les citations
couillon adj. et n. m.
Hautes-Alpes, Provence, Gard, Hérault, Ariège, Haute-Garonne, Tarn, Lot, Aveyron, Bordeaux fam. [En parlant d’une personne ou d’un trait de son comportement] "sot, bête ; naïf". Stand. fam. idiot, imbécile.
1. Adj. m.
1. Il s’avança, et mit son bras autour de mon cou, sur mes épaules. Et comme je pleurais toujours, il répétait doucement :
– Allez, zou*, ne sois pas couillon… Ne sois pas couillon… Ne sois pas couillon. (M. Pagnol, Le Temps des secrets, 1995 [1960], 404.)
2. Les autres ? Ben, ils marchaient ! Le plus « couillon » dans la bande, c’était le Papé*. Lui, du moment que la petite, elle venait lui prendre la main en lui disant :
– Papé, tu viens ? / elle lui aurait fait traverser Verdon au gros de l’hiver. (P. Roux, Contes pour un caganis, 1983 [1978], 57.)
3. […] elle partait d’un grand rire qui me semblait moqueur et que je n’aimais pas. Elle ajoutait :
– Que tu es couillon, mon pauvre petit ! (M. Scipion, L’Arbre du mensonge, 1980, 19-20.)
4. Ma mamé* Mariette regarda son homme curieusement : « La foudre t’est tombée dessus ? Tu as l’air couillon ! » (R. Blanc, Clément, Noisette et autres Gascons, 1984, 202.)
5. – Mais, Mémé, j’ai treize ans quand même et Séraphine…
– Tu as treize ans mais tu es toujours aussi couillon et cette petite, c’est pareil, elle est brave* mais c’est une fadade*, elle t’entraîne partout dans les dangers et toi, tu suis… (P. Cauvin, Rue des Bons-Enfants, 1990, 57.)
6. Il faisait un peu voyou, mais c’était qu’un genre qu’il se donnait. Ma foi, ça lui plaisait. Et puis, il était pas couillon. Il avait fait toutes ses études chez les curés et il était ingénieur électricien. (R. Bouvier, Tresse d’aïet, ma mère, 1997 [av. 1992], 24.)
7. – Bernard, notre fils, il est couillon quand même, il a des réunions avec des parents d’élèves quand il est en vacances. (Retraité, 69 ans, de Saint-Rémy-de-Provence, 14 avril 1999.)
V. encore s.v. esquicher, ex. 14.
● [En parlant d’un animal]
8. – […] On ne dira jamais assez qu’un âne n’est pas aussi couillon qu’il en a l’air ! (R. Blanc, Clément, Noisette et autres Gascons, 1984, 167.)
c’est couillon "c’est dommage, c’est regrettable".
9. […] les festivités s’étalaient sur quatre ou cinq jours. On allait du dimanche au jeudi, des fois au vendredi. Arrivé au vendredi, c’était couillon de ne pas profiter du samedi. (J. Durand, André Bouix, gardian de Camargue, 1980, 91.)
2. N. m.
10. – A première vue, dit le jeune homme en clignant des yeux, j’aurais parié à quarante contre un que vous êtes un de ceux qui font les couillons comme ils respirent […]. (J. Giono, Le Hussard sur le toit, 1951, 50.)
11. Ils parlent de l’André qui a une bonne place de garde-pêche du côté de Villefranche et qui ne se crève pas, le couillon ! (J. Jaussely, Deux saisons en paradis, 1979, 53.)
12. – Couillon, va ! A-t-on idée de pleurer comme ça à ton âge ?
– Mais oui, dit le vieux, je suis un couillon qui radote, ne fais pas attention. (Chr. Signol, Les Cailloux bleus, 1986 [1984], 172.)
13. – […] Une fois, je lui ai dit que je voulais être représentant en moutarde et cornichons pareil que lui. Il m’a ri au nez, ce couillon ! (M. Courbou, Les Chapacans, 1994, 10.)
14. – […] Ce pauvre couillon s’est imaginé que j’allais lui tomber dans les bras. Alors, pour le faire râler, j’ai décidé de sortir avec son frère. (Cl. Couderc, Le Petit, 1998 [1996], 21.)
V. encore s.v. écurie, ex. 23 ; parole, ex. 1.
● [En parlant d’un animal]
15. Le matin, je me lève, il [un faon] était là, le petit couillon, couché devant ma porte ! (J. Anglade, Le Voleur de coloquintes, 1972, 378.)
— Fréquent comme terme d’adresse, avec connotation fortement amicale ou affectueuse. Synon. région. con*.
16. Il raconta à voix basse l’événement, et ses larmes coulaient toujours. Le Papet, irrité, remplit un verre de vin blanc. « Tiens couillon. » (M. Pagnol, Jean de Florette, 1995 [1963], 854.)
17. – […] Bon, va pour la maison, mais j’en garderai l’usufruit.
– Personne ne songe à te mettre dehors, couillon ! dit Perrot. (R. Escarpit, Les Voyages d’Hazembat. Marin de Gascogne (1789-1801), 1984, 357.)
18. – Je vous sers le pastis ? […] Attention que* c’est du bon, couillon ! Que c’est le petit-neveu de mon pauvre Marcellin qui se le fait lui-même. C’est pour vous dire que c’est de l’alcool de naturel, fan* ! (T. Topin, Honey money, 1984, 123.)
19. J’ai toujours mal à la nuque et des sensations de chaud accompagnées de frissons [à la suite d’une insolation]. Je viens à peine de m’apercevoir que les Minardo et Lacaze sont dans la chambre. […] Je fais l’effort de leur balancer un sourire et je leur dis :
– Hé, bande de fadas*, je suis pas encore mort !
– Hé, couillon, c’est que tu nous a fait peur ! répond le grand Minardo. […]
Lacaze me tend une pile d’illustrés […].
– C’est ma collec de Buck Danny. Tu peux les lire si tu te languis*. (Cl. Couderc, Le Petit, 1998 [1996], 127.)
□ En emploi autonymique.
20. […] dans la bouche de mon père « couillon » était un cri de tendresse […]. (P. Brun, Raimu mon père, 1980, 51.)
V. encore s.v. putain, ex. 1.
● Dans les syntagmes grand/sacré couillon.
21. – Alors, insistai-je, c’est vrai, ce qu’on dit, que vous vous appelez comme le grand homme, le sauveur de la France, le vainqueur de 14-18 […].
– Sauveur de la France ! Vainqueur de 14-18 ! Comment, toi aussi, petit blanc-bec ! Grand couillon ! Tu répètes ces âneries ? (M. Scipion, L’Arbre du mensonge, 1980, 230.)
22. – Bon, tu veux que je te le dise. Hé bé*, voilà, je suis revenu pour de bon. Je viens m’installer ici.
Grand couillon, il t’en a fallu du temps. (J.-Cl. Libourel, Le Secret d’Adélaïde, 1999 [1997], 139.)
23. – Rachel ?… Vous êtes Rachel Fussito ?
Grand couillon ! Mais qui veux-tu que ce soit ? Tu me dis « vous », maintenant ? (M. Albertini, Les Merdicoles, 1998, 138-139.)
V. encore s.v. escaper, ex. 3 ; pète, ex. 5.
● Dans le syntagme couillon de la lune.
24. – Hô ! Astruc. Tu montes à Saugues ?
Le pêcheur avait démonté sa canne à pêche. Comme il rentrait bredouille, il montra sa mauvaise humeur.
– Où veux-tu que je monte, couillon de la lune ? (R. Sabatier, Les Noisettes sauvages, 1983 [1974], 189.)
25. – Hé ! Couillon de la lune ! Qu’est-ce que t’attends pour monter derrière moi [sur la mobylette] ? (M. Courbou, Les Chapacans, 1994, 34.)

morphologie.
1. Le f. couillonne est parfois employé (BlanchetProv 1991 ; BoisgontierMidiPyr 1992 ; MoreuxRToulouse 2000).
2. La forme couillon s’emploie parfois à l’adresse d’une femme : « Dès qu’un petit ennui ou qu’un infime malheur s’introduisait dans le décor immédiat de maman, papa avait une façon de s’attrister et de la consoler à la fois qui ne manquait pas d’originalité : “Eh* bé, résumait-il dans un ton très adapté, tu serais pas un peu couillon dans ton genre ?” » (P. Brun, Raimu mon père, 1980, 195).
dérivés. Hérault, Lot, Haute-Garonne (Toulouse), Aveyron couillonnet, ‑ette adj. fam. "id.". « – Va falloir que je vous trouve un mari, y a pas ! […] – Et pour quoi faire ? – Pour vivre vraiment, couillonnette ! » (R. Blanc, Clément, Noisette et autres Gascons, 1984, 205) ; « – À quoi ça te sert le poinçon [d’un couteau] ? – À faire des trous, couillonnet » (Y. Rouquette, La Mallette, 1994, 19). – NouvelAveyr 1978 ; MoreuxRToulouse 2000 ; aj. à FEW 2, 889b, coleus.
◆◆ commentaire. Le caractère diatopiquement marqué du mot (sud de la France) est dû principalement à un sémantisme moins péjoratif et à son registre (fam.), alors que couillon est considéré ailleurs comme « pop. » (GLLF) ou « très fam. » (Robert 1985 et NPR 1993-2000), l’absence de marque dans TLF (qui cite pourtant l’ex. 10 ci-dessus, de Giono) étant un oubli manifeste. Parmi les dictionnaires généraux contemporains, seuls Rob 1985 et NPR 1993-2000 soulignent cet emploi qu’ils qualifient de « régional (Sud de la France) » et analysent comme une « apostrophe non injurieuse », mais sans exemple d’auteur ; les dictionnaires d’argot, qui pour la plupart enregistrent le terme, donnent aussi parfois cette précision, ainsi Cellard/Rey 1980-1991 (« le français régional du Sud lui confère un sens plus neutre, parfois affectueux ») ; même écho dans Hanse 1994 « Dans le Midi, couillon n’est pas injurieux ». En 1894 déjà, Puitspelu relevait que « ce mot n’a absolument rien chez nous du caractère déshonnête qu’on attribue, paraît-il, au français coïon ». Le fait régional est en outre probablement accentué par une fréquence d’emploi supérieure à celle des autres régions (« ponctuation de la phrase bordelaise, très utilisée » GonthiéBordeaux ; « particulièrement fréquent » ArmKasMars). On notera par ailleurs que l’expression couillon de la lune est sans doute en voie de dérégionalisation. Emprunté à l’italien coglione, le mot est attesté dep. 1560 coïon "homme mou, sans énergie" (v. TLF), et 1572 couillon (« Je parle comme vn couillon’, mais cest la conclusion’ » Roland de Lassus dans Frank Langlois, Con bien fou tu serais Orlando. Correspondance de Roland de Lassus avec le prince de Bavière, Arles, éd. Bernard Coutaz, 1988, 11, comm. de P. Enckell).
◇◇ bibliographie. AnonymeToulouse 1875 « couyon […] n’est pas français, dites coïon, ou plutôt ne dites ni l’un ni l’autre » ; PuitspeluLyon 1894, qui atteste aussi couyon de la lune ; JoblotNîmes 1924 ; GonthiéBordeaux 1979 « sans aucune nuance injurieuse ou grossière » ; DuclouxBordeaux 1980 ; BouvierMartelProv 1982, 162 couillon de la lune « très commun en Provence » ; TuaillonRézRégion 1983 ; BouvierMars 1986 ; MartelProv 1988 ; BlanchetProv 1991 couillon et couillon de la lune ; BoisgontierMidiPyr 1992 « cité pour mémoire parce qu’enregistré par les dictionnaires du français moderne » ; CouCévennes 1992 « est parfois un compliment » ; ArmanetBRhône 1993 ; PénardCharentes 1993 ; MazodierAlès 1996 « pas toujours péjoratif, peut être amical et même élogieux » ; FréchetDrôme 1997 couillon "apostrophe amicale" et couillon de la lune, « usuel » ; ArmKasMars 1998 « employé sans agressivité, souvent comme une apostrophe condescendante » ; MoreuxRToulouse 2000 « nuance conviviale » ; SuireBordeaux 2000 ; FEW 2, 889a-b, coleus.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Hautes-Alpes, Alpes-Maritimes, 100 % ; Var, 65 % ; Bouches-du-Rhône, 60 % ; Alpes-de-Haute-Provence, Vaucluse, 50 %.