aricandier, arcandier n. m.
fam., souvent péj.
I. aricandier 〈Yvelines, Seine-et-Marne, Eure-et-Loir, Loir-et-Cher, Loiret, Yonne, Aube, Marne〉 "petit cultivateur ; travailleur occasionnel (par manque de travail ou par manque d’attachement
au travail)".
1. Sur ce point de la tradition, comment omettre le Jour de l’An ? […] Les pauvres, les
gagne-petit de la bourgade – pas les mendiants, non, les aricandiers, les tâcherons, les ramasseurs de champignons – ils venaient tous, ils sonnaient tous,
ils « la souhaitaient bonne et heureuse ». (M. Genevoix, Au cadran de mon clocher, 1997 [1960], 17.)
2. […] des « aricandiers » de Sologne qui bûchaient l’hiver chez eux et moissonnaient l’été en Beauce […]. (G. Boutet,
Les Gagne-misère, 1986, t. 2, 101.)
□ En emploi métalinguistique.
3. Le cultivateur qui loue à bail une très grosse exploitation ou celui qui possède et
fait valoir une ferme importante sont de gros personnages. Viennent ensuite ceux qui
exploitent leur propriété en famille ou avec un ou deux domestiques et deux ou trois
chevaux : ce sont les « bricoïers » (Brie) ou « Aricandiers » (Beauce). (P.-L. Menon, R. Lecotté, Au village de France, 1954, t. 1, 20.)
II. arcandier 〈Cher, Allier, Nièvre, Saône-et-Loire (Montceau, vx), Rhône (nord), Puy-de-Dôme, Creuse, Corrèze〉 "bon à rien ; mauvais sujet". Stand. fripouille, vaurien.
4. C’est en eau-de-vie qu’elle avait, deux hivers plus tôt, payé le maçon qui était venu
rafistoler son toit. Autrement, ou bien cet arcandier de Mourillat ne se serait pas dérangé, ou bien il se serait fait verser la valeur
d’une couverture neuve. (J. Anglade, Une Pomme oubliée, 1969, 174.)
5. […] si on se sépare des Corses, y va être la révolution là-bas, quand on va leur renvoyer
tous leurs gendarmes et tous leurs douaniers, y va empêcher de travailler tranquilles
tous leurs contrebandiers ou arcandiers [au glossaire : brigands] que [sic] font la richesse du pays ! (M. Mazoyer, Les Aventures du Toine Goubard, 1982, 107.)
6. – […] En plus, ces pèlerins-là [des touristes] ont si soif qu’on trouve plus une place
dans les bistrots et que les arcandiers du coin vous font payer un canon au prix d’une chopine. (M. Mazoyer, Les Vacances des berthes, 1985, 22.)
7. – Le Naude dit que c’est un arcandier qui a traîné on sait où, qu’a même été bagnard aux îles… (G. Rey, La Montagne aux sabots, 1994, 133.)
8. […] des VIP […] qui sont d’ailleurs plus souvent des arcandiers que du brave* monde. (A. Aucouturier, La Tourte aux bleuets, 1997, 62.)
9. Et Marcel ? Où qu’il est cet arcandier ? Zette, z’avez pas vu Marcel ? (J.-F. Nouet, « Un repas ouvrier chez madame Lafont », La Montagne, 1er mars 1997, 7.)
— Comme terme d’adresse.
10. – C’est ça ! Volez le monde, et ensuite insultez-le ! Vieille arcandière ! (J. Anglade, Un front de marbre, 1970, 160.)
11. – Les journaux sont des menteurs, que la charpente du ciel leur tombe sur la tête !
Et à vous pareillement, bougres d’arcandiers de profession ! (J. Anglade, Les Ventres jaunes, 1981 [1979], 142-143.)
12. Espèce d’arcandier était dit à l’ouvrier incapable de fournir un bon travail, au marchand livrant une
qualité inférieure, au journalier qui promet et ne vient pas pour un travail pressant.
(J. Bridot, Voyage au pays de nos pères, 1980, 14.)
13. Le chef était là, très agité, débraillé et gueulard. / « […] Bande de corniauds ! Bande d’arcandiers ! Si c’est pas malheureux de se mettre dans des états pareils ! […]. » (H. Vincenot, Mémoires d’un enfant du rail, 1981 [1980], 327.)
14. – Tu ne voudrais pas le pouvoir de l’ancien Matagot ? Il n’avait qu’à dire « Quin bin ! » pour que les gens soient raides comme des statues […].
– Et pendant qu’ils seraient raides comme des piquets, tu leur ferais les poches ! Arcandier ! (G. Rey, Le Sac à musique, 1997, 164.) — Emploi adj.
15. Encore plus arcandier et faux jeton qu’il ne s’en serait cru capable, Duchier prend Sigoneau dans ses bras
[…]. (A. Aucouturier, La Tourte aux bleuets, 1997, 12.)
□ Dans un énoncé définitoire ordinaire.
16. Ces « Arcandiers » (dans le langage du centre de la France et des Pays de la Loire, ce mot[,] quotidiennement
utilisé, signifie en gros « sympathiques incapables ») sont de drôles de numéros ! A mi-chemin des Dalton et des Pieds Nickelés, ces paumés
un peu exclus de notre société tentent de se trouver une identité, un statut. (Critique
du film de Manuel Sanchez, Les Arcandiers (1991), dans L’Est Républicain, éd. Belfort, 29 novembre 1991, 260.)
■ morphologie. Le féminin (v. ici ex. 10) semble rare.
◆◆ commentaire.
I. Attesté seulement dep. 1861 dans le français du Perche (« haricotier ou haricandier, petit marchand voiturier, qui gagne péniblement sa vie » VallerancePerche), ce dérivé sur fr. (h)aricander "faire de mauvaise besogne ; travailler comme petit cultivateur", lui-même dérivé, par changement de suffixe sur fr. haricoter "id." (tous les deux dans FEW), est surtout caractéristique d’une aire située au sud du
Bassin Parisien, du Perche à la Marne et à la Côte-d’Or, en passant par la Sologne
(FEW). Absent de la lexicographie générale contemporaine, il n’est signalé dans les
relevés régionaux de la fin du 20e s. que par TamineChampagne 1993 (aricandier, haricandier « connotation nettement péjorative »).
II. Du précédent, par chute du ‑i- en syllabe non accentuée, arcandier s’est surtout développé dans une aire plus méridionale : dep. ca 1852 dans l’Allier ("aventurier, mauvais sujet" Conny), 1863 dans la Loire (Gras) ; c’est à Lyon, en 1928, que arcandier a été repéré comme terme d’argot du milieu, au sens de "voleur qui frustre son complice" (EsnaultArg 1965). Le mot est absent de la lexicographie générale contemporaine.
◇◇ bibliographie. (I.) BourquelotProvins 1868 haricandier ; BaguenaultOrl 1894 aricandier ; MaugBagneuxHSeine 1936 « haricander [v. intr.] et haricandier sont très employés parmi la population agricole de la banlieue de Paris […]. Toutefois,
nos lexicographes le passent sous silence » ; ALCB 246 ‘petit cultivateur’ ; ALB 267 ‘petit cultivateur (et mauvais ouvrier)’ ; ALIFOms (Yvelines, pt 14 ; Eure-et-Loir, pts 24, 25, 29, 30, 40, 47 ; Loiret pts
41, 42, 45). – (II.) ConnyBourbR 1852 ; GrasForez 1863 arcandier, ‑ière "pillard, voleur" ; PrajouxRoanne 1934 ; BigayThiers 1941 ; JouhandeauGuéret 1955, 176 « Insulte à demi sévère qui s’accompagnait souvent de l’épithète bel : “Bel arcandier” ne s’adressait à quelqu’un que pour lui reprocher une aventure un peu téméraire » ; BecquevortArconsat 1981 s.v. orcandièi ; JaffeuxMoissat 1987, 2 arcandier, ère ; RobezVincenot 1988 ; MartinPilat 1989 « très peu vivant » ; TavBourg 1991 ; VurpasMichelBeauj 1992 ; DubuissBonBerryB 1993 ; PotteAuvThiers
1993 ; ValMontceau 1997 « le mot n’est plus vivant » ; ChambonÉtudes 1999, 173-174 ; FEW 16, 166a et 754a, *hariôn ; cf. ALCe 900 pt 25 ‘lambin’ et 1013 pt 30 ‘colporteur’ et ALIFOms (Loiret, pt 66 et Loir-et-Cher ‘petit cultivateur ; mauvais ouvrier ; bon à rien’.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
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