bastonner v.
〈Hautes-Alpes, Provence〉 fam.
1. Emploi tr. "battre, corriger, infliger une correction à qqn". Stand. pop. cogner, tabasser. – J’y vais, parce que sinon après, ma mère elle me bastonne (oral, Marseille, 1990).
1. C’est vrai, quand il s’engatse*, il tourne plutôt au rouge. On l’a bien vu, au supermarché, le jour où il a bastonné le pickpocket. (Ph. Carrese, Tue-les, à chaque fois, 1999, 19.)
— Emploi pronom. réfl. récipr. "échanger des coups ou se disputer violemment". Vous n’avez pas fini de vous bastonner comme ça, non ? (oral, Marseille, 1995).
2. L’interne pose les points de suture […]. Juste l’arcade et le cuir chevelu […]. /
– Salut, Nòno, tu nous fais deux [pizzas] royales ? – Salut les jeunes. Toi, tu t’es encore bastonné. (R. Merle, Treize reste raide, 1997, 20 et 43.) 2. Au fig. Emploi intr. "produire un effet puissant".
— [sujet animé] Stand. fam. faire fort, faire un tabac, mettre le paquet. – C’est normal qu’il ait gagné, dans tous les virages il a bastonné comme un malade (ArmanetBRhône 1993). À l’interro de maths, j’ai bastonné ! (ArmKasMars 1998).
3. L’OM [Olympique de Marseille, club de football], ils ont encore bastonné hier soir ! (oral, Marseille, 1994.)
— [sujet inanimé concret]
● À propos d’un fromage. Qu’est-ce qu’il bastonne, ce fromage ! (oral, 1993, à propos du fromage de Banon, Alpes-de-Haute-Provence).
◆◆ commentaire. Afr. bastonner "donner des coups de bâton", attesté dep. le déb. du 13e s. (Reclus de Molliens, TLF) s’est transformé graphiquement au cours du 18e s. en bâtonner, le [-s-] s’étant déjà amuï au Moyen Age dans la langue parlée ; mais la forme bastonner avec prononciation [-st-] s’est maintenue dans le Sud de la France (« prononcez l’s », PellasAix 1723) sous l’influence de l’occitan, et a pris le sens par extension de
"battre", développant ensuite d’autres emplois figurés. Le verbe est signalé au 20e s. en argot, en 1926 à Lyon bastonner "rosser" et en 1929 à Aix se bastonner "se colleter" (EsnaultArg 1965) ; la diffusion et la dérégionalisation du mot se sont en effet
produites par ce canal, et il est à ce titre enregistré aujourd’hui dans les dictionnaires
d’argot (ainsi CellardRey 1980 et 1991 et ColinArgot 1990) et marqué « argot » dans la lexicographie générale (Rob 1985 ; TLF ; Lar 2000), ce qui a pu dissuader
les lexicographes régionaux de le relever. Mais le fait qu’en Provence bastonner appartienne au registre conventionnel et qu’il y soit très largement reconnu, en
fait un terme géographiquement marqué ; ce caractère est par ailleurs renforcé du
fait de l’emploi intransitif, propre à la Provence. L’absence d’attestations écrites
pour cette région dans la documentation donne cependant à penser que le terme y est
cantonné dans le registre familier.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Hautes-Alpes, Bouches-du-Rhône, Var, 100 % ; Alpes-Maritimes,
90 % ; Alpes-de-Haute-Provence, Vaucluse, 50 %.
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