brailles (aussi brayes) [bʁaj] n. f. pl.
〈Loire (Pilat), Isère (Vienne), Drôme, Hautes-Alpes, Provence, Gard, Lozère, Ardèche,
Haute-Loire, Auvergne〉 Surtout rural ou avec effet stylistique, fam. "culotte d’enfant ; pantalon". – J’ai déchiré mes brayes (J. Anglade, Le Tilleul du soir, 1975, 138). Remonte tes brailles (ArnouxUpie 1984). J’ai acheté des brayes à Pantashop (QuesnelPuy 1992). Il perd ses brailles (PolverelLozère 1994). Il s’était pissé dans les brailles (L. Merlo, J.-N. Pelen, Jours de Provence, 1995, 234). Ils enfilaient leurs brailles et leurs tricots glacés de crasse et de nuit (R. Frégni, Le Voleur d’innocence, 1996 [1994], 117).
1. Sa chemise sort un peu de son pantalon […] .
– Tu as très bien fait ! Très bien fait… je préfère que ce soit elle [qui soit morte] plutôt que moi. C’est humain, non ? – Sûr, ronchonne-t-il en remontant ses brailles d’un geste qui lui est familier. (San-Antonio, Descendez-le à la prochaine, 1992 [1953], 214-215.) 2. Vêtu de ses brayes de velours, petassées* aux genoux, et d’un gilet de laine tricoté par sa Mariette, voici bien quinze ou
vingt ans, il a sa hotte d’osier où est un peu de fumier de lapin, avec ses outils
[…]. (L. Gachon, « La journée d’un vieux Royadère, autrefois », dans L’Auvergne littéraire 203, 1969, 39.)
3. Alex […] n’avait pas de cul (nous disions de lui qu’il l’avait vendu pour acheter
les brailles) […]. (M. Stèque, La Tour de Siagne, 1981, 31.)
4. Guillaume le Bègue dormait d’un sommeil de cantonnier. Comme la nuit était douce,
il avait laissé sa fenêtre ouverte :
– Guillaume ! dit Auguste… – Je d… d… dors, dit Guillaume. – C’est Auguste, dit Auguste… – J’a… j’a… j’arrive […]… Tu veu…veu… veux quoi ? demande-t-il avant même d’avoir fini d’enfiler ses brailles. (Y. Audouard, La Clémence d’Auguste, 1986 [1985], 78-79.) 5. Je le trouvais amaigri, semblant flotter dans ses brailles […]. (P. Chevrier, La Haute-Bigue, 1996, 122.)
6. Mouvement brusque […]. Il renverse son verre sur ses brailles. (Cl. Courchay, Quelqu’un, dans la vallée…, 1998 [1997], 219.)
7. […] une marine d’antan, un Vernet, où sur le quai se promènent les négociants de l’autre
côté de la mer, turbans gonflés et brailles pendantes. (R. Merle, Treize reste raide, 1997, 24.)
□ En emploi métalinguistique.
8. Et puis la Louise s’adresse à lui [un Anglais] comme s’il connaissait le village et
ses habitants. Mais quel village ? Il ne sait même pas. Et elles disent les « brayes » pour dire les pantalons, et « Maria » pour dire « Marie » ! (R. de Maximy, Le Puits aux corbeaux, 1996 [1994], 22.)
— Dans le syntagme paire de brailles. Une paire de brailles (GermiLucciGap 1985 ; FréchetMartVelay 1993).
9. – Et ça vaut pas l’Augustine […], qui de temps en temps mettait dans les troncs des
boutons de la braguette d’une vieille paire de brailles de son mari en guise d’offrande. (G. Ginoux, Dernier labour au Mas des Pialons, 1994, 84.)
10. En ces temps de froidure exceptionnelle, lors de cet hiver 56, je me rappelle les
tenues vestimentaires que nous imposaient les femmes : tricots de corps en flanelle,
chemise en laine nous grattant sans cesse la peau, pull-overs conjugués au pluriel,
caleçons sous une paire de brailles en velours côtelé […]. (G. Ginoux, Gens de la campagne au Mas des Pialons, 1997, 116.)
— En alternance avec pantalon.
11. – […] Regardez mon pantalon : un mois que je le traîne ! C’est plus des brailles, c’est des tuyaux de poêle ! (M. Scipion, L’Homme qui courait après les fleurs, 1984, 228.)
— faire (ou verbe du même paradigme) dans ses brailles loc. verb. "déféquer dans son pantalon".
12. – Oh, fan* de pute ! Je me suis encore cagué* dans les brailles ! constatait-il en toute simplicité, puis il laissait exploser son rire enfin libéré.
(M. Stèque, La Tour de Siagne, 1981, 32.)
13. Alors le mal au ventre me vint. La peur m’avait donné le besoin, la colique quoi !
Il fallait que je m’arrête ou bien j’aurais fait dans mes brailles. (Y. Gimbert, Roche-Longue, 1994, 146.)
● Au fig. "avoir peur". Il fait dans ses brailles, dit-on d’un peureux (LangloisSète 1991).
14. Jacques […] en éprouva plus de peine que de colère. Il dit simplement : « Pauvre foireux, tu cagues* dans tes brailles ! » Camilou avala cette insulte avec soulagement. (P. Sogno, Le Serre aux truffes, 1997 [1993], 146.)
15. […] quand je suis seul, je me sens fort comme un bœuf, et quand je suis devant eux,
je chie dans mes brailles. (J.-Cl. Libourel, Les Roses d’avril, 1998 [1997], 138.)
— 〈Basse Auvergne〉 c’est vraiment à pisser dans les brayes / vraiment tu en pisses dans tes brayes loc. phrast. très fam. "(pour dire que quelque chose est très drôle)". (Professeur certifié de mathématiques, 50 ans, originaire de Clermont-Ferrand, 8
octobre 1997).
— 〈Drôme, Ardèche (Privas), Haute-Loire (Velay)〉 Au sing. Tu as trouvé une jolie braille ! (ArnouxUpie 1984). Enfile ta braille (FréchetMartVelay 1993 ; FréchetDrôme 1997).
■ graphie. La forme brayes (v. ici notamment ex. 2 et 8 et s.v. petasser, ex. 6) est beaucoup moins usuelle.
■ remarques. 〈Loire, Drôme, Hérault, Lozère, Ardèche, Haute-Loire (Velay), Puy-de-Dôme〉 brailler / brayer (se) v. pron. fam. "mettre ou rajuster sa culotte, son pantalon (stand. fam. se culotter, se reculotter) ; par ext. s’habiller". Synon. région. s’embrailler*, se rembrailler*. Anton. région. débrailler*. « Je fus réveillé au petit matin en entendant mon grand’père traverser la salle avec
ses gros sabots. Il avait mis ses braies, il s’était brayé » (P. Cousteix, « Une enfance », Bïza Neira 57, 1988, 35). – BridotSioule 1977 se brayer ; MeunierForez 1984 ; MartinPilat 1989 se brayer « usuel » ; FréchetMartVelay 1993 ; PotteAuvThiers 1993 brayer ; FréchetAnnonay 1995 « globalement connu » ; FréchetDrôme 1997 « bien connu » ; aj. à FEW 1, 480b, braca.
◆◆ commentaire. Cette variante phonétique (et graphique) de fr. braies pl. (dep. 1172-1174, dans TL), lequel (prononcé [bʁɛ]) est aujourd’hui vieux en français standard (mais dont l’usage est encore attesté
dans certaines régions, v. BouLeScCaux 1981, LepelleyBasseNorm 1989 et LepelleyNormandie
1993 braies ; DubuissBonBerryB 1993, braie dans l’Allier) ou renvoie à l’histoire du costume, est attestée indirectement dans
Féraud 1787 s.v. braïe « On prononce bra-ie ». Son aire actuelle forme une bande qui s’étend du Puy-de-Dôme à la Méditerranée,
témoignant de l’extension de cette forme vers le sud ; le réactif phonétique (traitement
de -k- intervocalique devant a dans *braca) montre en effet que brayes ne peut être indigène dans une grande partie de son aire – où k dans l’environnement
indiqué passe à [g] ou [d] – (v. notamment ALLy 1121, ALMC 1378, ALAL 867 ; cf. ALF 373A et 373 B ‘culotte, pantalon’ et DauzatVinz 1915, § 396 « La forme [du patois] vient du fr. “braies” pron. “brayes”, probablement du Bourbonnais par Clermont »). Absent de GLLF et de Rob 1985, brailles est enregistré par le TLF en remarque avec un exemple de Giono (1929), sans marque
diatopique.
◇◇ bibliographie. MègeClermF 1861 s.v. brayaud « brayes […] espèce de culotte large qui couvre depuis la ceinture jusqu’aux genoux. Le mot
brayes […] est peu usité » ; PuitspeluLyon 1894 brayes ; FertiaultVerdChal 1896 brayes ; JoblotNîmes 1924 ; ParizotJarez [1930-40] brayes pl. « prononcer bra-ye » ; BrunMars 1931 pl. « très usuel » ; BaronRiveGier 1939 brayes ; BridotSioule 1977 ; KnoppSchülArg 1979, 46 (Dax, Bayonne) ; MédélicePrivas 1981
braille sing. « n’est plus conservé qu’en tant qu’argot » ; OlivierMauriacois 1981 brailles ; TuaillonRézRégion 1983 ; ArnouxUpie 1984 « d’usage courant chez les plus âgés, il prend souvent une valeur expressive chez les
plus jeunes » ; GermiLucciGap 1985 ; BouvierMars 1986 ; JaffeuxMoissat 1987, 7 ; MartelProv 1988 ;
DufroidVienne 1989 brayes ; MartinPilat 1989 brayes « usuel à partir de 60 ans, en déclin au-dessous » ; BlanchetProv 1991 ; LangloisSète 1991 ; CouCévennes 1992 ; MazaMariac 1992 ; QuesnelPuy
1992 ; ArmanetBRhône 1993 ; FréchetMartVelay 1993 ; PotteAuvThiers 1993 brayes ; PruilhèreAuv 1993 ; PolverelLozère 1994 « péjoratif » ; FréchetAnnonay 1995 ; GermiChampsaur 1996 ; MazodierAlès 1996 ; FréchetDrôme 1997
sing. ou pl. « usuel » ; ArmKasMars 1998 ; BouisMars 1999 ; ChambonÉtudes 1999, 110 (Pourrat, Gaspard des montagnes) ; FEW 1, 479a et n. 1, *braca.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Hautes-Alpes, Haute-Loire, Puy-de-Dôme, 100 % ; Alpes-Maritimes,
90 % ; Var, Vaucluse, 80 % ; Cantal, 65 % ; Bouches-du-Rhône, 60 % ; Alpes-de-Haute-Provence,
50 %.
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