peut, peute adj. et n.
〈Surtout Côte-d’Or, Saône-et-Loire (nord), Haute-Marne, Lorraine, Franche-Comté〉 fam., vieillissant.
1. Adj.
1.1. [En parlant d’une personne]
— "qui offre un aspect physique jugé disgracieux". Stand. laid, vilain, (fam.) moche. – Une peute fille.
1. La veuve crève de jalousie. Elle a beau se teindre et se crêper les cheveux à l’exemple
de Carmen Bache, d’un commun accord, on reconnaît qu’elle est trop « peute » [en note : vilaine] pour se dénicher un coquin. (D. Sidot, 12, rue de la Roulotte, 1981, 237.)
2. « Non Cloclo !… T’as pas connu le père Chacha de Leintrey. […] C’était un vieux garçon,
un peut [en note : vilain homme] matamaure [sic], sec, noueux, cagneux, bancal comme un cep de vigne […]. » (Revue lorraine populaire, n° 68, 1986, 60.)
3. « On s’embrasse » / Elle poussa un petit Oh ! d’étonnement puis, très grave : « Vous ne voudriez tout de même pas ! Pendant la Semaine sainte ! » puis en riant : « Et surtout pas un Parisien avec tout ce poil-là. Vous êtes trop peût [en note : vilain] ! » (H. Vincenot, Le Maître des abeilles. Chronique de Montfranc-le-Haut, 1992 [1987], 59.)
4. […] elle criait à son tour, sur un ton plus grave : / Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! la môme
Ginette / qu’est folle, qu’est « peute » [en note : laide], qu’est bête, / qui pue, qui pète, / qui sent les poires blettes ! (R. Vuillemin,
La Chasse aux doryphores, 1989, 100.)
□ En emploi métalinguistique.
5. Pour affirmer son aversion pour la figure d’un nourrisson mal venu, ma grand-mère
[originaire de Saint-Dié (Vosges)] disait : « Oh ! le peut’ offant ! » Vilain, hideux, affreux, ne traduiraient pas ce qu’il y a dans peut’ de laideur triviale. (P. Gaxotte, Mon village et moi, 1968, 120.)
● Emploi subst.
6. Il y avait aussi des gens dont on devait se méfier. Des personnes âgées ou contrefaites,
des « peutes » (laides), des femmes aux yeux verts, des solitaires. (A. Besson, Une fille de la forêt, 1996 [1987], 172.)
7. Les fillettes avaient suivi ; le petit Jean rampant dans l’allée de l’écurie* se trouvait là aussi.
– Le peut ! […] le voilà tout mâchuré* de fumier […]. (M.-Th. Boiteux, Les Renards cuisent au four, 1990, 65.) V. encore ici ex. 14.
— "désagréable, vilain, malfaisant, antipathique". Voir s.v. mâchurer, ex. 5.
● Emploi subst.
8. – |…] si ta conscience n’ te reprochait rien, tu n’ te sentirais pas obligée d’être
fourrée à l’église du matin au soir ! […] Mais l’ jour où que l’bon Dieu a distribué
les consciences y t’a oubliée, sacrée vieille « peute » ! (R. Vuillemin, La Chasse aux doryphores, 1989, 151-152.)
9. Je suis restée mais j’ai souvent eu envie de partir. Ce sont deux vieux peuts. Ils ne sont pas faciles à vivre. (Femme, 60 ans, originaire du Doubs, parlant de
son mari et de son beau-frère, Pesmes [Haute-Saône], septembre 1998.)
● (le) peut homme loc. nom. m. peu usuel "personnage imaginaire dont l’évocation est destinée à faire peur aux jeunes enfants". Stand. croquemitaine. – Des histoires de peuthommes [en note : monstres] (Fr. Martin, Le Temps des vacances, 1990, 31). Un puits où les adultes situaient le repaire du peut-homme (J. Réda, Aller aux mirabelles, 1991, 116). Si tu n’es pas sage, le peut’homme va venir te prendre (MichelNancy 1994, 93).
10. […] ce fameux loup qui, avec le Peut’Homme, a tenu tant de place dans nos légendes paysannes et servit, bien abusivement, à assagir
les turbulents de mon espèce quitte, ensuite, à tourmenter leur sommeil des plus terrifiants
cauchemars. (R. Collin, Les Bassignots, 1969, 109.)
11. Lorsque l’heure était venue d’aller dormir, les enfants recevaient d’abord la visite
du marchand de sable : il devait leur jeter du sable dans les yeux s’ils ne s’endormaient
pas rapidement. Après quoi, on les menaçait du peut om, du méchant homme. (BarreyBreuchin 1978, 82.)
12. Croquemitaine, loup garou ou peuthomme, elle [une vieille chiffonnière] traversait la vie en sorcière ; « mange ta soupe ou j’appelle la mère peau de lapin ! » entendait-on dans les chaumières. (MartinLorr 1995, 120.)
13. On est de moins en moins superstitieux à notre époque et les habitants des villages
ne se souviennent guère des peurs ancestrales. Tout au plus évoque-t-on la peur de la pie la nuit, à Crion, Crévic. […] la peur
du peut homme [en note : laid, qui épouvante] et du rouge bonnet [en note : personnage imaginaire dont on menaçait les enfants pour qu’ils ne tombent pas à
l’eau] pour les enfants (Drouville). (La Mémoire de la terre au Pays du Sânon, 1996, 272.)
1.2. [En parlant d’un animal]
— 〈Lorraine, Franche-Comté〉 à peute chatte, beau(x) minon(s) proverbe "une femme laide a souvent de beaux enfants".
14. Oh, comme elle est gaupée [= mal habillée] ! Quelle peute ! […] / Mais y z’ont un
beau gosse, […] à peute chatte, beau minon, hein ! (L. Semonin, La Madeleine Proust en forme, 1984, 40.)
— peute bête loc. nom. f. "animal nuisible". Stand. sale bête. – Je n’aime pas les araignées… C’est des peutes bêtes (DromardDoubs 1991).
15. Nos gens unissent dans la même répulsion tout ce qui rampe ou fait semblant. Ils traitent
donc de peutes bêtes les couleuvres et les orvets, les lézards gris […], les lézards verts […], les salamandres
[…] et les courtilières […]. Pauvres créatures ! il vaut mieux pour elles ne pas vous
rencontrer. (J. Cressot, Le Pain au lièvre, 1977 [1943], 186.)
16. Alors, de fureur [contre des sangliers dévastateurs], la nuit suivante, il décroche
le fusil, il va se placer dans un creux de vieux chêne où il attendra l’arrivée des
peutes bêtes. (H. Vincenot, La Billebaude, 1978, 194.)
● Au fig. 〈Lorraine, Doubs〉 "personne malfaisante". Stand. fam. sale bête, pop. salaud. – Sa belle-mère, une peute bête jamais contente (M.-Th. Boiteux, Les Renards cuisent au four, 1990, 18).
17. Nous sommes en Lorraine, en Moselle, au pays de Sarrebourg pour être précis, dans
la décennie des nonantes du siècle dernier, dans une période douloureuse pour la terre
de France, et où, de peûtes bêtes, venus [sic] d’Outre Rhin, se croyaient bien chez elles. (Revue lorraine populaire, n° 63, avril 1985, 146.)
18. – Le pauvre Joseph […]. Sa bru est une vraie peute bête, elle lui en fait, faut voir ! (M.-Th. Boiteux, Les Renards cuisent au four, 1990, 100.)
● Comme terme d’adresse
19. – […] Ivrogne ! Peuthe [sic] bête ! T’es bien comme ton père, aussi haltata* que lui ! (Gérard Cade, Le Lièvre, 1980, dans En Lorraine au coin du feu. Contes et Nouvelles du Prix Moselly, 1983, 135.)
● Emploi adj. "vilain, méchant" (RoquesNancy 1979).
1.3. [En parlant d’un inanimé]
— "qui n’est pas agréable à regarder". Stand. laid, fam. moche.
20. – […] Raconte un peu, est-ce que c’est vraiment si beau que ça l’Espagne ? […] je
ne suis pas allé là-bas. J’aimerais savoir…
– Ben, c’est comme partout, hein ! Il y a des choses belles et il y a des choses peutes [en note : laides]. Par exemple le bord de mer c’est merveilleux et la sierra c’est affreux […]. (R. Vuillemin, Les Chroniques du « Chat bleu », 1975, 119-120.) — "qui est source d’ennuis, de désagréments ; mauvais, funeste". Un pe [sic] commerce (GarneretLantenne 1959, 135) ; une peute maladie (TamineChampagne 1993)
21. – Allez les enfants […] ! Venez avec moi ! Il va passer un peût quart d’heure ! (H. Vincenot, La Billebaude, 1978, 238.)
— "qui est de mauvaise qualité, de mauvaise venue".
22. – […] comme tous les ans, y en a [des pommes de terre] pour à peu près tout le monde.
Les petites pour la semence*, les peutes [en note : vilaines] pour que le cochon devienne beau. (S. Sagard, Tip-tap, 1998, 36.)
● En interj. Peut ! Peut ! Peut ! (Réaction d’une joueuse de rami, Lorraine de 84 ans, devant un mauvais jeu, août
1997).
2. 〈Doubs〉 par euphém., fam. Emploi subst. m. pl., "règles, menstrues".
23. […] à l’école, les grands garçons se moquaient des filles qui avaient leurs peûts […]. (M.-Th. Boiteux, Le Secret de Louise, 1996, 186.)
■ graphie et prononciation. Les graphies occasionnelles pe (GarneretLantenne 1959 ; BichetRougemont 1979) ou peût (ainsi ex. 3, 17, 21, 23) indiquent des variantes de prononciation.
◆◆ commentaire. Variante de afr. et mfr. put "mauvais, méchant" (Chanson de Roland, v. FEW), avec extension sémantique "laid", attesté en français dep. 1775 en Lorraine (« Peut & Peute, sont deux mots dont le peuple de Lorraine se sert fort souvent au lieu de laid & laide. […] Le mot peut pris en ce sens, n’est point françois » Dubois) ; en 1840 à Bourges (FEW) et en 1864 dans le Centre (Jaubert), mais déjà
documenté dans un noël en patois bourguignon ca 1700 (FEW), peut est circonscrit au grand Est : Bourgogne (CunissetDijon 1889 ; FertiaultVerdChal
1896 ; LarocheMontceau 1924 peu, peute ; MarMontceau ca 1950 ; RobezVincenot 1988 « très vivant » ; TavBourg 1991 « assez vivant en Côte-d’Or, dans le nord de la Saône-et-Loire et en Bresse. Au Creusot,
signalé comme vieillissant. Inconnu en Charolais » ; ValMontceau 1997 « peu usité sauf dans vilaine peute ! et biau commencement, peute fin »), en Champagne (MulsonLangres 1822 ; CrouvChampagne 1975 put, peute "vilain, déplaisant, malodorant" « ne pas prononcer le ‑t » ; RéginVallage 1992 ; TamineChampagne 1993 « Haute-Marne »), en Lorraine (DuboisLorr 1775 ; MichelLorr 1807 ; PutonRemiremont 1901 "laid" ; RobRemiremont 1911 ; RoquesNancy 1979 « uniquement dans peute bête en parlant d’une personne "vilain, méchant" » ; TuaillonRézRégion 1983 ; LanherLitLorr 1990 « partout » ; MartinVosges 1993 ; MichelNancy 1994 ; MartinLorr 1995 ; LesigneBassignyVôge 1999)
et surtout en Franche-Comté, dep. 1753 (BrunFrComté ; MonnierJura 1824 « commun, trivial » ; GasconDole 1870 ; ContejeanMontbéliard 1876 ; CorbisBelfort 1879 ; BeauquierDoubs
1881, qui cite notamment le proverbe peute chatte, beaux minons ; VautherinChâtenois 1896 ; CollinetPontarlier 1925 ; BoillotGrCombe 1929 pœ s.v. rà ; DoillonComtois [1926-1936] ; FleischJonvelle 1951 ; GarneretLantenne 1959 ; GrandMignovillard
1977 ; BichetRougemont 1979 pe ; DondaineMadProust 1991 ; DromardDoubs 1991 et 1997 ; TrouttetHDoubs 1991 ; ColinParlComt
1992 ; DuchetSFrComt 1993 ; RobezMorez 1995 « connu partout des personnes âgées » ; JacquotChampagney 1998), à quoi on ajoutera la Suisse romande, où le terme est
souvent présent sous la forme pouet (DSR 1997, avec bibliographie). Le terme n’est pas pris en compte par la lexicographie
générale (sauf TLF s.v. pute, avec la marque « région., Lorraine et Est de la France » et trois exemples d’auteurs lorrains) ; il a été relevé dans les patois de l’Est
(ALF 743 ; ALB 1363, ALFC 1198*). La lexie peut homme, enregistrée pour la Bourgogne (TavBourg 1991), la Champagne (RéginVallage 1992) et
la Lorraine (LanherLitLorr 1990 ; MartinVosges 1993 ; MichelNancy 1994 ; MartinLorr
1995 ; LesigneBassignyVôge 1999), est absente des relevés de régionalismes comtois ;
elle a été relevée en Suisse romande (Pierreh) .
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Franche-Comté 80 % ; Lorraine, 75 % ; Bourgogne, 0 %.
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