campagne n. f.
〈Surtout Provence, Gard, Hérault, Aude〉 usuel
1. "exploitation agricole ; domaine viticole".
1. […] ils vendirent l’unique bien qu’ils possédaient et, avec l’argent, ils achetèrent
des brebis. Mon mari […] leur trouva une campagne en mauvais état pour commencer à faire l’élevage. Cette campagne faisait partie d’un hameau presque en ruine qui s’appelait « Barbarenque ». (M.-Th. Chalon, Une vie comme un jour, 1976, 164.)
2. […] Nouvelles, une grosse campagne avec un château entre Villeneuve et Tuchan. (L. Chaleil, La Mémoire du village, 1989 [1977], 339.)
3. […] à un quart d’heure à pied de notre maison, on trouvait des « campagnes » plus ou moins importantes mais qui toutes embauchaient des vendangeurs. (M. Rouanet,
Le Troupeau d’abeilles, 1983, 103.)
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
4. […] aller « manger sur l’herbe » avec le patronage […] dans une « campagne » – entendez une propriété de vignes – dont le propriétaire mettait une pinède à la
disposition de la paroisse. (M. Rouanet, Petit Traité romanesque de cuisine, 1997, 333.)
■ dérivés. 〈Hérault〉 campagnette n. f. fam. "fermette". « […] Paulette habitait une campagnette un peu à l’écart […] » (M. Rouanet, Nous les filles, 1990, 249). – Attesté dep. 1862 dans le français de Suisse romande (LengertAmiel) ;
CampsLanguedOr 1991 ; aj. à FEW 2, 153b campania.
2. 〈Aussi Haute-Garonne〉 "propriété à la campagne ; maison de campagne utilisée comme résidence secondaire".
5. […] madame Salles logera quasi gratis le jeune ménage ; […] elle leur donnera la « campagne » de Gémenos, qui produit de si bonnes pêches, etc. (H. Queffélec, Journal d’un salaud, 1944, 155.)
6. Ah oui, si j’avais un bien comme celui d’ici, j’en ferais une campagne si belle, si propre que tous les gens en baderaient* d’envie ! (Th. Monnier, Madame Roman, 1998 [1957], 119.)
7. […] chaque année, au printemps, dès que la température devenait plus agréable, je
me partageais dans la mesure du possible entre mon usine de Paris et ma maison de
Normandie, oh, une simple chaumière près de Deauville, mais très confortablement installée,
et surtout dans un calme absolu, entourée qu’elle est de vingt hectares de prés et
de bois. / Avec la Ferrari et à condition d’éviter les heures de pointe, j’étais au
Pressoir – c’est ainsi que j’ai baptisé cette campagne – en un peu plus de deux heures, une balade. (M. Lebrun, Comme des fous, 1972, 41.)
8. Hier encore les noyés [des chasseurs surpris par la pluie] pouvaient pousser jusqu’à
la ferme la plus proche […] pour un pique-nique à couvert. La campagne n’est plus
aussi accueillante, aussi les cuisiniers [Bocuse et ses amis] se sont-ils presque
tous offert « des » campagnes. En pierre, en briques, en pisé, en torchis. Je suis sûre que leurs résidences secondaires,
parfois situées à trois pas de leur maison principale, ont eu pour origine leur amour
de la partie de campagne avec la famille et les copains. Bocuse, avant de trouver
sa maison du bord de la Saône, avait déjà acheté la grande bâtisse qu’à Collonges
on appelle : L’Abbaye. (F. Deschamps, Croque en bouche, 1980 [1976], 262.)
9. La campagne de Wanda se trouve tout au bout du chemin, dans un repli caché par les pins. Il n’y
a ni chien ni sonnette. (Cl. Courchay, Le Chemin de repentance, 1986 [1984], 25.)
10. – Moi, j’ai une campagne, les légumes, je me les produis… heureusement, s’il fallait acheter ça aussi, où on
irait ? (J. Ferrandez, Nouvelles du pays, 1986, 20.)
V. encore s.v. cabanon, ex. 4.
□ Avec un commentaire métalinguistique incident.
11. Cachée dans une vallée fertile, entre le mont Ventoux et les monts du Vaucluse, cette
demeure, ou plutôt cette « campagne » comme on dit au pays, possédait cette particularité de paraître de dimensions modestes ;
or celui qui y pénétrait restait surpris de la découvrir six fois plus grande que
les apparences ne le laissaient supposer. (R. Sabatier, Les Enfants de l’été, 1986 [1978], 9.)
◆◆ commentaire. Attesté dep. Saint-Simon (FEW)a, ce sens est aujourd’hui un archaïsme en usage principalement dans le Sud-Est de
la France et en Suisse romande (où il est attesté dep. 1783, GPSR), ce dont ne rendent
pas compte les principaux dictionnaires généraux du français contemporain, qui donnent
cet emploi sans marque, mais avec toutefois des exemples vieux (Chateaubriand 1848
dans TLF) et/ou marqués régionalement (Daudet dans GLLF et Rob 1985). Le mot entre
dans de très nombreux noms de lieux de l’Hérault, dont aucun ne possède de forme ancienne,
ce qui doit signaler une diffusion récente et sans doute à travers le français, v. Hamlin,
74).
a Mais probablement bien antérieur, v. Jacques Chocheyras, Le Théâtre religieux en Savoie au xvie siècle, Genève, Droz, 1974, 143 : en 1565, dans l’Histoire de saint Martin, le terme campagnyz (« Jey suy venu du fon d’Espagnyz Ou j-ez una gran campagnyz »), malgré le traitement francoprovençal (‑yz) ne peut être autochtone (absence de palatalisation de l’initiale) et suppose donc
très probablement un emprunt au français, ce qui invite à une rétrodatation indirecte.
(J.-P. Chambon)
◇◇ bibliographie. PuitspeluLyon 1894 ; MâzucPézenas 1899, 289 « Granchó, sf. Campagne et maison de campagne » ; Mâcon 1926 citant Lenôtre 1918 « Autour de Montpellier, les “campagnes” foisonnent » ; Camps ColloqueDijon 1976, 206 (1) ; MartelProv 1988 (1 et 2) ; CampsLanguedOr 1991
(1 et 2) ; CovèsSète 1995 (2) ; LengertAmiel ; MoreuxRToulouse 2000, 22 ; FEW 2, 153b, campania.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
|