champignon n. m.
〈Creuse, Corrèze, Haute-Vienne, Dordogne, Pyrénées-Atlantiques〉 usuel "bolet comestible, notamment Boletus edulis, particulièrement agréable au goût". Stand. cèpe.
1. […] la « chasse » aux champignons […]. Je dis bien « la chasse » en parlant de champignons et non pas « la cueillette » car on ne cueille pas les champignons comme on cueille des poires ou des tomates. Les champignons, on les cherche et c’est une véritable chasse sous les fougères et dans la mousse,
dans les ronciers et sous la feuille. (F. Dupuy, L’Albine, 1978, 195.)
2. En matière de mycologie, Antoine est totalement nul. Il connaît la girolle, la filleule
[= coulemelle], le rosé et le champignon. Le champignon, c’est le cèpe. (Panazô, Le Traînard, 1994, 226.)
□ En emploi métalinguistique.
3. Mais procédons par ordre, et sachez d’abord que quand je parle des champignons, je ne désigne pas l’ensemble des champignons. Ici, quand on dit les « champignons », on veut dire les cèpes ; les autres champignons on les désigne par leur nom : les
girolles, les coulemelles […]. (F. Dupuy, L’Albine, 1978, 195.)
V. encore ici ex. 2.
◆◆ commentaire. Sens non relevé dans les dictionnaires généraux. Innovation sémantique régionale,
attestée dep. 1912 en référence au Limousin (« Limousin […] Champignons farcis. Prenez de beaux cèpes du Limousin » Pampille, Les Bons Plats de France, 125)a d’après L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Le Limousin, 1998, 108b, et consistant en un emploi sensu eminentiore de fr. champignon "végétal cryptogame qui se reproduit au moyen de spores" (dep. 1398, Ménagier de Paris, v. TLF), le bolet comestible étant considéré comme le parangon du champignon dans
les régions concernées où le ramassage et la vente des cèpes constitue souvent une
activité économique non négligeable (surtout Corrèze et Dordogne). Le même processus
sémantique affecte parallèlement différents types lexicaux occitans en Corrèze, en
Dordogne et dans l’extrême sud-ouest de la Haute-Vienne (comparer ALAL 389 ‘champignon’ et 394 ‘cèpe’). Dans la moitié septentrionale de l’aire (Creuse, Haute-Vienne sauf sud-ouest, nord
de la Corrèze), les parlers occitans distinguent lexicalement, en revanche, les notions
de ‘champignon’ et de ‘bolet comestible’, et emploient unanimement le francisme [sɛp] pour la seconde notion (ALAL 394). Il semble donc qu’on ait affaire à deux mouvements
de sens inverse : expansion régionale de fr. champignon "bolet comestible" vers le nord, expansion du terme national cèpe vers le sud. L’usage français régional a aussi été emprunté occasionnellement en
patois (Dordogne [sãpiñu] ALAL 394 pt 59).
a BéronieTulle 1823 s.v. poutorel distingue deux espèces éminentes de champignon, le champignon noir (= "bolet comestible") et le champignon rouge (= "oronge"). Cette valorisation a pu préparer l’usage ici décrit.
b Cf. Raymond Février, cité dans Curnonsky, Trésor culinaire de la vieille France, 1927, 13 : « Champignons à la Cévenole [titre] Il n’est rien de meilleur, croyez-en ma parole,
Que des champignons frais, cuits à la cévenole […] / Gratinez un instant à la chaleur
du four Et servez… O bolets ! O délices ! Amour ! »
◇◇ bibliographie. PalayBéarn 1932 « cép […] Champignon en général mais plus particulièrement cèpe, bolet » ; aj. à FEW 2, 152b, campania, où ce sens précis manque.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Dordogne, 90 % ; Corrèze, Creuse, 80 % ; Haute-Vienne, 70 %.
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