appondre ou apondre v. tr.
1. [Avec ou sans compl. d’obj. second]
1.1. 〈Doubs, Jura, Haute-Savoie, Savoie, Ain, Rhône, Loire, Isère, Hautes-Alpes (centre),
Ardèche (nord)〉 "mettre bout à bout, mettre ensemble deux choses en les attachant par leur extrémité". Stand. réunir, ajouter. Synon. région. apponser*, rappondre*. – Il a acheté une remorque pour l’appondre derrière son auto (R. Dromard, Comtoiseries, 1999, 13).
1. C’était la guerre, ils [les lacets] étaient rares, ils étaient chers. Pour nous empêcher
de les gaspiller, notre mère nous donna une paire de lacets par mois. […] / Brusquement,
nous avons su prendre le temps d’enlever les nœuds de nos lacets. Auparavant, nous
utilisions ciseaux et couteaux pour couper. Ils [les lacets] se mirent à faire abonde*. Nous rivalisions de patience pour appondre les morceaux restants, lorsque, malgré tout, nous étions obligés de couper. (M.-J. Faure-Bouteille,
Le Pépé au grenier, 1985, 26.)
2. Le Tintin : Quelle herse est-ce qu’on prend ?
Le Milo : On les prend les deux […] ; tu apondras la canadienne derrière la voiture […]. (P. Jeune, « La Félicie cause au Milo », Barbizier. Bulletin de liaison de Folklore comtois, n° 19, n.s., octobre 1992, 273.) — Emploi pronom. "se mettre bout à bout (en parlant de choses) ; se réunir (en parlant de personnes)". S’appondre pour faire une ronde (RobezMorez 1995).
1.2. Emploi intr. 〈Jura〉 "mettre son grain de sel dans une conversation ; chercher à avoir le dernier mot, répliquer". Il faut toujours qu’il aponde (GrandMignovillard 1977).
— Dicton qui répond, apond "les réponses risquent d’éterniser une discussion" (cf. DuraffHJura 1986).
2. 〈Franche-Comté, Ain, Rhône, Loire (sud)〉 "parvenir à toucher, parvenir au niveau de". Stand. atteindre, arriver. – La petite a tellement grandi que sa robe n’appond plus le genou (VurpasMichelBeauj 1992).
3. Le Paul : Viens voir* Julot, toi que tu es grand, tu me feras la courte échelle, je ne peux pas apondre pour mettre les mottes sur le toit. (P. Jeune, « La Félicie cause au Milo », Barbizier. Bulletin de liaison de Folklore comtois, n° 19, n.s., octobre 1992, 245.)
◆◆ commentaire. Tous sens confondus, fr. apondre semble nettement régionalisé dep. le 14e s. (les exemples antérieurs dessinant une aire plus vaste) : GirRoussb (texte bourguignon,
ca 1334 ; Gdf) ; Michault 1466 (dont le vocabulaire a des accointances avec l’est de
la Galloromania ; Gdf) ; Du Pinet (auteur Franc-Comtois ; Gdf et Huguet) ; René de
Lucinge, né à Chambéry [Savoie]a (Dialogue du François et du Savoysien (1593), éd. A. Dufour, Paris, 1961, 17 "joindre" et 103 "ajouter") ; attestations en Suisse romande dep. 1408 (GPSR). Les exemples écrits en français
de France sont rares, anciens ou extraits de textes volontairement régionalistes,
contrairement à ceux qu’on peut recueillir en Suisse romande ; plus ou moins fortement
restreint à l’usage oral, le mot relève du registre familier et il n’apparaît pas
dans la lexicographie générale contemporaine, sauf dans Lar 2000 (« région. (Savoie) ; Suisse »). Pour l’usage suisse romand, v. DSR 1997 (avec bibliographie).
a V. Volker Mecking, dans Z 116 (2000), 803.
◇◇ bibliographie. MolardLyon 1803 ; RollandLyon 1813 ; MonnierDoubs 1859 ; BeauquierDoubs 1881 ; OffnerGrenoble
1894 ; PuitspeluLyon 1894 ; GuilleLouhans 1894-1902 ; FertiaultVerdChal 1896 ; Mâcon
1903-1926 ; CarrezHJura 1906 "répliquer" ; VachetLyon 1907 ; LarocheMontceau 1924 ; CollinetPontarlier 1925 ; PrajouxRoanne
1934 ; MiègeLyon 1937 ; BaronRiveGier 1939 ; DuraffVaux 1941 ; DuprazSaxel 1975, 9 ;
RLiR 42 (1978), 156 (Lyon, Isère) ; BichetRougemont 1979 ; ManteIseron 1980 ; MalapRég
1981, 137 ; ArmanetVienne 1984 ; DuraffHJura 1986 « régionalisme inconscient » ; GuichSavoy 1986 ; MartinPellMeyrieu 1987 ; MartinPilat 1989 ; DucMure 1990 ; DromardDoubs
1991 et 1997 ; TrouttetHDoubs 1991 ; FréchetMartHelv 1991 ; ColinParlComt 1992 ; VurpasMichelBeauj
1992 ; BlancVilleneuveM 1993 ; ValThônes 1993 c’est tout apondu ; VurpasLyonnais 1993 ; FréchetAnnonay 1995 ; LaloyIsère 1995 ; RobezMorez 1995 « extrêmement vivant » ; SalmonLyon 1995 ; GermiChampsaur 1996 ; FréchetMartAin 1998 « globalement attesté » ; LengertAmiel qui répond appond (1879) ; ChambonÉtudes 1999, 210 ; FEW 25, 43b-46a, apponere.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Savoie et Haute-Savoie, 75 % ; Ain, Ardèche, 50 % ; Rhône,
30 % ; Isère, Loire, 20 % ; Drôme, Haute-Loire, 0 %.
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