brave adj.
〈Allier, Savoie, Loire, Isère, Hautes-Alpes, Drôme, Provence, Languedoc, Ardèche, Haute-Loire,
Cantal, Puy-de-Dôme, Limousin〉 très usuel, fam. ou pop.
1. Employé surtout comme attribut "complaisant, bon, aimable, gentil". Souvent dans le syntagme bien brave.
— [En parlant d’une personne ou d’un groupe de personnes] Un brave ami (Y. Audouard, Le Dernier des Camarguais, 1971, 125).
1. Ma mère m’a raconté que j’étais un bébé « bien brave » (P. Guth, Mémoires d’un naïf, 1953, 20.)
2. Le patron chez qui j’étais […] faisait ce qu’il pouvait pour me garder. Moi aussi
je ne voulais pas m’en aller parce qu’ils étaient tous braves. ([L. Fénix], Histoire passionnante de la vie d’un petit ramoneur savoyard, 1978 [av. 1958], 39.)
3. – Combien faut-il d’argent […] ?
Ugolin hésita […] et finit par dire : – Quinze mille francs. Le Papet* repoussa son feutre en arrière, se gratta le front, secoua la tête, fouetta le mulet qui s’endormait, et finit par dire : – Je te les donnerai. – Papet, tu es trop brave. (M. Pagnol, Jean de Florette, 1995 [1963], 675.) 4. – Vous êtes bien braves, dit-il, il ne fallait pas vous déranger pour moi. (Y. Audouard, Le Dernier des Camarguais, 1971, 37.)
5. « Il est brave », pensa spontanément Stéphanette, « il porte la bonté sur la figure […]. » (N. Ciravégna, Le Pavé d’amour, 1975, 152.)
6. Mon voisin […], brave comme pas un, a mis une de ses biques à ma disposition. (M. Scipion, L’Arbre du mensonge, 1980, 110.)
7. On disait de moi : « Malvina, elle est brave mais un peu simple. Elle fera pas grand-chose dans la vie […]. » (M. Peyramaure, L’Orange de Noël, 1996 [1982], 52.)
8. Je suis bien tombé, c’est un brave village. Comme les autres ? Je ne crois pas, les gens sont spécialement gentils,
chez nous. (Cl. Courchay, Chronique d’un été, 1990, 52.)
9. Il semblait pourtant bien sérieux, Monsieur l’Instituteur qui s’occupait des grands
et bien brave, sa femme qui avait entraîné Jeantou dans la classe des petits. (M. Exbrayat, Maria de Queyrières, 1990, t. 1, 84.)
10. Mon père, il était brave peuchère*. Il aurait pas fait de mal à une mouche. (R. Bouvier, Tresse d’aïet, ma mère, 1997 [av. 1992], 33.)
11. […] ce chagrin fut de courte durée. Et Pierre Lapeyre, son nouveau maître d’apprentissage,
était si brave. Alors, la vie reprit son cours… (P. Louty, Léonard, le dernier coupeur de ronces, 1995, 67.)
12. D’abord méfiante, la marchande de journaux l’a pris en sympathie. / Nanan chuchote :
– Dès qu’un homme n’a pas de gants et un chapeau, pour elle il a un drôle de genre, mais elle est brave. (G. Rey, Le Sac à musique, 1997, 237.) V. encore s.v. arapède, ex. 11 ; aricandier, ex. 8 ; couillon, ex. 5 ; gros, ex. 4 et 8 ; niston, ex. 9 ; pitchoun, ex. 1 ; service, ex. 4 ; tavan, ex. 4 ; testard, ex. 2.
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
13. […] une femme qui ne passait pas pour particulièrement brave, comme on dit chez nous des bonnes gens, mais, au contraire, pour une chipie. (J. Cazalbou,
La Porte du Casteras, 1969, 77.)
14. Eric marche de long en large. Il a beau être « bien brave », comme on dit ici, il m’agace. Cet âge ne connaît d’autre remède à l’action que le
mouvement gratuit. (Cl. Bourgendre, Le Tablier de sapeur, 1979, 161.)
● Par méton. du subst.
15. – Ouf ! fit-elle. Tant pis pour le secret ! Ça m’étouffait ! Il fallait que je me
décharge la conscience devant quelqu’un. Tant vaut que ce soit vous qui avez l’air
si brave ! (P. Magnan, Les Courriers de la mort, 1986, 225.)
■ remarques. Cet emploi, notamment dans le syntagme bien brave peut avoir une connotation péjorative comme dans l’ex. suivant : « Le gendre à Catherine, il est bien brave mais il casserait pas trois pattes à un canard » (LaloyIsère 1995) ; v. encore s.v. fin1, ex. 7.
— [En parlant d’un animal] Vous avez un chien bien brave (SéguyToulouse 1950).
16. Caraques*, vous êtes voués aux charretons, aux « braves » ânes, aux brouettes brinquebalantes, aux amendes, aux espadrilles, à l’humaine réprobation.
(M. Mauron, Le Quartier Mortisson, 1951, 15.)
17. Un peu plus tard, un petit chien sauta des genoux de sa maîtresse et se précipita
vers Destoussi en remuant la queue.
– Té* ! Il est un peu [= bien] brave celui-là ! murmura Destoussi en le caressant. (M. Courbu, Les Chapacans, 1994, 87.) 2. 〈Savoie, Loire, Hautes-Alpes, Drôme, Provence, Languedoc, Ardèche, Haute-Loire (Velay)〉 Employé comme épithète "important, considérable". Stand. fam. fameux, sacré.
— [En parlant d’un inanimé concret] Un brave coup de vin (SéguyToulouse 1950) ; un brave moment (M. Lebrun, Autoroute, 1993 [1977], 40 ; Cl. Courchay, Un ami de passage, 1985 [1983], 21 ; Cl. Frédéric, On piègera la sauvagine, 1984, 43 ; RoubaudMars 1998, 81) ; un brave vacarme (Cl. Frédéric, On piègera la sauvagine, 1984, 7) ; un brave paquet de linge à laver (GermiChampsaur 1996) ; un brave pastis [= bagarre] (P. Cauvin, Rue des Bons-Enfants, 1990, 123) ; un brave vent (P. Magnan, Le Mystère de Séraphin Monge, 1990, 20).
18. Je me suis dépêchée [de faire la lessive], mais j’en avais un brave faix ! (M. Bernard, Pareils à des enfants, 1994 [1941], 20.)
19. – […] Si tu buvais de l’eau froide, tu attraperais de braves coliques. (P. Roux, Le Caganis, 1983 [1978], 79.)
V. encore s.v. bouffe, ex. 2.
— [En parlant d’un inanimé abstrait] Un brave toupet (M. Pagnol, Jean de Florette, 1995 [1963], 679) ; un brave mauvais sang (P. Roux, Le Caganis, 1983 [1978], 49) ; une brave peine (R. Bouvier, Tresse d’aïet, ma mère, 1997 [av. 1992], 40) ; une brave force (P. Magnan, Les Secrets de Laviolette, 1993 [1991], 53) ; une brave peur (MazaMariac 1992 ; GermiChampsaur 1996) ; une brave colère (P. Magnan, Un grison d’Arcadie, 1999, 28).
20. Nous sommes accueillis par une vieille dame à cheveux blancs, vêtue de noir, qui se
lamente avé l’accent :
– Misère ! Ce pôvre ! Quand je suis entrée dans sa chimbre et que je me le suis vu allongé sur son lit… Boudiou* ! J’ai eu une brave frayeur… (San-Antonio, Du sirop pour les guêpes, 1992 |1960], p. 17.) 21. – Pour sûr, dit Ugolin. Ça vous donnera un brave travail… Rien que pour nettoyer les cages [à lapins], ça ne se fait pas tout seul !
(M. Pagnol, Jean de Florette, 1995 [1962], 748.)
22. – Ce n’est rien, Rose ! Laissez ! J’ai été maladroit… Je ramasserai les débris tout
à l’heure ! Ne vous dérangez pas !
– En tout cas, vous m’avez fait une brave peur ! (P. Magnan, Le Tombeau d’Hélios, 1985 [1980], 170.) 23. La Jeanbrenin se faisait un brave mauvais sang. À onze heures de la nuit, son mari n’était pas rentré et ce n’était
pas dans ses habitudes de traîner sur les chemins nocturnes où l’on risquait de mauvaises
rencontres. (Ch. Exbrayat, Le Chemin perdu, 1982, 111.)
24. – T’avais un brave ticket avec la femme du notaire, Rachid ! (Ch. Roudé, Rue Paradis, 1987 [1986], 74.)
25. Surtout que la belle-mère, si j’y avais pas rendu les sous qu’elle nous avait prêtés,
elle aurait fait un brave malheur. (R. Bouvier, Tresse d’aïet, ma mère, 1997 [av. 1992], 100.)
V. encore s.v. escagasser, ex. 12.
— [En parlant d’une personne] 〈Drôme, Provence, Hérault, Ardèche, Haute-Loire (Velay)〉 [Pour renforcer un terme injurieux ou négatif] Mon fils, il s’est ramassé une brave garce (MédélicePrivas 1981). Tu es un brave imbécile (LangloisSète 1991). C’est un brave cochon après le service que je lui ai rendu de me faire cette réputation (FréchetMartVelay 1993 ; cf. encore FréchetAnnonay 1995).
26. J’aurais donc ce soir quelque chose à raconter à table.
– Madame Henry s’est arrêtée pour me parler ! Mais mère dirait : – Oïe, madame Henry ! Et pourquoi pas le pape ? Tu es un brave menteur ! (P. Magnan, Un grison d’Arcadie, 1999, 56.) ◆◆ commentaire. Les emplois décrits ci-dessus ne sont pas inconnus du français standard, qui les a
empruntés à l’italien au 16e s. (brave "beau (d’un inanimé)" est attesté après 1535 et "bon (d’une personne)" av. 1544, tous les deux d’après TLF), mais ils y sont beaucoup moins fréquents et
ne s’y réalisent plus guère que dans des contextes tendant au figement (du type brave femme/homme, brave fille/garçon, braves gens, brave type ; brave bête ; v. TLF). Ils sont absents de GLLF et mal dégagés dans TLF, lequel cite pourtant
des auteurs méridionaux : A. Daudet brave mule (1869), G. d’Esparbès brave (vin) (1903), Giono brave (chat) (1929) ; Rob 1985 se contente d’indiquer « régional (Sud-Est de la France) », sans date ni exemple. Malgré leur dénonciation par les puristes, de Desgrouais à
AnonymeToulouse, ils restent bien implantés en français dans la moitié sud de la France.
Cette implantationa s’est faite selon une évolution sémantique assez nette : on est passé d’emplois à
focalisation aristocratique et guerrière /bravoure, excellence/ (encore en fr. class.
"excellent, qui s’acquitte bien de son rôle", DuboisLag 1960 ; Cayrou) à des emplois populaires (« fam. » dep. Trév 1704, selon TLF) et méridionaux /complaisance, amabilité/.
a Les emplois similaires de l’occ. brave viennent évidemment du fr., ainsi aveyr. brabe "bon, beau ; gros".
◇◇ bibliographie. DesgrToulouse 1768, 66 « Cette servante que je vous vois là, est-elle brave [d’un bon service] ? Vous avez là un domestique qui me paroît brave [leste, adroit, &c]. Oui, ce Curé est fort brave [honnête homme]. Ces poulets sont braves [gros, gras] ; vous les vendrez bien » ; LagueunièreAgde [ca 1770] « de braves cochons » ; VillaGasc 1802 ; RollandGap 1810 ; ReynierMars 1829-1878 un brave froid, un brave enfant ; SievracToulouse 1836 « Dans le Midi, on pervertit étrangement le sens de ce mot, ainsi que celui de son synonyme
vaillant, en leur donnant des significations bien différentes de brave. On dit, Voilà un domestique que je vous recommande ; il est brave et bien vaillant, pour exprimer qu’il est probe, actif et laborieux » ; ConnyBourbR 1852 "beau" ; AnonymeToulouse 1875 ; PépinGasc 1895 ; BrunMars 1931 ; MittonClermF 1937 ; BaronRiveGier
1939 ; RostaingPagnol 1942, 119 "bon ; considérable" ; MichelCarcassonne 1949, 11 « tout le Midi et Cantal » ; SéguyToulouse 1950 "bon" (personne), "gros" (objet) « très caractéristique, commun à tout le Sud-Ouest » ; PierdonPérigord 1971 ; NouvelAveyr 1978 ; RLiR 42 (1978), 161 ; EspallBernisToulouse
1979 ; GonthiéBordeaux 1979 (1) ; MalapRég 1981, 134 ; MédélicePrivas 1981 (2) ; BouvierMartelProv
1982, 170 ; GononPoncins 1984 (1) mais aussi sens 2 (non relevé) s.v. chandelle, gassouillat et gicle ; G. Gonfroy, dans B. Barrière et al., Limousin, 1984, 187 (1) ; MeunierForez 1984 ; BouvierMars 1986 ; MartelProv 1988 ; BlanchetProv
1991 ; CampsLanguedOr 1991 (1) ; LangloisSète 1991 (1 et 2) ; BoisgontierMidiPyr 1992 ;
MazaMariac 1992 (2) ; ArmanetBRhône 1993 ; FréchetMartVelay 1993 (2) ; CovèsSète 1995 ;
FréchetAnnonay 1995 ; LaloyIsère 1995 ; GermiChampsaur 1996 ; MazodierAlès 1996 ;
FréchetDrôme 1997 ; ArmKasMars 1998 ; PlaineEpGaga 1998 ; RoubaudMars 1998, 60 et
88 ; BouisMars 1999 (1) ; MoreuxRToulouse 2000 ; FEW 1, 248b-249a, barbarus.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Hautes-Alpes, Alpes-Maritimes, Ariège, Aude, Aveyron, Gard,
Haute-Garonne, Hérault, Lot, Lozère, Tarn, Tarn-et-Garonne, 100 % ; Var, 80 % ; région
lyonnaise, 75 % ; Bouches-du-Rhône, 60 % ; Alpes-de-Haute-Provence, Haute-Savoie,
Savoie, Vaucluse, 50 %.
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