buquer v.
usuel
1. Emploi intr. 〈Nord, Pas-de-Calais, Somme, Aisne, Oise, Champagne, Ardennes〉 "frapper, heurter ; éclater". Stand. fam. cogner, péter. – On a entendu buquer toute la nuit, ils bombardaient la gare (CartonPouletNord 1991).
2. Emploi tr. indir.
— 〈Nord, Pas-de-Calais, Somme, Aisne, Oise, Champagne, Ardennes〉 "frapper à, heurter". Synon. région. taquer*, toquer*.
1. […] quand il fait bien noir, les garçons, par petites bandes, parcourent les corons,
« buquent » aux portes des maisons et se sauvent aussitôt. Ils sont contents d'entendre sortir et
crier derrière eux les habitants des demeures où ils ont frappé. (LateurArtois 1951,
59.)
2. On a posé nos vélos contre sa façade et buqué à sa porte. Une petite maison, au début de la rue de Belin, à Douai. (M. Quint, Effroyables jardins, 2000, 59.)
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
3. Parfois, après le départ de mon père, ma mère se recouchait. Vers 7 heures, elle se
relevait et refaisait du bon café, puis invitait sa voisine en « buquant » au mur, c'est-à-dire en cognant sur la simple cloison qui séparait son logement du sien.
(A. Viseux, Mineur de fond, 1991, 22.)
— 〈Champagne, Ardennes, Meuse (nord)〉 buquer après / sur qqc. "trébucher, buter dans/sur". Il a buqué sur une souche d'arbre (LanherLitLorr 1990). Sa tête est venue buquer après le trottoir (TamineArdennes 1992).
3. Emploi tr. 〈Ardennes.〉
— Factitif buquer qqc. "faire exploser quelque chose".
4. La veille de la cérémonie [du mariage], à la tombée de la nuit, Hercule reçut ses
camarades venus « buquer des pétards » devant sa porte. (A. Lebon, Martin du Tiss, mineur en 1900, 1979, 163.)
— buquer qqn "tirer des coups de fusil à l'occasion du mariage (de qqn), d'une cérémonie (en l'honneur
de qqn)" (TamineArdennes 1992).
◆◆ commentaire. Probablement issu d'abfrq. *bûskan (Hubschmid Vox 29, 118-119), bu(s)quier "frapper" (surtout "frapper à une porte") est au Moyen Âge (dep. 1200-1206, TLF) d'extension typiquement picarde (v. les ex. de
Gdf et TL). Dès Greban (dans Gdf) mais surtout au 16e siècle, on note que bu(c)quer a tendance à se dérégionaliser (v. les ex. de Marot, Pasquier, La Taille, Bretin,
Chassignet, Fontaine, François de Sales, tous Huguet) dans le sens de "frapper à une porte" (cf. encore deux attestations du 17e s. dans Gdf) ; durant cette période, il apparaît dans la lexicographie (Est-Oud 1660,
dans FEW). Aujourd'hui cependant le mot s'est replié sur sa zone d'origine et sur
la Champagne et les Ardennes (l'équipe Valibel a aussi relevé se buquer "se cogner" à Saint-Mard). Les dictionnaires généraux donnent des indications assez vagues sur
cet usage : absent de GLLF, il est indiqué par Rob 1985 et TLF comme « vx ou région. », ce dernier donnant toutefois un exemplea de Barbusse (1916) au sens de "bombarder, mitrailler" ; pour un exemple plus ancien que la période ici considérée, v. J. Rogissart, Coline, le meunier du pays, 1932, 136 : « Tu n'auras pas vu les officiers de jeunesse faire passer le nouveau couple sous la
voûte de leurs épées, tu n'auras pas entendu leurs fusils buquer leur sortie à la
mairie ».
a « recueilli d'un paysan vers Soissons » (EsnaultPoilu 1919 s.v. taper).
◇◇ bibliographie. SaubinetReims 1845 ; VermesseLille 1877 "frapper" ; RaillietReims 1930 "lanciner (de la douleur provoquée par un abcès) ; trébucher" ; MaugBagneuxHSeine 1936 "(terme de carrier) frapper le front de la masse pour reconnaître par le son s'il existe
des vides derrière" ; Chaurand « Langage et terroir dans Le Roi dort, roman de Charles Braibant », Parlures 2, 1986, 18 ; ChaurandThiérache, 254 ; LanherLitLorr 1990 ; CartonPouletNord 1991 ;
TamineArdennes 1992 ; TamineChampagne 1993 ; LesigneBassignyVôge 1999 ; K. Baldinger,
RLiR 21 (1957), 86.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Aisne, Nord, Pas-de-Calais, 100 % ; Oise, 40 % ; Somme,
30 % ; (au sens "trébucher") Ardennes, 55 % ; Marne, 45 % ; Haute-Marne, 25 % ; Aube, 15 %.
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