschmid, 1982, 723).
◆◆ commentaire. Emprunté au patois du département des Vosges où il est attesté au 19e s. (FEW), le mot a pénétré le français dep. le début du 20e siècle (1911 à Remiremont « haltata, étourdi ») ; sa diffusion régionale à plus large échelle reste relativement discrète, comme
l’indiquent les enquêtes DRF. Il n’a pas été pris en compte par les dictionnaires
généraux contemporains (notamment par le TLF, pourtant rédigé à Nancy).
◇◇ bibliographie. RobRemiremont 1911 « haltata étourdi » ; RoquesNancy 1979 altata, avec un sens divergent ("qui s’écoute, mollasson, dolent") qu’équilibre l’indication suivante : « Plusieurs personnes nous ont indiqué pour ce mot le sens de "benêt, personne à la tête folle" » ; Straka MélHubschmid 1982, 715-729, analyse le mot en deux éléments : hal- (comme le fait FEW 16, 133a, *halon) et ‑tata (qu’il rattache à FEW 13/1, 127b, tat-) ; StrakaProbl 1983, 43 et 52 (carte n° 3) ; LanherLitLorr 1989 haltata "tout fou ; évaporé ; excité" ; LanherLitLorr 1990 haltata "id." ; MichelNancy 1994 haltata "personne excitée, un peu folle" ; FEW 16, 132b et 752b, *halon (et 22/1, 2b ‘étourdi’)a.
a Cette dernière référence, que citent Straka art. cit. et BaldEtym 2, § 2008 sans l’exploiter, indique : « Tulle altatas “en l’air, évaporé” M » ; la source de FEW est Mistral, qui cite l’abbé Joseph Roux, né et mort à Tulle,
1834-1905. Dans la graphie de Roux, ‑s n'est en principe pas prononcé ; il a probablement graphié ‑as d’après le suffixe péjoratif -as < -aceu (cf. Ronjat, § 678). On a donc ici la première attestation du mot, mais son isolement
géographique laisse perplexe : emprunt (par quelles voies) à une source vosgienne ?
indice d’une source commune remontant au 19e siècle ? innovation du parler de Tulle, totalement indépendante de l’enracinement
vosgien ? Le Lexique limousin (Lengua d’aur) de J. Roux (A.D. Corrèze, 10 F 20) ne comporte aucun article altata et le mot est absent des sources limousines contemporaines (comm. de Mme Hélène Say,
directrice des archives, qui ajoute « Lorraine d’origine, je ne connais l’usage de ce terme que dans ma propre famille et
n’en ai jamais constaté l’usage en Limousin depuis douze ans que j’y suis », courrier du 19 octobre 2000) ; il ne figure pas davantage dans R. Laborde, Lexique limousin d’après les œuvres de Joseph Roux, Brive, 1895-1897.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Vosges, 70 % ; Meurthe-et-Moselle, 60 % ; Meuse, 50 % ;
Moselle, 0 %.
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