fan interj.
1. 〈Hautes-Alpes, Provence, Gard, Hérault, Aude, Lozère〉 fam. ou pop. Dans des loc. interj. du type(ô/oh) fan de + subst. (de l’animé ou de l’inanimé) ! "(pour marquer la surprise, l’admiration, la compassion, l’indignation, l’ironie)". Synon. région. fils* de + subst. – Fan de Dieu (P. Magnan, L’Aube insolite, 1998 [1946], 46) ; fan de noix ! (A. Bastiani, Le Pain des jules, 1967 [1960], 118) ; fan de lune ! (BouvierMartelProv 1982 ; ArmKasMars 1998) ; fan de purge ! (P. Sogno, Le Serre aux truffes, 1997 [1993], 94).
— fan de chiche !
1. Il sentait le souffle de la vieille [une prostituée] qui ahanait dans son dos. La
nausée le reprit bien avant d’atteindre le premier palier. Il se disait : « Fan de chiche ! Pourvu que sa chambre soit au dernier étage ! […]. » (M. Courbou, Les Chapacans, 1994, 52.)
— fan de chichoune ! Fan de chichoune ! Je l’aurais giflé ! (M. Courbou, Les Chapacans, 1994, 147.)
2. Soudain il y eut un claquement sec et les énormes seins de Biscotte bondirent par-dessus
le décolleté de sa robe comme deux diables de leur boîte.
– Fan de chichoune, mon soutien-gorge, s’exclama-t-elle et, secoués de fou-rire, ils s’effondrèrent au pied de la clôture. (M. Courbou, Les Chapacans, 1994, 21.) 3. – Té*, on a du courrier ! s’exclama Darnagas […].
– Fan de chichoune ! Et si c’était un imprésario ? (M. Courbou, Les Chapacans, 1994, 29.) 4. – Qui est là ? Montrez-vous[,] fan de chichoune ! s’écria-t-il exaspéré. (M. Courbou, Les Chapacans, 1994, 58.)
● Var. ponctuelle (par croisement avec le suivant) Oh ! Fan de chichourne ! (M. Sergent, Normal, 1991, 113.)
— (oh) fan de chichourle ! Oh fan de chichourle ! il joue aux boules comme un pied (FréchetDrôme 1997). Oh fan de chichourle ! que c’est bon ! (M. Albertini, Les Merdicoles, 1998, 150). Fan de chichourle, si j’étais à ta place, moi… (G. Del Pappas, Massilia dreams, 2000, 8).
5. – […] Savez-vous que vous paraissez sincère ?
– Je le suis. Qu’est-ce que c’est que cette affaire Guillanoux ? – Oh ! fan de chichourle !… Son visage revêt une expression d’écœurement. (L. Malet, Nestor Burma revient au bercail, 1989 [1967], 597.) 6. Toine (furieux) : Fan de chichourle, ces bonnes femmes avec leurs casseroles et leur marmaille ! (Cl. Frédéric, On piègera la sauvagine, 1984, 45.)
7. – Oh ! fan de chichourle ! Mais on n’a pas fini de me casser les alibofia ? (Fr. Fernandel, L’Escarboucle, ma Provence, 1992, 62.)
a Voir s.v. amandon, n. 1.
8. – Té*, j’ai vu ce que tu as offert au petit du mas des Pialons pour sa communion, Fan de chichourle, tu t’es pas moquée des gens ! (G. Ginoux, Dernier labour au Mas des Pialons, 1994, 121.)
9. Tel Rastignac perché Butte Montmartre, évoquons, quelques décennies plus tôt, Jean-Claude
Gaudin, jeune Topaze aux dents longues, apostrophant d’un « À nous deux, fan de chichourle ! » le fief defferriste qui s’étale à ses pieds. (Michel Flacon, Le Point, 23 avril 1999, 102.)
— (oh) fan de chine/Chine !
10. Fan de Chine ! comme dit Popol, on a fait du chemin […] ! (J. Rambaud, Les Miroirs d’Archimède, 1985 [1983], 34.)
11. – Tu peux venir, une minute ? Y’a quelque chose que je voudrais te dire.
– A moi, coquin* de sort ? – Eh oui, à toi, fant [sic] de Chine. (R. Pierre et J.-M. Thibault, « Cyrano de Bergerac… à la manière de Marcel Pagnol », dans Laissez-nous rire, 1986, 86.) 12. – Oh fan de chine ! criait le Paul. Sept heures ! Et j’ai même pas fait mon devoir de calcul ! (P. Magnan,
L’Amant du poivre d’âne, 1988, 260.)
— fan de garce !
13. – Fan de garce ! jura-t-il, avec une pointe d’accent méridional. (L. Malet, La Nuit de Saint-Germain-des-Prés, 1991 [1955], 804.)
14. – Fan de garce, Roseline ! Fais un peu attention, tu m’écrases ! (P. Magnan, Le Commissaire dans la truffière, 1978, 3.)
15. Le Père Mayen : […] Fan de garce, les rochers vont être glissants ! (Cl. Frédéric, On piègera la sauvagine, 1984, 25.)
— fan de pétan !
16. Maintenant, d’un coup de reins, mon père, sous l’œil admiratif de M. Croûtebelle,
poussait une brouette sur laquelle il avait déposé ma grosse malle en osier :
– Fan de pétan, Baron, vous êtes fort comme un Turc ! (H. Bonnier, L’Enfant du Mont-Salvat, 1985 [1980], 205.) — (oh) fan de pied !/fan des pieds ! Tu aurais pu au moins attendre, fan de pied ! (P. Magnan, Le Mystère de Séraphin Monge, 1990, 198).
17. À table j’ai devant moi un type qui a l’œil fermé par un compère-loriot. / Fan de pié qu’il est vilain. Et pas distingué ! (A. Paraz, Le Gala des vaches, 1974 [1948], 314.)
18. […] les pies c’est à moitié en deuil alors que les chardonnerets c’est tout bien maquillé.
Fan des pieds ! C’est joli, joli. (M. Stèque, La Tour de Siagne, 1981, 93.)
19. Le reste du stade [de football, à Marseille], en revanche, exulte et explose. 3-0,
« fan de pied, quel nanan ! » (Le Monde, 23 avril 1987, 20.)
20. – Méfi* ! Il [un boucher] nous trancherait la gorge que ça lui ferait pas plus d’effet que
de découper un rôti de bœuf ! renchérit Nono.
– Fan de pied ! On va pas se laisser impressionner par un type en manque de guerre ! s’emporta Darnagas. (M. Courbou, Les Chapacans, 1994, 30.) 21. – Oh fan des pieds ! […] Y a un type qui se dirige vers le camping-car. (Ph. Carrese, Graine de courge, 1998, 150.)
22. – Mais qu’est-ce qu’il y a, fan des pieds, s’emporta Blanco. (Fr. Thomazeau, Qui a noyé l’homme-grenouille ?, 1999, 161.)
V. encore s.v. fils, ex. 19.
● En emploi subst. "(synon. de Stand. fam. crétin, idiot, imbécile)".
23. Qui c’est qui vient chez mon Jean, une vedette ? C’est qu’il en reçoit des vedettes,
lui, couillon* ! Jeudi passé[,] vous savez pas qui est venu ? Comment il s’appelle déjà ce fan de pied que j’ai son nom sur la langue ? (T. Topin, Honey money, 1984, 123.)
— vulg. fan de putain/pute !
24. Fan de pute ! on peut vraiment dire que tout fout le camp […]. (G. Guégan, La Rage au cœur, 1974, 176.)
25. Roland alluma la radio, enclencha la première cassette qui s’offrit à sa main. Un
saxo se dressa dans une frénésie de maracas. Il se dit que fan de pute, marre de métèques, il éjecta la bande. (T. Topin, Honey money, 1984, 10.)
26. À Marseille, plus on monte et plus c’est pauvre. Chez nous c’était haut. […] Bien
au-dessus de la Belle-de-Mai. / On grimpait en chantant : / Il y a une fille / À la Belle-de-Mai, / Fan de putain, / Qu’elle me plaît !… (M. Albertini, Les Merdicoles, 1998, 23.)
V. encore s.v. brailles, ex. 12.
● Emploi autonymique
27. Lui, toujours invisible derrière le roncier, poussait des jurons : ses « fan de pute de putain de fan de pute ! » bondissaient dans l’air bleuté. (M. Scipion, L’Homme qui courait après les fleurs, 1984, 42.)
2. 〈Même aire, à quoi s’ajoute Ardèche (Annonay)〉 Par ellipse, fam. Stand. fam. merde, nom d’un chien, pop. putain. Synon. région. fatche*.
28. – Fan ! C’est reparti, avait lâché Momo […].
– Toi, on ne te demande rien ! (J.-Cl. Izzo, Chourmo, 1996, 24.) V. encore s.v. couillon, ex. 18.
— Dans la loc. interj. ô/oh fan ! "id.". Oh fan ! T’as vu ce shoot ! (FréchetAnnonay 1995). Oh fan, t’as vu l’avion, il a rasé les maisons ! (FréchetDrôme 1997).
29. Il s’avança, flageolant, la main devant sa bouche, et sous cet abri, il répétait à
mi-voix : « Oh ! fan ! Oh ! fan ! » (P. Magnan, Le Commissaire dans la truffière, 1978, 132.)
30. – Voilà, dit Victorin, je vais démolir ma maison…
– Pas possible !… – Pour en reconstruire une plus grande… – Oh fan, que tu es courageux ! (Y. Audouard, Les Contes de ma Provence, 1986, 54.) 31. – Ouvre ! commanda Célestat. / Le gindre obéit sur-le-champ.
– Oh fan ! dit-il. / Il regardait son patron […] avec une sorte de terreur dans les yeux. (P. Magnan, Le Mystère de Séraphin Monge, 1990, 37.) 32. – […] Votre fils vous a fait reprendre goût à la vie ? fit Destoussi en s’asseyant
[…].
– Tu me prends pour un imbécile ? dit-il. Depuis que je l’ai vu, je suis encore plus pressé de mourir. – Ô fan ! Si vous le prenez comme ça… (M. Courbou, Les Chapacans, 1994, 92.) 33. – Oh, Bernard, ça va pas ?
– Madame Mostagonacci est morte hier soir. – Oh fan, c’est pas vrai, comment ? (Ph. Carrese, Trois jours d’engatse, 1995, 25.) V. encore s.v. cocagne, ex. 2.
◆◆ commentaire. Ces interjections, dont le paradigme est encore plus ouvert que les faits ici rapportés,
sont surtout caractéristiques aujourd’hui du français populaire de Provence (dep.
1931) et du Languedoc oriental, mais les plus anciennes attestations connues concernent
le français d’Algériea ; leurs équivalents occitans enregistrés dans Mistral forment un éventail plus restreint
et plus traditionnel (enfant de puto, de garço, d’un pau chascun, de res ; enfant de loup, de porc). Elles sont l’aphérèse de enfant de + subst. (équivalent à fr. fils de putain, etc.), avec un second élément qui représente (i) tantôt un terme d’injure attendu, à caractère souvent sexuel : chiche, apocope de chichoune "petite chienne" < pr. chichouno "id." (Mistral) ou de chichourle "jujube ; testicule" ; chine "chienne ; prostituée" < pr. chino "id." (Mistral) ; garce, putain/pute. (ii) tantôt un terme à connotation dépréciative fréquente : lune, noix, purge. Le sens de pied dans fan de pied/des pieds, reste incertain : si pied peut avoir une valeur dépréciative, on explique mal son passage au pluriel (l’explication
de Ph. Blanchet, Mots d’ici, 1995, 29, qui y voit pr. pièd "sou (monnaie)" semble pour le moins étrange) ; même incertitude pour pétanb. Certaines sources, par ailleurs, indiquent fan dé, qui est un trait patois.
a 1895 « Ce fant de… de Fartasse d’un peu y me fout un asting dessus le gibus à force qu’il était jaloux » ; « Pas pour dire, mais pour plonger y s’en sort, ce fant de… » ; « Ma parole, plus rien personne y se comprend de ça qui font ces fants de … qui racontent l’histoire de la Messaline Vierge » (Musette, Cagayous, pochades algériennes, s.l.n.d. [Alger, impr. Mallebay, 1895], 56, 85 et 147 ; on peut sans doute suppléer
les points de suspension par putain ou pute) et 1931 : « Mon père, ce fant de loup […] » (Texte placé dans la bouche d’un habitant de Bône, auj. Annaba, dans Les Sabirs de Kaddour ben Nitram, [Tunis, impr.-papeterie Bonici], 1931, 30). Comm. de P. Enckell.
b Cf. A. Paraz, Une fille du tonnerre, 1952, au glossaire, n.p. : « pétan, fan de pétan ! Marque la surprise en provençal, le mot putain est doucement atténué pour que l’exclamation
soit de bonne compagnie ».
◇◇ bibliographie. BrunMars 1931, 79 fan de chichourle, fan de Chine ; LanlyAfrNord 1970 « fant de loup ! s’entend quelquefois ici » ; BouvierMartelProv 1982, 160 ; BouvierMars 1986 ; MartelProv 1988 ; CampsLanguedOr
1991 fan dé + subst . ; LangloisSète 1991 ; CouCévennes 1992 fan de chichourles (« juron pas grossier »), fan des loups (« juron gentil et discret »), fan des pieds (« juron banal »), fan des purges (« léger juron »), fan des putes (« juron appuyé ») ; ArmanetBRhône 1993 fan de chichourle ; CovèsSète 1995 ; FréchetAnnonay 1995 ; MazodierAlès 1996 fan dé + subst. ; FréchetDrôme 1997 oh fan « bien connu » ; ArmKasMars 1998 ; RoubaudMars 1998, 90 fan de putain, de pied, de chichourle ; BouisMars 1999 fan de chichourle, de Chine, de loule, de lune, des pieds, de pute, de pétan ; MoreuxRToulouse 2000 fan de chichourle « exclamation connue de tous les informateurs âgés mais avec une connotation provençale
si forte que certains en contestent même l’emploi à Toulouse » ; aj. à FEW 4, 661b, infans.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Alpes-Maritimes, 100 % ; Bouches-du-Rhône, Var, 80 % ; Hautes-Alpes,
75 % ; Vaucluse, 65 % ; Alpes-de-Haute-Provence, 50 %.
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