té ou tè interj.
〈Drôme, Hautes-Alpes, Provence, Gard, Hérault, Aude, Haute-Garonne, Lozère, Corrèze,
Dordogne, Lot-et-Garonne, Gers, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques, Landes, Gironde〉 fam. Équivalent de stand. tiens !
1. "(pour exprimer la surprise)".
1. – Té, voilà le Babi. C’est pour toi, Marthe. […]
– Pourquoi tu l’appelles le Babi ? Il est pas plus italien que toi. (P. Cauvin, Rue des Bons-Enfants, 1990, 13.) 2. – Té ! Où t’étais passé ? s’exclama Fine Castro en achevant de laver la vaisselle. (M. Courbou,
Les Chapacans, 1994, 72.)
2. "(pour renforcer un propos)".
3. Le Papet* fronça le sourcil, et ses yeux étincelèrent.
« Ça alors ! Té, j’aime mieux pas te répondre. – Je vais t’expliquer… » (M. Pagnol, Jean de Florette, 1995 [1963], 695.) V. encore s.v. banaste, ex. 14 ; brave, ex. 17 ; cèbe, ex. 8 ; eh bé, ex. 4 ; fan, ex. 8 ; fin1, ex. 6 ; galère, ex. 14 ; mourre, ex. 7 ; papé, ex. 2 ; pistou, ex. 6 ; quine, ex. 13 ; quique, ex. 2 ; trie, ex. 4.
3. Avec un impératif "(pour introduire une invitation à agir)".
4. – C’est que… nous partons dans une demi-heure.
– Hé bé [v. eh* bé], té, partez plus tard. (Chr. de Rivoyre, Racontez-moi les flamboyants, 1996 [1995], 78.) 5. – Té, sers-moi un autre verre, ça tiendra compagnie au premier. (J.-Cl. Libourel, Le Secret d’Adélaïde, 1999 [1997], 168.)
4. "(pour attirer l’attention)".
6. – Ouh mais dis ! Il était décoré de la médaille de la Résistance. Té regarde : c’est son fils qui la porte sur un coussin. (P. Magnan, Le Parme convient à Laviolette, 2000, 218.)
V. encore s.v. fan, ex. 8.
— Redoublé.
7. La mer donnait, et ces deux hommes lui en savaient gré. Ils avaient une manière de
s’écrier devant une belle prise : « Té, té, regarde ! » qui valait toutes les actions de grâce. (H. Bonnier, L’Enfant du Mont-Salvat, 1985 [1980], 248.)
5. En emploi autonymique. Voir s.v. eh bé, ex. 16.
■ variantes. La variante tè est signalée par BlanchetProv 1991 (v. ici s.v. galère, ex. 14 ; mener, ex. 1 ; mourre, ex. 7) et FréchetDrôme 1997. Mais elle est « la forme normale en Aquitaine comme à Toulouse » (MoreuxRToulouse 2000) ; cf. BoisgontierAquit 1991 « Té est presque toujours écrit té, avec un accent aigu. La graphie tè représenterait mieux la juste prononciation, avec è nettement ouvert ».
◆◆ commentaire. Transfert non adapté d’occ. té/tè, de même sens (« tè, forme de débit rapide pour tèn(e), impér. sing. de tenir, s’est détaché de la flexion verb. » Ronjat, § 833), caractéristique et emblématique du français de la partie méridionale
de la France, où il est attesté dep. 1801 à Toulouse (« Té, pour tiens, etc. Té, voilà ton canif / Tiens voilà ton canif. Té ! tu me le paieras… / Va, tu me le paieras. Té, Diane, va chercher ce perdreau / Diane, va chercher, etc. » Desgrouais). Cette interjection est accueillie dans les dictionnaires généraux contemporains
avec une indication diatopique : « équivalent méridional de “tiens !” » (GLLF), « exclamation méridionale… » (Rob 1985 ; NPR 1993-2000, qui voit là plaisamment une « déform. phonét. de tiens ! »), « région. (Midi de la France) » (TLF).
◇◇ bibliographie. DesgrToulouse 1801 ; ReynierMars 1829 ; GabrielliProv 1836 ; SievracToulouse 1836
« Té pour tiens. Expression exclamative particulière aux habitants du midi. Elle vient de leur patois,
et toute vulgaire qu’elle est, peu d’entre eux ont le courage de la bannir entièrement
de leur conversation » ; MichelDaudet 124 ; PépinGasc 1895 ; LambertBayonne 1902, 142 ; JoblotNîmes 1924 ;
BrunMars 1931 ; SéguyToulouse 1950 « tout à fait général, malgré les efforts de certains éducateurs » ; GonthiéBordeaux 1979 ; TuaillonRézRégion 1983 (Bordeaux) ; GononPoncins 1984 s.v. gourde « Tè donc ! Voilà un morceau de gourde pour faire ta soupe » (Ø à la nomenclature ; rien dans la Morph. de GononPoncins 1947) ; BouvierMars 1986 ;
MartelProv 1988 ; Wiedemann MélJeune 1990, 383 (Fr. Mauriac, La Chair et le sang) ; BlanchetProv 1991 té, var. tè ; BoisgontierAquit 1991 ; CampsLanguedOr 1991 « partout » ; LangloisSète 1991 « très fréquent » ; ArmanetBRhône 1993 ; CovèsSète 1995 ; GermiChampsaur 1996 ; MazodierAlès 1996 ;
FréchetDrôme 1997 tè, té ; ArmKasMars 1998 ; RoubaudMars 1998, 87 ; BouisMars 1999 ; ChambonÉtudes 1999, 139
(Pourrat, Gaspard des montagnes, et deux autres auteurs du Livradois au 20e siècle) ; MoreuxRToulouse 2000 « d’un usage général » ; aj. à FEW 13/1, 210b, tenere, après tenez ! tiens !
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Aude, Gers, Gironde, Hérault, Landes, Lot-et-Garonne, Lozère,
Pyrénées-Atlantiques, Hautes-Pyrénées, 100 % ; Gard, 90 %.
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