fils [fi] n. m.
〈Surtout Morbihan, Loire-Atlantique, Maine-et-Loire, Vendée, Deux-Sèvres, Vienne, Charente-Maritime,
Charente〉 Dans les loc. nom. (épicènes) et interj., fam. ou pop. fils de garce / de la mère / de putain / de vesse !
1. Loc. nom. invar.
1.1. péj. "individu (homme ou femme) méprisable". Synon. région. bordille*, estrasse*. – Un grand fi de vesse (H. Bouyer, Le Populaire de l’Ouest, 22 mai 1948, dans BrasseurNantes 1993). Ces deux fidegarces (J. Anglade, Les Ventres jaunes, 1991 [1979], 90). Ce grand fi-de-garce (Y. Brochet, « Allez, tôpette ! », 1998, 13).
1. … tout un chacun savait ce qu’il fallait en penser [de Sidonie], […] une salope, une
fî de garce, une traînée. (J.-P. Mahé, La Grande Marie ou la fille du sonneur, 1967 [1947], 111.)
2. – Citoyens, la nation…
– Votre nation, c’est une fi de garce ! – Attention ! vous insultez la République. (Y. Viollier, La Chasse aux loups, 1985, 24.) V. encore s.v. doué (ma –), ex. 14 ; même, ex. 4.
— Comme terme d’adresse.
3. – Fi d’ garn’ de chien ! cria-t-il, passe pas par là !… C’est mon terrain. (J. Rolland, Nanon, fille du Sillon, 1946, 44.)
4. – Sacrée fî de vesse, ferme ta goule* ! (J.-P. Mahé, La Grande Marie ou la fille du sonneur, 1967 [1947], 32.)
5. Quant à toi, mon fils de vesse, je vais aller chercher mon fusil pour te faire la peau. (H. Pitaud, Le Pain de la terre, 1982, 63.)
6. Elle redoubla de plus belle.
– Tu vas en avoir[,] mon fils de garce, tu vas t’en repentir, mon salaud. (Chr. Leray et E. Lorand, Dynamique interculturelle et autoformation. Une Histoire de vie en pays gallo, 1995, 255.) 1.2. [Avec une connotation méliorative] "bougre, drôle".
7. Il ne peut plus marcher, le pauvre fils de garce. (Y. Viollier, Retour à Malvoisine, 1979, 103.)
8. – Robert, pauvre fils de garce… J’ai bien connu sa mère, la Félicia… une bonne personne […]. (I. Favreau, Les Mouettes en rient encore, 1987, 44.)
9. Le grand « fî’ d’ garse » [en note : juron dont le sens est évident. Il existe des variantes comme « fî’ d’ moine » ou « fî’ d’ putain ». Les Vendéens ont leur : « fî’ d’ garne »] gratte les cochons tout au long de la semaine et les hommes le dimanche avec les
mêmes rasoirs. (Y. Brochet, Le Braco. Mémoire d’un angevin, 1997, 187.)
2. Loc. interj. "(pour marquer la réprobation, la surprise, l’admiration ; pour renforcer une assertion)". Synon. région. fan* de + subst. – Sacré fi d’ vesse (M. Richard, Une enfance heureuse. Une enfance vendéenne, [après 1960], 24).
10. Au quatrième [verre], fils d’ la mère ! C’est là que se produisit la catastrophe. (L. Perceau, Les Contes de la pigouille, 1967, n.p. [114].)
11. C’est bien un mâle, au moins ? Oui : pas à s’y tromper. Et fi de garce, qu’il ressemble à son père ! (P. Villeger, Bois des Fautes, 1972, 17.)
12. – Fi de garce, disait parfois Belote, j’ai bien mangé et bien bu. (R. Saizeau, La Mère à la piarde, 1985, 65.)
13. […] l’odeur de cive [= ciboule] de leur haleine. Fi’ d’ garce, ça entretient la santé ! (J. Syreigeol, Vendetta en Vendée, 1990, 105.)
14. Elle a voulu me caresser.
– T’es pressée, fi’ de la mère ! (J. Syreigeol, Vendetta en Vendée, 1990, 160.) 15. – Fi’ de vesse ! paie-moi un coup, la Maria ; je crève de chaud. (J. Syreigeol, Miracle en Vendée, 1991, 128.)
16. – Ça n’en fait-y des petites boules, fî’ d’putain, remarqua un attablé.
– Qu’on dirait de la grêle, bon Diou d’bon Diou, précisa son voisin. (Y. Brochet, Le Braco. Mémoire d’un angevin, 1997, 200.) □ En emploi autonymique.
17. Tous ces préparatifs avaient encore surexcité le vieux Duranteau. Lorsque quelque
malicieux lui en parlait ou y faisait allusion, il serrait les dents sur le tuyau
de sa courte pipe en rabâchant des « fi d’ garn’ » et des « fi d’cochon » d’un comique irrésistible, tandis que ses petits yeux luisaient de fureur. (J. Rolland,
Nanon, fille du Sillon, 1946, 47.)
18. Bien que son prénom fût Sylvanie, elle se trouvait affublée elle aussi du sobriquet
de Figasse, mot à consonance bien vendéenne, dont on avait la bouche pleine et qui
rappelait, de surcroît, soit la figue molle, soit le juron familier de « fils de garce ». (M. Richard, Une enfance heureuse. Une enfance vendéenne, [après 1960], 41-42.)
19. Une partie au moins des Poitevins ont constamment à la bouche fi de putain qui en arrive à avoir la valeur atténuée de sapristi, lui-même vieil euphémisme. Dans une partie du Sud-Est, le mot est altéré euphémistiquement
[sic] en fan* de pié. (M. Cohen, Une fois de plus des regards sur la langue française, 1972, 184.)
20. […] tous les « fi de vesse ! » entendus dans le village. (L. Gaborit, Quand on était petits à la Tranchelardière, 1998, 118.)
■ graphie. La graphie fréquente fi témoigne d’une prononciation [fi], qui est constante et constitue un archaïsme (v. Fouché
679, rem. I). Dans les ex. 3, 9 et 17 (note), garne est une variante euphémique de garce.
■ remarques. Le paradigme est assez ouvert et on notera aussi (outre les locutions signalées dans
l’ex. 9), notamment dans le Centre-Ouest, fi de bougre (H. Bouyer, Le Populaire de l’Ouest, 22 octobre 1950, dans BrasseurNantes 1993), fils de loup (« une espèce de “fils de loup” […] avec un chapeau mou comme une poire blette » (J.-Fr. Bourasseau, Le Rosé de Pissotte, 1988, 7) et fils de cochon (ci-dessus, ex. 17 et Ch.-A. Klein, La Terre dans les veines, 1978, 63).
◆◆ commentaire. Emplois non pris en compte par les dictionnaires généraux contemporains, bien ancrés
dans le Centre-Ouest, notamment en milieu rural. La lexie fils de garce est attestée comme terme d’injure dep. 1651a. De son côté, vesse équivalent de putain ou de chienne est attesté dep. 1415 à Saint-Jean-d’Angély (AHSA 32 (1902), 144) ; en patois, feil de vesse est attesté dep. 1661 (Œuvres de Jean Drouhet, publ. par A. Richard, Poitiers, 1878, 28)b.
a « Quoy ? ce Bastard, ce fils de Garce, Ce gros Guillaume pour la farce […] » (L. Richer, L’Ovide bouffon ou les Métamorphoses burlesques, Paris, Quinet, 1652, t. 4, 71 ; comm. de P. Enckell).
b Noter, dans le même paradigme, fils de caigne (Dassoucy, 1648) et fils de chienne (Scarron, 651) ; comm. de P. Enckell.
◇◇ bibliographie. VerrOnillAnjou 1908 fi-de-garse ! « expression […] sans idée d’injure ; très employée » ; CormeauMauges 1912 fi-de-garne « très fréquent », fi-de-garse/putain/vesse ; BrasseurNantes 1993 fi de bougre/vesse ; RézeauOuest 1984 et 1990 « d’emploi très fréquent surtout en interjection », ces locutions n’ont « pas généralement de caractère injurieux ou grossier, sauf charge affective particulière
dans le discours » ; PénardCharentes 1993 fi de chien/de garce/de loup ; BlanWalHBret 1999 fi-de-garce « usuel, rural » ; aj. à FEW 3, 521a filius.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (fils de garce) Charente, Charente-Maritime, Deux-Sèvres, 100 % ; Vendée, 75 % ; Vienne, 60 %. (fils de la mère) Charente, Deux-Sèvres, 100 % ; Charente-Maritime, 75 % ; Vendée, 25 % ; Vienne,
20 % ; (fils de vesse) Charente-Maritime, 75 % ; Deux-Sèvres, Vendée, 25 % ; Charente, Vienne, 0 %.
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