chapon n. m.
I. 〈Provence (vx), Aude, Haute-Garonne, Ardèche, Dordogne, Gironde (Bordeaux)〉 vieillissant "croûton de pain frotté d’ail que l’on met dans une salade ou à l’intérieur d’un poulet
à rôtir". Des chapons aillés (G. J. Arnaud, Les Oranges de la mer, 1990, 266).
1. – J’ai failli oublier les chapons dans la frisée, dit Albanie.
Le mot « chapon » le surprit, alors que ce n’étaient rien d’autre que des morceaux de pain grillé frotté à l’ail. Parfois, les jours de fête, on les faisait frire. (G. J. Arnaud, Les Moulins à nuages, 1988, 55.) 2. Il y avait pour déjeuner un poulet farci de chapons et, pour dessert, un clafoutis aux pruneaux aussi grand qu’une roue de brouette.
(H. Noullet, La Falourde, 1996, 197.)
V. encore ici ex. 6.
□ Avec ou dans un commentaire métalinguistique incident.
3. Un dernier mot sur l’ail. Il n’est autorisé à donner sa note violente que dans une
seule salade de crudité : la frisée ; et il se sert alors d’un intermédiaire : le
chapon, croûte de pain, dont le côté extérieur et rugueux est frotté d’ail, et dont le côté
mie est imbibé, par pression au fond du saladier, de vinaigrette. (M. Brun, Groumandugi. Réflexions et souvenirs d’un gourmand provençal, 1949, 17.)
4. La salade, même de laitue, avait son chapon (croûton frotté d’ail). C’était souvent entre nous trois un sujet de bataille : on
en mit plusieurs. (Ch. Forot, Odeurs de forêt et fumets de table, 1987 [1955], 280.)
5. Dans le saladier, faire la vinaigrette habituelle […]. Mettre les feuilles de chicorée,
fragmenter la croûte frottée d’ail en croûtons (les « chapons ») […]. (L’Encyclopédie de la cuisine régionale. La cuisine du Périgord, 1979, 131.)
V. encore ici ex. 1.
□ Dans un énoncé définitoire ordinaire.
6. Poulet aux chapons. Les chapons sont ici des morceaux de pain longs et fins, débarrassés de leur mie et frottés à
l’ail. (L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Midi-Pyrénées, 1996, 293.)
II. 〈Côte méditerranéenne〉 spor. "poisson (Scorpaena scrofa et elongata) à grosse tête hérissée d’épines, proche de la rascasse". Le délicat chapon, poisson de roche à chair ferme (J.-Cl. Ribaut, dans Le Monde, 10 septembre 1994, 6). Chapon en papillote (mai à septembre) (Le Guide rouge 2000, 2000, 143 [Restaurant du Cap-d’Antibes, Alpes-Maritimes]).
7. Sa bouillabaisse était une des meilleures de Marseille. Rascasse, galinette*, fielas [= congre], saint-pierre, baudroie, vive, roucaou [= labre bleu], pageot,
chapon, girelle… Quelques crabes aussi, et, à l’occasion, une langouste. Rien que du poisson
de roche. (J.-Cl. Izzo, Chourmo, 1996, 94 .)
8. M. le Maire [de Villefranche-sur-Mer, Alpes-Maritimes] remit également [à l’issue
d’un concours de pêche] une coupe à Émile Deleuse, 10 ans, pour sa sixième place et
surtout pour avoir pêché un beau « chapon ». (Nice-matin, éd. Menton, 26 août 1997, 6.)
9. Petite, la rascasse est employée pour la soupe de poissons […]. Le chapon, plus gros, se prépare grillé au four. (L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Languedoc-Roussillon, 1998, 274.)
■ remarques. Le mot est surtout connu des pêcheurs et des restaurateurs. En voie de dérégionalisation
(?) ; vu l’étiquette « chapon » au rayon poissonnerie d’une grande surface à Illkirch-Graffenstaden (Bas-Rhin), 6
février 1999.
◆◆ commentaire.
I. Seule une enquête permettrait de préciser l’aire d’emploi de chapon, qui ne semble de quelque usage que dans la partie méridionale de la France, où il
n’est d’ailleurs pas endogène compte tenu de son initiale (ch-). Attesté dep. 1787 (« Chapon […]. En Provence, morceau de pain qu’on frote d’ail et qu’on met dans la salade » Féraud), ce sens est une analogie de frm. chapon "morceau de pain trempé dans un bouillon" (dep. 1640, Oudin, v. HöflerRézArtCulin ; lui-même par métaph. plaisante de chapon "coq châtré"). Enregistré sans marque diatopique par Littré, GLLF et TLF (citant A. France 1881),
il est marqué « régional » dans Rob 1985 et « région. (Sud-Ouest) » dans NPR 1993-2000.
II. Attesté dep. 1611 (chapon de mer Cotgr), probablement adapté du provençal capou(n) (Mistral, FEW). Ce poisson est probablement ainsi désigné, par analogie de fr. chapon "jeune coq châtré qu’on engraisse pour la table" (dep. le 12e s., v. TLF), en raison de la qualité de sa chair. Ce sens est absent des dictionnaires
généraux contemporains et de Frantext.
◇◇ bibliographie. (I) PépinGasc 1895 chapon de Gascogne ; BrunMars 1931 ; TuaillonRézRégion 1983 (Bordeaux) ; HöflerRézArtCulin ; MoreuxRToulouse
2000 « régionalisme (si c’en est bien un) inconscient » ; FEW 2, 267b, capo. – (II) CampsLanguedOr 1991 ; CampsRoussillon 1991 ; FEW, loc. cit.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96 : Ø.
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