bon adv. et n. m.
I. Adv.
1. Modalisateur d’énoncé. fam.
— 〈Ardennes, Lorraine, Alsace (surtout Haut-Rhin), Haute-Saône (Ronchamp), Territoire-de-Belfort,
Haute-Savoie, Savoie〉 [Devant certains adjectifs, le plus souvent monosyllabiques, exprimant une qualité
perceptible par les sens, sert à exprimer un jugement favorable sur le contenu de
l’énoncé] "agréablement". Il fait bon chaud dans cet appartement (SalmonAlsacianismes 1991, 333). Le chauffage a été allumé, il fait bon chaud maintenant (Employé d’une association belfortaine, 35 ans, 18 janvier 2000). Avoir bon chaud.
1. Il faisait bon frais. L’eau était noire, bleue, verte, blanche et brune. La montagne était remplie
d’oiseaux qui chantaient de façon plus douce autour de l’étang. (A. Gerber, Le Faubourg des Coups-de-Trique, 1982 [1979], 90.)
2. […] mes meilleurs souvenirs de quaroille [v. couarail] sont des souvenirs d’été. La cour s’offrait à nous, bien exposée au sud, protégée
des vents dominants. La lune, les étoiles fournissaient l’éclairage. Il faisait bon chaud, comme disait mémère Zise. (P. Fohr, Les Vergers de Morhange, 1986, 60.)
3. « C’était [le plumon*] bon chaud en hiver ! » (La Mémoire de la terre au Pays du Sânon, 1996, 287.)
● tenir bon chaud loc. verb. "mettre, laisser bien au chaud".
4. Il [un médecin meusien] me regarda, me palpa, me retourna et recommanda de me tenir « bon chaud ». (P. Gaxotte, Mon village et moi, 1968, 43.)
● Avec accord devant un adjectif féminin. Les serviettes sont bonnes douces (GagnySavoie 1993).
— 〈Haute-Savoie, Savoie〉 [Devant certains adjectifs, sert à renforcer le contenu de l’énoncé] "vraiment". Fais attention, il se pourrait qu’il soit bon saoul (GagnySavoie 1993).
5. « Fais gaffe, ici mets la corde, c’est plein de pots [crevasses], on ne voit rien, mais
c’est “bon pourri” […]. ». (M. Liotier, Celui qui va devant, 1974, 77.)
2. un bon peu*.
II. 〈Provence, Gard, Hérault〉 le bon du jour loc. nom. m. fam. "le milieu de la journée, où la température est censée être la plus agréable". Souvent dans le syntagme au bon du jour.
6. Nous partirons au bon du jour, la bête sera reposée. (M. Mauron, Les Cigales de mon enfance, 1987, 42.)
7. Un mois [septembre] tout baigné d’or, traversé de grappes, frais au matin et au soir,
mais chaud au bon du jour, comme ces bijoux glacés ou ces écus qu’on réchauffe progressivement à la chaleur
de la paume. (M. Rouanet, Bréviaire, 1994 [1987], 203.)
8. Et certes ce jour-là – le bon du jour – le soleil chauffa un peu plus rose. Le ciel d’émail vitrifiait la garrigue. (R. Chabaud,
Un si petit village, 1990, 323.)
9. Février allongeait peu à peu ses journées […]. La température de l’air, au bon du jour, osait quelques audaces printanières. (G. Ginoux, Gens de la campagne au Mas des Pialons, 1997, 15.)
10. Décembre et janvier en Languedoc offrent des journées très étincelantes malgré le
froid vif. Dans les coins abrités du vent où le soleil au « bon du jour » s’attiédit, les amandiers se couvrent de fleurs frêles, sucrées, blanches et roses
exposées audacieusement à la mort. (M. Rouanet, Petit Traité romanesque de cuisine, 1997, 295.)
— Var.
11. – […] vous le [un malade] sortirez un peu sur la porte au bon du soleil de midi, ça y donnera des forces. (Th. Monnier, Madame Roman, 1998 [1957], 169.)
III. Dans des loc. interj. fam.
1. 〈Haute Bretagne, Île-de-France, Centre-Ouest, Côte-d’Or〉 bon d’la ! "(euphémisme pour bon Dieu)". Bond’là, que ça sent bon ! (H. Vincenot, La Pie saoûle, 1981 [1956], 95).
12. « […] – Il est derrière la porte ! hurla une voix.
– Bon d’là ! » s’écria l’abbé Cloarec, en ouvrant la grille. (L. Guilloux, Le Jeu de patience, 1949, 47.) 13. Un bel enfant, crédié ! Sain et bien constitué, sans une tache, sans un bouton, bien
entier et déjà une belle voix, bon d’là . En voilà un, ça se voyait tout de suite, qui deviendrait un sacré gaillard ! Il
ne bouderait pas à l’ouvrage. Huit livres ! Qu’est-ce que vous dites de ça ? (L. Guilloux,
La Confrontation, 1980 [1967], 33.)
14. Quitter sa jument, bon d’là ! quitter sa jument !… Et, peut-être, apprendre un jour, au front, que la réquisition
l’avait enlevée à ses maîtres, à sa bonne écurie chaude, aux soins que les Merlier
prenaient d’elle !… (H. Revault, Marie Courlavoine, la jument et le poulain, 1980, 144.)
15. Bon d’là, Nane-Marie, tu vas m’estropier ! Fais attention à moi ! (L. Petiot, La Bretagne rit, 1982, 146.)
16. – On a trouvé ça, ce matin, sur une coupe à Eugène, dans le secteur des Grands Bois.
– Ben bon d’là ! dit le vieux en avançant le museau. (G. Guicheteau, Les Gens de galerne, 1983, 19.) 17. – C’est toi qui viens pour la Mission de Parçay-les-Pins ?
– Mais oui, bon d’là ! hurla le missionnaire. Et pour Parçay-les-Pins ! (L. de La Bouillerie, Entre Hommes et loups, 1983, 94.) 18. « Allez, Hue, Bon d’là ! » Les petites juments en robe bai titillées d’un scion maladroit et intempestif, bondissent,
les traits se tendent brutalement, à se casser… (L. Lebourdais, Les Choses qui se donnent…, 1995, 107.)
— bon d’là de + subst.
19. « Bon d’là de Breton ! » grogna Picote, parodiant l’insulte. (G. Guicheteau, Les Gens de galerne, 1983, 83.)
□ En emploi autonymique.
20. C’était un bon gros qui roulait les r et jurait des « bond’là ». (H. Vincenot, La Pie saoûle, 1981 [1956], 95.)
— Dans une séquence.
21. Bon… Eh bien… voilà… je mis la main ! Ah ! nom de d’là d’bon là ! [sic] (L. Petiot, La Bretagne rit, 1982, 167.)
2. bon rat*.
3. 〈Ille-et-Vilaine, Loire-Atlantique, Maine-et-Loire, Vendée〉 bon sang de la vie ! "(variante développée de bon sang)". Stand. fam. bon sang de bonsoir !
22. – Mais bon sang de la vie, il s’est pas cassé le bras dans son fauteuil ! (Bl.-M. Depincé, Au Carillon de l’Ouest, 1975, 214.)
◆◆ commentaire.
I. Attesté en français dep. 1687 (« il fait bon frais » Abbé de Choisy, Journal du voyage de Siam, Frantext), ce tour subsiste, à l’état d’archaïsme, dans diverses régions de France et en Suisse
romande (DSR). Il s’agit d’une « survivance d’une tendance de l’ancienne langue consistant à employer certains adjectifs
en fonction adverbiale devant adjectif (cf. encore grand ouvert, fort aimable, fin prêt, etc.) » (DSR, qui renvoie à GrevisseGoosse 1993, § 954 e 2°), le français standard employant par ailleurs bon premier, bon dernier. On remarquera qu’au siècle dernier cette construction était parfois relevée comme
n’appartenant pas au français standard (« je partis pour Saint-Jacut […]. Il ventait bon frais, pour parler comme les gens du pays [actuelles Côtes-d’Armor] où je me trouvais alors » Habasque 1836, 207) et, en Alsace, dénoncée comme germanisme (av. 1852, selon WolfFischer) ;
on la relève chez des écrivains de Haute Provence, en 1870 (« au bon frais » P. Arène, Jean-des-figues, dans Gens de Provence, Paris, 1977, 12) et en 1930 (« il fait bon chaud », Giono, Regain, Frantext)a. Seul des dictionnaires généraux contemporains, Rob 1985 relève cet emploi, avec
la mention « régional (Suisse, etc.) » ; on lit cependant faire bon (chaud) dans TLF s.v. bon1 II B synt., où cette seule mention sans plus de renseignement, semble tenir de l’inachevé.
– WolfFischerAlsace 1983 ; SalmonAlsacianismes 1991, 333 ; GagnySavoie 1993 ; DSR
1997 (avec bibliographie ; aj. LengertAmiel) ; LesigneBassignyVôge 1999.
II. Attestée dep. 1829 à Marseille (« Le bon du jour est un provençalisme. Il faut dire le milieu du jour » Reynier)b, cette lexie est sans doute un calque de pr. « lou bon doou jor le milieu du jour » (Honnorat 1848, repris par Mistral qui, s.v. bon, glose lou bo del jour par "le bon du jour") ; elle est absente des dictionnaires généraux du français et des relevés régionaux
contemporains. – ReynierMars 1829-1878.
III. Absentes des dictionnaires généraux contemporains, ces locutions sont probablement
assez anciennes et leur diffusion reste mal connue. 1. est attesté dans EudelBlois 1905 s.v. sang, et dans Genevoix (1925 et 1926, Frantext) ; sa présence dans A. Boudard, La Cerise, 1963 (Frantext) s’explique sans doute par l’enfance de l’auteur en milieu rural dans
le Loiret ; RobezVincenot 1988 ; FEW 3, 58b, deus. 3. n’a pu être documenté à date ancienne.
a L’attestation suivante est sans doute à localiser à Saugues (Haute-Loire) : « À l’intérieur du lavoir où le mince ruisseau étalait des eaux plus larges, il faisait
bon frais » (R. Sabatier, Les Noisettes sauvages, 1983 [1974], 195).
b « D’ailleurs, cette expression ne nous paraît pas toujours juste. En été, par exemple,
ce serait le matin ou le soir qu’on devrait appeler Bon du jour plutôt que le temps compris entre dix heures du matin et deux heures de l’après-midi
environ » (ReynierMars 1829).
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : (III.1) Essonne, Eure-et-Loir, Ille-et-Vilaine, Indre-et-Loire, Loir-et-Cher, Loire-Atlantique,
Maine-et-Loire, Sarthe, Val d’Oise, 100 % ; Loiret, 80 %. (III.3) Ille-et-Vilaine, Maine-et-Loire, Sarthe, 100 % ; Loire-Atlantique, 80 %.
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