baïne n. f.
〈Lot-et-Garonne (spor.), Gers, Pyrénées-Atlantiques, Landes, Gironde〉 usuel "dépression allongée creusée par la mer dans le sable de l’estran, particulièrement
dangereuse à marée montante en raison des courants".
1. Les risques de noyade sur les plages à baïnes exigent une surveillance attentive des conditions de baignade et de navigation côtière.
Certes, les baïnes peuvent être utilisées à marée basse par les enfants, mais leur mobilité et les dangers
qu’elles présentent à marée montante et descendante requièrent une parfaite connaissance
de la topographie de la plage. Dans certaines stations, comme Seignosse-plage[,] un
schéma de la plage, de ses baïnes et de ses courants est dessiné à proximité des voies d’accès. (M. Cassou-Mounat,
La Vie humaine sur le littoral des landes de Gascogne, 1977, t. 1, 54, n. 1.)
2. Il faut l’affirmer avec force car trop d’estivants l’ignorent, qui, en dépit de tous
les avertissements, se baignent hors des secteurs de plage surveillés. Les rouleaux
des houles très violentes happent et aspirent le baigneur imprudent ; un courant rapide
coulant vers le sud dans une baïne, creux modelé dans la plage par la mer, l’entraîne au large : des dizaines de noyades
chaque année viennent endeuiller la côte de Gascogne. (L. Papy, Les Landes de Gascogne et la côte d’argent, 1978, 162.)
3. N’ayons pas peur, non plus, de signaler aux kunus [= baigneurs en maillot de bain ;
naturistes, nudistes] que nos plages sont dangereuses et même meurtrières, qu’il n’y
a rien de plus traître que cette baïne qu’ils nomment, selon leurs ambitions sportives, piscine ou cuvette, et que de terribles
courants, des lames maléfiques sont prêts à faucher ceux qui ne savent pas jouer avec
eux. (Chr. de Rivoyre, Belle Alliance, 1982, 199.)
4. Le danger principal, responsable de 80 % des noyades du littoral atlantique entre
la Gironde et l’Espagne, est d’autant plus grand qu’il est inconnu des non-initiés.
Qui plus est, il porte le nom charmant de baïne, mot du patois landais qui signifie « petit bain ». […] Les baïnes […] sont parfaitement trompeuses. […] C’est un petit lac séparé de la haute mer par
un banc de sable. L’eau, peu profonde et particulièrement calme et chaude, est bien
tentante, mais lorsque la marée monte ou descend[,] les courants qui se forment à
la sortie de la baïne sont tellement forts que même un maître nageur expérimenté ne saurait résister à
l’entraînement vers le large. […] Et il n’est même pas possible de signaler la position
des baïnes, car elles sont continuellement modifiées par les vents et les marées. (A. Woodrow,
dans Le Monde dimanche, 5 septembre 1982, V.)
5. Il préférait les coins [d’une plage près de Bordeaux], déserts et dangereux, fermés
au public, aimant s’affaler tout habillé dans une baïne au soleil, la tête au niveau des sablons frisés par le vent bourru, guettant la marée
qui rendait les appuis mouvants, ne se repliant qu’après avoir eu peur de s’enliser.
(Y. Queffélec, Les Noces barbares, 1989 [1985], 112-113.)
6. […] courant après les petits crabes gris qui se cachaient dans le sable mouillé ou
les coquillages qui ressemblent à un couteau fermé, lançant des galets sur les mouettes,
sur les culs blancs, pêchant avec une vieille fourchette des soles dans les baillines [sic], Léopold redécouvrait la joie de vivre […]. (J. Cayrol, Les Châtaignes, 1986, 66.)
— Au sing., à valeur générique.
7. Conservatoire de formes détruites et reconstruites à chaque marée avec la même minutie
et la même régularité que dans un bassin d’expérimentation, la baïne est le modèle idéal des observations in situ des formes de l’hydraulique marine. Les chercheurs trouvent dans son évolution les
éléments d’une dynamique des plages. (Ch. Daney, Dictionnaire de la Lande française, 1992, 33.)
V. encore ci-dessus, ex. 4.
■ encyclopédie. L’Enduro des baïnes est le « nom d’une course de moto tout-terrain qui a lieu tous les hivers sur le littoral médocain » (BoisgontierAquit 1991).
◆◆ commentaire. Attesté seulement dep. 1934 (Dauzat) mais probablement bien antérieur en français,
ce terme, d’origine inconnue (malgré A. Woodrow, ex. 4 ci-dessus), est caractéristique
de la côte girondine et landaisea ; les enquêtes indiquent une reconnaissance nette dans les départements côtiers et
très diverse dès que l’on s’en éloigne.
a Depuis une dizaine d’années, sur la plage du Veillon à Bourgenay (Talmont-Saint-Hilaire,
Vendée), une pancarte met en garde les baigneurs contre les dangers de la « baïne ». On verra là un indice d’une certaine dérégionalisation du mot.
◇◇ bibliographie. DauzatStGeorgesD 1934-1946 « boine f. […] trou d’eau sur la côte, dans les rochers ; les Bordelais disent baïne. Vieux mot régional, qui pourrait être dérivé de *baua, boue (*bau-ina) » ; GonthiéBordeaux 1979 ; DuclouxBordeaux 1980 ; SuireBordeaux 1988 et 2000 m. [sic] ; BoisgontierAquit 1991 « mot très vivant, d’autant plus qu’il n’a aucun équivalent français [standard] connu » ; DAG Ø ; FEW 21, 31b ‘rocher creusé par l’eau’.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Gers, Gironde, Landes, Pyrénées-Atlantiques, 100 % ; Lot-et-Garonne,
20 % ; Hautes-Pyrénées, 0 %.
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