mener v. tr.
〈Hautes-Alpes, Provence, Haute-Loire (Velay), Puy-de-Dôme, Creuse, Dordogne〉 [L’obj. désigne une personne] fam. "amener, emmener avec soi".
1. Mais qui c’est qui passe derrière mes lilas ? Ah, je le vois, justement c’est l’aïguadier
[= celui qui a la charge de répartir l’eau]. Et tè*, ils sont deux aujourd’hui ? Il a mené un collègue* ? Qui ça peut bien être ? (Th. Monnier, Madame Roman, 1998 [1957], 8.)
2. – Bravo, Pitchounet*, me dit Mond. Un de ces jours, je te mènerai chasser avec moi. (M. Pagnol, La Gloire de mon père, 1995 [1957], 145.)
3. – Mais de quoi tu te mêles ? […] Il [grand-père] est assez grand pour y aller tout
seul.
À peine boudeuse[,] la Pitchote se tourna vers l’aïeul : – Pas vrai que tu me mènes ? (P. Roux, Contes pour un caganis, 1983 [1978], 129.) 4. Tu aurais vu les repas du dimanche dans le jardin de Saint-Loup ! C’était quèque chose.
On était tous réunis sous les platanes, au moins une dizaine parce que les frères
ils menaient leur fiancée et des fois Elise, elle avait une copine ou deux. (R. Bouvier, Tresse d’aïet, ma mère, 1997 [av. 1992], 84.)
5. Cadet a trouvé le prétexte d’une intention de ruches à installer et de conseils à
demander au tailleur de mouches pour l’inviter ce dimanche : « Et menez donc vot’ gars*… » (A. Rey, La Montagne aux sabots, 1994, 205.)
V. encore ici ex. 7.
— Suivi d’un complément (ou d’une proposition infinitive) marquant la destination. Docteur, je vous ai mené le petit, parce qu’il est fatigué* en ce moment (BouvierMars 1986). Mon grand-père me menait promener (P. Magnan, Les Secrets de Laviolette, 1993 [1992], 155).
6. – Ne m’en parle pas, j’ai même pas pu mener ma mère à la messe, la pauvre c’est elle qui a voulu me faire le repas [de communion], peuchère*, avec ça, on est une bonne trentaine à manger […]. (G. Ginoux, Dernier labour au Mas des Pialons, 1994, 134.)
7. – Albert va vous mener promener cet après-midi pour essayer son auto, confia Jeannot à sa petite sœur.
– S’il mène quelqu’un, ce sera moi, intervint Lucienne. (H. Noullet, La Falourde, 1996, 233.) 8. – J’ai pas vu Céleste ce matin, nous dit-il, il devait me mener au cimetière pour voir une tombe. (J.-Cl. Libourel, Le Secret d’Adélaïde, 1999 [1997], 131.)
V. encore, s.v. bise, ex. 4 ; char, ex. 22.
◆◆ commentaire. Attesté dep. la fin du 18e siècle dans le français populaire de Parisa et condamné à la même époque à Toulouse, cet emploi n’est pas marqué diatopiquement
dans les dictionnaires généraux du français contemporain (mais mener (avec soi) est qualifié de « vx » dans Rob 1985). Il semble pourtant, notamment lorsque le verbe est employé sans complément
marquant la destination, être employé avec une fréquence particulière dans la partie
méridionale de la France, et notamment en Provence.
a « la Mere rogome. – Ah ! voilà ce qui s’appelle parler. Il est gentil cet enfant ! Allons, allons,
je le menerai avec moi quand je n’irons nulle part » ([Carmontelle], La Marchande de cerises, 1773. Proverbes dramatiques, Versailles, Poinçot, 1783, t. 6, 79 ; comm. de P. Enckell).
◇◇ bibliographie. DesgrToulouse 1766, 170 « mener, pour amener. Beaucoup de Gascons ne connaissent que mener […] » ; BonnaudAuv 1976 ; BouvierMars 1986 ; QuesnelPuy 1998 ; BouisMars 1999 ; FEW 6/2, 100b, minare.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Hautes-Alpes, 100 % ; Alpes-Maritimes, 85 % ; Bouches-du-Rhône,
Var, 80 % ; Vaucluse, 65 % ; Alpes-de-Haute-Provence, 50 %.
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