gros adj.
〈Surtout Haute-Savoie, Hautes-Alpes, Provence, Gard, Hérault, Aude, Pyrénées-Orientales〉 usuel "grand, important".
1. [En parlant d’un inanimé concret] Un gros moment (Y. Audouard, La Clémence d’Auguste, 1986 [1985], 31) ; un gros souper (G. J. Arnaud, Les Moulins à nuages, 1988, 223) ; la grosse fatigue (Les Carnets de guerre de Gustave Folcher, 2000 [1981], 115 ; P. Cauvin, Rue des Bons-Enfants, 1990, 26 ; Cl. Courchay, Chronique d’un été, 1990, 103).
1. – Je suis née deux ans après le gros incendie. (J. Giono, Les Âmes fortes, 1949, 10.)
2. On a qu’à se l’attendre lui tout seul, quand il passe avec sa Clairette et on lui
met une rouste qui le fera bleu de partout pendant un gros mois… (J. Rambaud, Adieu la raille, 1964, 27.)
3. […] la somnolence qui le gagnait après un si gros manger à une heure aussi tardive […]. (G. J. Arnaud, Les Moulins à nuages, 1988, 57.)
4. – Ça vous ennuierait pas de me rendre un gros service, monsieur Gabriel, vous seriez bien brave*… (Ph. Carrese, Allons au fond de l’apathie, 1998, 23.)
— En part. [À propos de conditions atmosphériques] Un gros mauvais temps (Th. Monnier, Madame Roman, 1998 [1957], 88). En novembre, au moment de la grosse neige (GononPoncins 1984, s.v. balan). Dès que les gros froids sont finis (Id., s.v. civette). La grosse chaleur (M. Albertini, Les Merdicoles, 1998, 21).
5. Il était 5 heures du matin, et ce fut le gros vent de l’avalanche qui nous réveilla. (L. Tournier, Il était une fois la montagne, 1979, 163.)
— le gros souper*.
2. [En parlant d’une personne] Gros malade (P. Magnan, La Biasse de mon père, 1983, 31). Gros timide (Cl. Courchay, Quelque part, tout près du cœur de l’amour, 1987 [1985], 363).
6. […] au fur et à mesure que la petite elle grandit, c’est comme si l’astre du ciel
se rapprochait chaque jour davantage de notre mas, tellement elle éclaire tout autour
d’elle et nous tient chaud à tous.
Son plus gros collègue*, c’est le Papé*. (P. Roux, Contes pour un caganis, 1983 [1978], 18.) 7. J’y dis : et papa ? Elle me dit : tu sais, dans l’état où il est, ton père, il vaut
mieux qu’il reste à Marseille. Tu comprends, moi toute seule à Saint-Jurs avec un
gros malade comme lui, c’est pas possible, je pourrai pas bien m’en occuper. (R. Bouvier,
Tresse d’aïet, ma mère, 1997 [av. 1992], 91.)
8. Tu le connais, Marcel, il est brave*, mais c’est un gros pénible. Qu’est-ce que tu veux, jeune il avait fait les colonies, alors bien sûr,
ça lui avait tapé sur le système. (R. Bouvier, Tresse d’aïet, ma mère, 1997 [av. 1992], 104.)
V. encore s.v. galéjer, ex. 4 ; lever, ex. 47.
3. [En parlant d’un sentiment] Grosse joie (P. Roux, Contes pour un caganis, 1983 [1978], 42).
9. Or, « ceux de Crespin », avec une rare impudence, étaient jadis venus tendre leurs pièges dans les collines
des Bastides. Après bon nombre de ruses, ceux des Bastides avaient « pris la grosse colère ». (M. Pagnol, Jean de Florette, 1995 [1962], 703.)
10. Les traditions pour nous, c’est ce que l’on se transmet de génération en génération,
comme si l’on avait une grosse peur que cela se perde. On commence à en parler aux tous [sic] pitchouns*, pour qu’ils s’en imprègnent et que, devenus grands et vieux, à leur tour… ils recommencent
le cercle. (P. Roux, Contes pour un caganis, 1983 [1978], 7.)
11. Le gamin a filé sans demander son reste, avec la grosse honte, pardi. (Cl. Courchay, Quelqu’un, dans la vallée…, 1998 [1997], 236.)
V. encore s.v. dévarier, ex. 5.
◆◆ commentaire. Le français de référence connaît de nombreux emplois de gros "grand, considérable, important", mais il s’agit dans la plupart des cas de syntagmes plus ou moins figés (ainsi gros bétail, gros gibier ; gros dégâts, grosses réparations ; gros lot, grosse somme ;
gros risque ; gros chagrin ; gros mensonge ; gros industriel, grosse légume, gros
mangeur). L’originalité du français du Sud-Est (avec prolongement dans le Languedoc oriental)
est d’étendre cet usage aux contextes les plus variés, ce dont ne rendent pas compte
les dictionnaires généraux contemporainsa. Il convient toutefois de noter que quelques collocations, et notamment celles qui
sont ici rangées en 3., valent plus pour leur fréquence dans cette aire que pour leur
originalité diatopique.
a Certains emplois répandus dans le français de Wallonie semblent eux aussi marqués,
comme « (pendant) un gros mois », « (il est tombé) une grosse pluie » ou encore « une grosse famille » ; v. PohlBelg 1950. Sont par ailleurs usuels au Québec, dans la langue familière :
grosse demi-heure, grosse famille, gros hiver, gros vent, grosses chaleurs, grosse
pluie ; gros sans-cœur, gros cultivateur, monsieur, niaiseux ; grosse misère, grosse
peur (comm. du TLFQ).
◇◇ bibliographie. ReynierMars 1829-1878 gros malade ; GabrielliProv1836 ; BrunMars 1931 (enregistré dans FEW 4, 277a, grossus) ; RostaingPagnol 1942, 119 ; PohlBelg 1950 ; GononPoncins 1984 grosse neige (s.v. balan, chalée, gabouille), gros froids (s.v. civette) ; BouvierMars 1986 ; MartelProv 1988 ; RoubaudMars 1998, 59 grosse colère ; BouisMars 1999.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Hautes-Alpes, Alpes-Maritimes, 100 % ; Var, 80 % ; Alpes-de-Haute-Provence,
Vaucluse, 65 % ; Bouches-du-Rhône, 60 %.
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