esquicher v. tr.
〈Drôme, Hautes-Alpes, Provence, Gard, Hérault, Aveyron, Ardèche〉 fam.
1. [Le sujet désigne un animé ou un inanimé concret] "aplatir, appuyer fortement sur, déformer par une forte compression, par un choc violent". Stand. comprimer, écraser, serrer. Synon. région. piler*, quicher*. – J’ai la tête dans un carcan, ça m’esquiche de partout (P. Cauvin, Rue des Bons-Enfants, 1990, 70). Esquiche ton pan bagna, ça coule (BlanchetProv 1991). Mèfi* ! Tu vas esquicher les fraises (MazodierAlès 1996).
1. […] je coupe l’oignon et je prends quatre ou cinq gousses d’ail que j’esquiche d’un coup de poing… (Ch. Blavette, Ma Provence en cuisine, 1984 [1961], 61.)
2. Il se releva comme un fou et dit, d’une voix de forcené :
– Tu es complètement con ! Tu veux « m’esquicher » comme une merde ! (R. Rivier, Les Transes de melon, 1970, 16.) 3. D’autres viticulteurs avaient des comportes, des semaus, qui, remplies à ras bord, étaient souvent « esquichées » par le videur de seaux avec un pilon […]. (L. Chaleil, La Mémoire du village, 1989 [1977], 246.)
4. Vannaud était malade de rage, il parlait […] d’aller « foutre une bonne branlée à cet enfoiré d’Ikler » dont les troupes étaient responsables de notre désastre, « […] Je te les esquiche sous des tanks et qu’ils deviennent […] du coulis […] ! » (M. Stèque, La Tour de Siagne, 1981, 50.)
5. – Ici et maintenant, je déclare que trop c’est trop […]. Le prof de maths, on va l’immoler
sur l’autel de la vengeance. […].
Mais quoi faire exactement ? Lui tomber sur le paletot ? L’esquicher contre un mur ? (H.-Fr. Blanc, Jeu de massacre, 1993 [1991], 20.) 6. […] j’ai l’impression d’exister pour les autres, sans plus. Le syndrome du citron.
Tu sais, ce machin jaune qu’on esquiche. Après on le balance. (Cl. Courchay, Quelqu’un, dans la vallée…, 1998 [1997], 100.)
● Au part. passé/adj. "écrasé, aplati, comprimé". Quand le facteur m’a apporté le paquet, il était déjà esquiché (MédélicePrivas 1981). On était esquichés comme des anchois dans une boîte (BouisMars 1999).
7. – Plutôt la mort que la captivité !
– Mais il est fada* ! Tu te rends compte de ce que tu dis ? Si tu meurs, tu passeras ta vie esquiché dans un cercueil ! (H.-Fr. Blanc, Jeu de massacre, 1993 [1991], 132.) — Dans une comparaison.
8. – Si je te revois dans mes pattes, je t’esquiche comme une sardine, grogna-t-elle […]. (M. Courbou, Les Chapacans, 1994, 78.)
● Au part. passé/adj.
9. – […] Il est esquiché comme une sardine. (J. Giovanni, Le Deuxième Souffle, 1988 [1958], 135.)
10. Dans la petite boutique, esquichées comme des sardines, elles [les commères] se bousculaient, palpaient, discutaient, se fâchaient et se
raccommodaient à peu près tout de suite… (M. Albertini, Les Merdicoles, 1998, 104.)
— Avec un compl. d’obj. désignant une partie du corps. Ces souliers neufs m’esquichent les orteils (NouvelAveyr 1978).
— Emploi pron. (avec un compl. d’obj. désignant une partie du corps) Je me suis esquiché les doigts dans la porte (GermiLucciGap 1985 ; GermiChampsaur 1996). Elle aime bien s’esquicher les boutons (FréchetDrôme 1997).
11. « […] Et l’arnica, vous savez ce que c’est ? Moi quand on m’en mettait une goutte parce
que je m’étais esquiché le doigt, on m’entendait hurler depuis Peyruis ! […]. » (P. Magnan, La Maison assassinée, 1988 [1984], 236-267.)
2. [Le sujet et l’objet désignent une personne ou une partie du corps]
— En part. "caresser avec insistance, serrer d’un peu trop près". Stand. fam. peloter, tripoter. Synon. région. furer*.
12. Elle […] ouvrait de grands yeux quand je lui esquichais ses petites miches [= fesses], dans l’ombre des couloirs. (A. Paraz, Une fille du tonnerre, 1952, 169.)
13. On faisait [au Mardi gras] des farces dans les rues aux passants en leur jetant de
l’eau, de la farine ; on embrassait et on « esquichait » un peu les filles. (L. Chaleil, La Mémoire du village, 1989 [1977], 220.)
14. – Et alors, dit-elle, c’est pour cette raison qu’il faut que je me laisse esquicher dans les coins par leur couillon* de fils ?
– Qui te parle d’esquicher ? Tu le maries et après tu le trompes avec qui tu veux […]. (P. Cauvin, Rue des Bons-Enfants, 1990, 139.) — Emploi pron. réfl. réciproque "se serrer, se presser".
15. L’hiver, on s’« esquichait » tous autour de l’âtre, pour avoir plus chaud. (L. Chaleil, La Mémoire du village, 1989 [1977], 143.)
16. Donc, Marie s’installa à l’arrière [de la voiture], accotée à la caisse de vin, et
les deux voyageurs s’esquichèrent auprès de Bastide. (M. Lebrun, Autoroute, 1993 [1977], 280.)
17. Pour ceux qui allaient vers la presqu’île, la Madrague en particulier, toute la famille
se logeait, en s’esquichant un peu, sur les banquettes du petit car rouge qui nous attendait devant le bar de
la Poste, aujourd’hui le Latino. (M. Fillol, Les Cigales chantent encore, 1999, 81-82.)
V. encore s.v. dégun, ex. 3.
● Par métaph.
18. Les nuages « s’esquichent » les uns les autres pour former un couvercle gris. Au loin dans la vallée, le tonnerre
roule sa colère […]. (M. Fillol, Petites Chroniques des cigales, 1998, 165.)
3. 〈Drôme〉 Emploi pron. réfl. "se soumettre". Stand. fam. s’écraser. – Un jour ou l’autre il faudra t’esquicher, tu ne seras pas toujours le roi, va (FréchetDrôme 1997).
◆◆ commentaire. Caractéristique du français dans une aire compacte du Sud-Est, esquicher est un emprunt récent à l’occ. esquicha, de même sens (Mistral). Absent de TLF, il est accueilli en ce sens par GLLF (« dialect. », avec un exemple de L. Daudet), Rob 1985 (« régional (dans le Midi) », sans date et sans exemple), NPR 1993-2000 et Lar 2000 (« région. (Midi) ») ; il est signalé comme caractéristique du français de Nîmes dep. 1924 (Joblot) et
de Marseille dep. 1931 (Brun). Si on le relève dès 1912 dans Villattea, qui le qualifie de « pop. », le mot n’a pas eu de postérité en fr. standard pop. ou en argot et il est absent
des dictionnaires de EsnaultArg 1965, CaradecArgot 1977-1998, CellardRey 1980-1991
et ColinArgot 1990 ; mais, dans un autre sens, esquicher "jouer sa carte la plus faible pour éviter de perdre (au jeu de reversi, où le gagnant
est celui qui fait le moins de levées)" est attesté dep. 1789 (FEW) et Lar 1870 signale, sans marque d’usage, un emploi fig.
dans lequel on peut voir se profiler le sens 3 ci-dessus "rester neutre dans une discussion, ne pas avancer son opinion de peur de se compromettre".
a D’après une indication, vérifiée, de Doillon, décembre 1983, 18.
◇◇ bibliographie. JoblotNîmes 1924 ; BrunMars 1931 ; GrimaudBoules 1968 ; GebhardtOkzLehngut 1974 ;
NouvelAveyr 1978 ; RLiR 42 (1978), 171 (Provence, Ardèche, Drôme) ; MédélicePrivas
1981 « très vivant ; […] langage familier » ; BouvierMars 1986 ; CaprileNice 1989 ; BlanchetProv 1991 ; CampsLanguedOr 1991 ;
LangloisSète 1991 ; CouCévennes 1992 ; ArmanetBRhône 1993 ; CovèsSète 1995 ; GermiChampsaur
1996 ; MazodierAlès 1996 ; FréchetDrôme 1997 « globalement bien connu » ; ArmKasMars 1998 ; BouisMars 1999 ; FEW 12, 6a, skits.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Alpes-Maritimes, 90 % ; Var, 80 % ; Hautes-Alpes, 75 % ;
Bouches-du-Rhône, 60 % ; Alpes-de-Haute-Provence, Vaucluse, 50 %. EnqCompl. 1999. Taux de reconnaissance : Alpes-de-Haute-Provence, 100 % ; Gard, Hérault, 100 %
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