croustade n. f.
〈Hérault, Ariège, Haute-Garonne, Tarn, Tarn-et-Garonne, Lot, Aveyron, Lot-et-Garonne,
Gers, Hautes-Pyrénées, Landes, Gironde〉 usuel "gâteau de forme ronde, léger et feuilleté, fait d’une pâte étirée très finement, souvent
agrémentée de pommes ou de poires". Synon. région. pastis*, tourte* (moins usuel), tourtière*. – Le pastis* gascon ou croustade (Pays et gens de France, n° 70, le Gers, 24 février 1983, 4e de couverture) ; croustade dorée ; croustade aux raisins de Corinthe (P. Gamarra, Le Maître d’école, 1994 [1955], 224), aux pommes (P. Gamarra, Les Lèvres de l’été, 1986, 151).
1. À la maison aussi, où buffets et placards exhalaient l’odeur beurrée des croustades, c’était jour de communion solennelle […]. (J. Cazalbou, La Porte du Casteras, 1969, 70.)
2. Penchée sur la table de la cuisine, Mamette très affairée prépare la croustade. / C’est le plat des grands jours ; une gâterie pour marquer à sa façon cette fête
de Toussaint. (G. Combarnous, Mamette de Salagou, 1973, 5.)
3. Ma grand-mère passait un peu de farine sur un tamis plus fin et la pétrissait à part
pour faire quelques fouaces*, deux ou trois croustades avec des poires coupées en tranches, et des pommes qu’elle enrobait de pâte. (P. Gougaud,
L’Œil de la source, 1978, 41-42.)
4. Le dessert préféré de mon enfance [la croustade aux pommes]. Le gâteau par excellence que préparaient Angèle Rousse, ma grand-mère (elle a aujourd’hui quatre-vingt-seize
ans et aime toujours autant la croustade) et Louise Boy, notre cuisinière des vacances. (Chr. Bernadac, La Cuisine du Comté de Foix et du Couserans, 1982, 144.)
5. Toutes les recettes de croustades, détaillées par les grands maîtres[,] ne sauraient remplacer la leçon dans la cuisine
de la ferme, lorsqu’elle [la maîtresse de maison] étale la pâte, souple, élastique,
sur toute la longueur de la table. (Pays et gens de France, n° 70, le Gers, 24 février 1983, 13.)
6. […] les croustades, légères et raffinées, de pâte feuilletée, fourrées soit de crème d’amandes douces
ou amères, soit de pommes, de poires ou de figues et de miel. (Guide Bleu. Languedoc-Roussillon, 1988, 135.)
7. Avec l’arrivée de la saison estivale, les traditionnelles fêtes locales vont animer
les villages de notre vallée. Biert et sa fête de la croustade ne feront pas défaut […]. Nous espérons que […] vous serez nombreux à apprécier la
croustade et le vin blanc sur la place du « Prat Besial ». (Nosto Coummuno. Bulletin d’information communal édité par la Mairie de Biert, Ariège, n° 3, juillet
1996, n. p.)
8. Assis à la terrasse du restaurant Bastard, à Lectoure, sous le ciel embrasé du Gers,
je fais le point sur l’éternité. Les martinets mènent la chasse […]. À chaque passage
des martinets, en rase-mottes sur ma croustade aux pommes, j’hallucine. (Chr. Seguin, Le Tour des jours en quatre-vingts mots, 1997, 47-48.)
V. encore s.v. pastis, ex. 7 et 9 ; s.v. tourtière, ex. 7.
■ encyclopédie. « À l’origine, la croustade, ou pastis*, était préparée à la graisse d’oie au lieu de beurre. C’était le dessert traditionnel
des grands repas : mariages, communions, fêtes de village… Il était consommé au moment
du carnaval […]. Aujourd’hui, ce gâteau se consomme plus régulièrement en dessert » (L’Inventaire du patrimoine culinaire de la France, Midi-Pyrénées, 1996, 82). V. encore A. Bonnaure, La Cuisine rustique. Languedoc, 1971, 209-213.
◆◆ commentaire. Cet emploi de croustade est caractéristique d’une aire assez vaste du Sud-Ouest, où il voisine avec ses synonymes
régionaux. La lexicographie générale contemporaine (GLLF, TLF, Rob 1985, NPR 1993-2000,
Lar 2000) ne connaît que croustade "sorte de croûte […] garnie de préparations diverses" (dep. 1712 pâté de croustade, TLF)a, dont le sens ici décrit est une variante, géographiquement bien circonscrite. Si,
au sens du français standard, le mot est d’origine italienne, comme le veut le TLF,
il est plus probable qu’on ait affaire ici à un emprunt au lang. gasc. croustado (cf. ALG 746 ‘gros gâteau’, où ce type est bien attesté en Ariège et dans l’est du Gers) ; mais la documentation
disponible ne permet pas toutefois d’en tracer l’histoire, qui n’est d’ailleurs peut-être
guère ancienneb, à moins qu’il faille tenir compte en ce sens de l’exemple suivant, qui peut se dater
de 1650 : « Belles Dames, cette boutade N’est rien qu’une piece de four Si vous n’aymés pas la
croustade Préparés vous un autre jour Vous aurés la piece d’amour » (Jacques Roudil, Œuvres poétiques languedociennes et françaises, publ. par Marcel Barral, Montpellier, 1982, 115).
a Sur 16 occurrences de ce terme dans le cédérom Le Monde (1987-1997), 15 concernent ce référent. On ramènera à ce sens (seul indiqué dans
LarGastr 1938-1996) la première acception de croustade relevée dans BoisgontierAquit 1991 pour le Gers.
b Le terme connaît actuellement une certaine dérégionalisation qui accompagne celle
du référent, lequel est diffusé à travers la France chez des pâtissiers qui proposent
des « croustades gasconnes » (par exemple à Belfort ou à Montbéliard) ou des « tourtières de Gascogne » (à Challans, en Vendée), à base de produits du Sud-Ouest.
◇◇ bibliographie. Cf. PomierHLoire 1835 "tourte" et AnonymeToulouse 1875 « croustade. Ce joli mot doit être sacrifié au terme insignifiant de tourte » ; SuireBordeaux 1988 ; BoisgontierAquit 1991 (uniquement dans le Gers) ; BoisgontierMidiPyr
1992 ; MoreuxRToulouse 2000 « régionalisme général et inconscient » ; aj. à FEW 2, 1372b, crusta.
△△ enquêtes. EnqDRF 1994-96. Taux de reconnaissance : Ariège, Aveyron, Haute-Garonne, Gers, Landes, Lot, Tarn-et-Garonne,
100 % ; Tarn, 90 % ; Hautes-Pyrénées, 50 % ; Lot-et-Garonne, 40 % ; Gironde, 30 % ;
Pyrénées-Atlantiques, 0 %a.
a Une première version de cet article a paru dans RLR 103 (1999), 351-352.
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