trie n. f.
〈Surtout Bordelais (Sauternes)〉 viticulture "vendange partielle au cours de laquelle ne sont prélevés que les raisins ou les grains
atteints de pourriture noble". Certaines grappes exigent 14 « tries » (Le Monde, 25 août 1995, 10). Les premières tries dans le Sauternais (Sud-Ouest, 13 septembre 1995).
1. Au lieu, comme tous les vignerons du monde, de vendanger à la fin de septembre des
grappes saines, ceux d’ici [à Sauternes] attendent l’attaque du botrytis cinerea, lequel, quand il daigne apparaître, ne se répand que grain par grain, si bien qu’il
faut des semaines pour que tous les grains soient contaminés. Ainsi la récolte commencée
sur le tard se poursuit-elle jusqu’à la fin novembre. Les vendangeurs procèdent par
tries successives ne récoltant à chaque passage dans les vignes – il y en eut parfois jusqu’à
onze à Yquem – que des raisins nécrosés, chiffonnés par le botrytis. Pareille méthode
donne les bonnes années des moûts d’une exceptionnelle richesse […]. (P.-M. Doutrelant,
Les Bons Vins et les autres, 1976, 41-42.)
2. Le vin de Monbazillac est produit avec des raisins atteints de « pourriture noble » et recueilli [sic] en trois ou quatre « tries » successives. (R. Dumay, Guide du vin, 1985 [1983], 212.)
3. Le microclimat favorise la fameuse « pourriture noble » : en automne, les brouillards qui montent de la Dordogne et de son petit affluent,
la Gardonnette, provoquent le développement du Botrytis cinerea mais, comme ils se dissipent en fin de matinée, le champignon ne s’attaque qu’à la
pellicule. Devenue perméable, elle favorise l’évaporation de l’eau et la concentration
du moût. Pour vendanger, on attend donc cette surmaturation et quelques vignerons
restent fidèles à la technique des « tries » pratiquées dans le Sauternais. (M. Mastrojanni, Cl. Peyroutet, Les Vins blancs, 1988, 159.)
4. – Oh ! té*, on a fait une trie la semaine dernière, mais c’était pas assez mûr, et on préfère attendre…
– Et quand est-ce que vous reprendrez ? – La semaine prochaine, si le temps est beau et que ça mûrisse bien, on fera une seconde trie… (Recueilli par J. Boisgontier à Sainte-Croix-du-Mont, Gironde, le 22 septembre 1995 ; témoin femme env. 40 ans.) 5. Les vendanges [du Château de Suronde, Anjou] sont manuelles et par tries successives (huit en 1996 !). (Le Monde, 27 janvier 1999, 25.)
■ remarques. Sous des plumes étrangères à la région, on rencontre parfois tri, n. m. « […] vendanges manuelles [à Saint-Estèphe], sélection par tri […] » (L’Événement du jeudi, 18 janvier 1996, 102).
◆◆ commentaire. Attesté dans le français du Bordelais dep. le 18e siècle (« Le vint troisième octobre 1752, j’ay commencé a vandanger le rouge, sans avoir encor
fait aucune trie du blanc » Comptes de J. Bouchardeau, de Sainte-Croix-du-Mont, dans G. Bord, Un vignoble bordelais aux xviiie, xixe et xxe siècles, Bordeaux, 1924, 8), ce sens, sinon cette pratique, est caractéristique du vocabulaire
des vignerons du Sud-Ouest, où on le retrouve documenté par exemple au début du 20e siècle : « […] les vendangeurs, en pays de Sauternes, ne cueillent souvent les derniers grains
de raisin que dans la première décade de novembre ; ils sont passés trois fois, quatre
fois dans les mêmes rangs, ciselant chaque fois dans les grappes les seuls grains
arrivés à maturité et laissant pour la trie suivante ceux qui ont encore besoin de quelques rayons de soleil, de quelques degrés
de température pour atteindre la perfection », Notice 1906, 153). Il est cependant quelque peu diffusé en dehors de leur milieu
et de leur région (v. ici ex. 5), en raison du prestige attaché aux vins ainsi obtenus.
Emploi par restriction de fr. trie n. f. (lui-même déverbal de trier) "action de faire un choix", attesté particulièrement dans le Sud-Ouest depuis le 16e siècle (et dénoncé par VillaGasc 1802 et JBLGironde 1823, 149). Non enregistré dans
la lexicographie générale.
◇◇ bibliographie. Henri Redeuilh, « Notes sur l’ancienneté de la méthode des vendanges tardives et des “tries” en Sauternais et à Sainte-Croix-du-Mont », dans Vignobles et Vins d’Aquitaine. Actes du xxe Congrès d’études régionales de la Fédération historique du Sud-Ouest, Bordeaux 17-19 novembre
1967, Bordeaux, 1970, 373-380 ; BoisgontierAquit 1991 ; aj. à FEW 13/2, 304b, tritare (où cet emploi manque).
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
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