calculer v. intr.
〈Isère (La Mure), Hautes-Alpes, Provence (vieilli), Hérault, Puy-de-Dôme, Corrèze (vieilli), Dordogne, Lot-et-Garonne, Gers〉 fam. ou pop. "réfléchir". J’ai bien calculé, j’irai plutôt la semaine prochaine, le temps sera peut-être meilleur (GermiChampsaur 1996). Maintenant, quand vous me demandez un mot patois, faut que je calcule (DucMure 1990).
1. […] je comprenais pas ce qu’y [sic] pouvait rouler dans sa tête. Ça me faisait calculer, mais naturellement, je pouvais me douter de rien. (Th. Monnier, Madame Roman, 1998 [1957], 80.)
2. C’est qu’ils sont de cette sorte d’hommes qui se comprennent sans se parler. Qui réfléchissent,
soupèsent, calculent, avant d’ouvrir la bouche. Ainsi, vrais philosophes, mais sans qu’ils se sachent tels
et l’étant d’autant mieux. (L. Gachon, La Petite-fille de Maria, 1974, 93.)
3. – Je sens qu’il calcule pour me tuer. Il lui passe mille idées en tête, les unes fulgurantes, les autres
qui demandent réflexion. (P. Magnan, Les Secrets de Laviolette, 1993 [1991], 251.)
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
4. Si la petite lui posait une question, elle [mamé* Louise] répondait souvent : « Attends que je calcule. » Que je réfléchisse. Il fallait s’habituer à son vocabulaire. (J. Anglade, La Soupe à la fourchette, 1996 [1994], 115.)
— Emploi tr. dir. ou indir. J’ai calculé qu’on pourrait faire comme ça (DucMure 1990).
5. Et alors y me revient que mon mari m’avait dit que Pessegueux, le maréchal-ferrant,
soi-disant qu’y rendait des visites à ma mère… Oui, je me mets à calculer ça. (Th. Monnier, Madame Roman, 1998 [1957], 37-38.)
6. Le Joselou calcule sa journée, afin de souvent changer de besognes, selon les heures qui conviennent à chacune d’elles. (L. Gachon, « La journée d’un vieux Royadère, autrefois », L’Auvergne littéraire 203, 1969, 39.)
7. – Merci d’être venu me faire votre théorie. Je sens que je vais calculer là-dessus toute la semaine. (J. Anglade, Les Ventres jaunes, 1991 [1979], 115.)
8. On savait quand l’artiste Gournillot [un peintre] entreprenait un chantier, mais jamais
combien de temps les travaux dureraient. Des gens venaient parfois le talonner chez
lui en prétextant s’inquiéter de sa santé parce qu’ils ne le voyaient plus. Il leur
parlait de son lit alors qu’ils étaient en bas, à l’entrée du cuvage*. Il les tranquillisait en leur disant : « Justement, je calcule pour votre affaire… Ça avance… j’arrive ». Eux attendaient, puis se lassaient, et ils ne voyaient pas le peintre de toute la
journée. (R. Eckert, Jeanteau Supaud, manant auvergnat, 1995, 107.)
9. Je regagnai ma place, calculant déjà comment j’allais me sortir de cette affaire. (J.-Cl. Libourel, Les Roses d’avril, 1998 [1997], 82.)
V. encore s.v. fin1, ex. 6.
■ variantes. 〈Puy-de-Dôme〉 par plaisanterie (stéréotype) carculer "id.".
◆◆ commentaire. Cette extension de sens de fr. calculer "déterminer la probabilité d’un résultat" (dep. Pomey 1671, v. TLF) est attestée dep. 1903 dans le français de l’Isère (« Quand un Matheysin réfléchit, il ne dit pas je pense, mais je calcule. C’est chez eux une vieille habitude de marchander avec tout le monde, même avec le
ciel » Abbé A. Dussert, Essai historique sur La Mure et son mandement, Paris, 344, cité dans DucMure). Elle a aussi été relevée dans le français des Hautes-Alpes
(GermiChampsaur 1996, « v. intr. »), de Provence (dep. 1908, « Je calcule que vous feriez bien de quitter la place » J. Aicard, Maurin des Maures, dans Gens de Provence, Paris, 1997, 559 ; BrunMars 1931, tr. dans l’ex. ; BouvierMars 1986, intr. dans l’ex. ;
MartelProv 1988, tr. ou intr., « les vieilles personnes » ; ArmKasMars 1998, intr. dans l’ex., « vieilli » ; RoubaudMars 1998, 90 ; BouisMars 1999), de l’Hérault (comm. de Chr. Camps), du
Puy-de-Dôme (Pourrat, v. intr., dans ChambonÉtudes 1999 ; PotteAuvThiers 1993 « v. intr. ») et dans le Sud-Ouest (BoisgontierAquit 1991 « v. intr. […] peut-être plus populaire que proprement régional », avec un exemple du Lot-et-Garonne). En ce sens, calculer est absent de la lexicographie générale.
◇◇ bibliographie. ChambonÉtudes 1999, 113 « bien connu dans le français populaire du Puy-de-Dôme » ; FEW 2, 75a, calculare.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Hautes-Alpes, 100 % ; Alpes-Maritimes, 85 % ; Bouches-du-Rhône,
80 % ; Alpes-de-Haute-Provence, Var, Vaucluse, 70 %.
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