engatse n. f.
〈Provence〉 pop.
1. "situation difficile ou confuse, que l’on subit ; par méton. difficulté découlant de cette situation". Stand. ennui, problème, fam. embrouille, emmerdement.
1. « Ce pauvre docteur aura bien assez d’engatses quand il aura tué son père ! » se dit-il en s’éloignant […]. (M. Courbou, Les Chapacans, 1994, 91.)
2. – Alors, Sanchez, je dis en m’approchant de lui. Comment t’expliques ça ? […]
– Ben, vé*, je m’explique pas. Y a jamais eu d’engatse. (J.-Cl. Izzo, Total Khéops, 1995, 156-157.) 2. "situation difficile ou confuse, que l’on provoque par bêtise, erreur de jugement ou
maladresse ; par méton. difficulté découlant de cette situation". Stand. fam. ou pop. connerie, merde, salade. Synon. région. cagade*, couillonnade*. – Il y a des joueurs qui pratiquent l’engatse dans le jeu, qui veulent semer la panique (Entendu en 1992 à Marseille, dans MartelBoules 1998).
3. Il y a tellement d’engatses entre les membres des mêmes partis politiques, que dégun* veut dire avec qui il court. (Ph. Carrese, Trois jours d’engatse, 1995, 40.)
4. Quand on n’est pas du Panier [quartier de Marseille], on ne vient pas y faire d’engatse. On s’écrase ou on prend son mal en patience. (J.-Cl. Izzo, Chourmo, 1996, 133.)
5. Jamie, mon collègue*… Tu veux me faire plaisir, arrête tes engatses. (Fr. Thomazeau, Qui a tué Monsieur Cul ?, 1998 [1997], 113.)
□ En emploi métalinguistique.
6. […] un mot avait fait son apparition dans la ville [Marseille], un mot qui résumait
toute la situation, un parangon lexical. Il était employé à tort et à travers par
les bouches les plus différentes. On l’invoquait devant la moindre manifestation de
crise, de tension et d’inquiétude […]. Ce mot-là, c’était l’angatse. Lorsqu’il y avait angatse, et j’en profite pour sortir mon ton le plus professoral, c’était qu’il y avait embrouille, quiproquo insoluble et sac de nœuds. L’angatse, c’était un écheveau de faits tellement compliqués que l’on ne pouvait pas s’y reconnaître.
Et à un niveau différent, l’angatse, c’était aussi l’angoisse comme l’indique le latin angustum qui a donné l’allemand angst pas très loin, à une métathèse près, du néologisme provençal. (Fr. Valabrègue, La Ville sans nom, 1989, 105.)
■ graphie. La graphie engatse est la plus usuelle.
■ variantes. (par métathèse) engaste Allez, arrête, fais pas d’engaste (Entendu en 1995 à Cavaillon [Vaucluse], dans MartelBoules 1998).
■ remarques. 〈Provence〉 pop. ou arg. engatser v.
1. Emploi pron.,
a) "perdre le contrôle de soi (stand. s’affoler, fam. paniquer) ; s’énerver ; chercher querelle". « Ils [à Paris] sont calmes, on [à Marseille] s’engatse » (« Marseille c’est pas la France ! » [1973], dans N. Roumestan, Les Supporters de football, 1998, 149) ; « La sonnette de la porte d’entrée me glace littéralement […]. Il a dû entendre la panique
parce qu’aussitôt il crie : – T’engatse pas, c’est Nordine ! » (Ph. Carrese, Trois jours d’engatse, 1995, 77) ; v. encore s.v. bastonner, ex. 1. Emploi pron. réciproque. « – […] Tout est dans le plaisir de s’engatser entre amis, vous comprenez ? C’est ça qui prouve qu’on est bien ensemble » (P.-J. Vuillemin, Les Contes du pastis, 1988, 84).
b) En part. s’engatser de/pour "s’enthousiasmer pour". « Il s’est engatsé pour la petite Mimi » (BouvierMars 1986) ; s’engatser avec qqn "se quereller avec quelqu’un, chercher noise à". « Ça ne sert à rien que je m’engatse avec lui […] » (Ph. Carrese, Trois jours d’engatse, 1995, 47).
2. Emploi tr. "faire perdre (à qqn) son self-control, énerver, pousser à bout". « […] les patrons qui t’engatsent […] » (Ph. Carrese, Tue-les, à chaque fois, 1999, 31) ; « – […] Je veux pas t’engatser de bon matin, mais franchement… » (G. Del Pappas, Massilia dreams, 2000, 8) ; v. encore s.v. meilleur, ex. 9. – BouvierMars 1986 ; ArmanetBRhône 1993 ; ArmKasMars 1998 ; BouisMars 1999.
◆◆ commentaire. Terme d’introduction récente dans le français de Provence, d’origine obscure ; cf. dep.
1978 dans le français du Var, engatsé adj. et n., équivalent de fr. fam. "fana (de), mordu (de)" et engatseries f. pl. "passion, engouement" (« Le fervent de mythomanie […]. Que dire de ses passions ? Que ce sont des “engatseries” […] et que lui-même est “engatsé”. Le terme peut appeler un complément : “il est engatsé de moto” ou se suffire à lui-même pour traduire l’admiration que suscite un tel enthousiasme :
“Quel engatsé, celui-là !” » J. Merlino, Les Jargonautes, Paris, Stock, 1978, 96). On trouve diverses tentatives d’explication dans BouvierMars
1986 (engatser est « formé sur le substantif italien cazzo, qui désigne le membre viril »), BlanchetProv 1991 (s.v. engatse « du corse incazzu, même sens », repris par GoudaillierCités 1997), ArmKasMars 1998 (« le provençal enganche, autre origine possible »), MartelBoules 1998 (engaster serait une « transposition du prov. engasta, lui-même […] déformation probable de gasta, très polysémique mais pris ici dans le sens fig. de “gâter, détériorer[,] pourrir l’atmosphère”. La var. marseillaise engatser est sans doute une métathèse de engaster »). Il est possible que engatser et engatse soient un métissage de fr. d’Afrique du Nord engantcher "faire un croc-en-jambe ; accrocher" (LanlyAfrNord 1970 ; cf. MazzellaPiedNoir 1989 et DuclosAlgérie 1992 qui donnent
plusieurs exemples au fig.), de même origine que pr. s’engancha "s’engager, s’enchevêtrer, s’empêtrer" (Mistral), avec un emprunt à l’it. cazzo (faire un gats, faire un beau gats "faire des histoires, chercher des complications" BouvierMars 1986) ; mais la minceur de la documentation sur le sujet invite à se
méfier des certitudes.
◇◇ bibliographie. BlanchetProv 1991 ; GoudaillierCités 1997 ; ArmKasMars 1998 « d’emploi peu fréquent dans le passé récent » ; MartelBoules 1998.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
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